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Mont-Cindre,la troupe admira les béautés qu'on découvre de ce point de vue. C'eft de là qu'on diftingue 12 pro. vinces, & que l'oeil, après avoir embraffé l'horifon le plus étendu, vient fe repofer fur des objets plus rapprochés, & parcourir voluptueufement les beautés que la nature & l'art ont répandues avec prodigalité fur les bords paifrbles de la Saône, & tout autour de la fuperbe cité lyonnoise. L'Eternel a fon temple au MontCindre; nos voyageurs s'y rendirent; la messe y fut célébrée, aux voix qui poufferent à la voûte, céleste quelques faints cantiques, fe mêlerent le bruit des boîtes, la mélodie des inftrumens, & les doux tranfports de tous les affiftans.

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A quelque pas, des tables dreffées fous des tentes couvertes de mets abondeos, mais fimples, furent bientôt entourées par nos voyageurs, & par les officiers municicipaux & la garde nationale de Saint-Cyr,invités à cette fête. L'appétit, dont il eft impoffible de ne pas fentir les egréables pointes dans cet air pur, fut le meilleur affaifonnement de ce repas champêtre. A la table fuccederent des danfes où plus de 3000 perfonnes prirent part. La joie brilloit fur tous les vifages, l'harmonie régnoit dans tous les cœurs, & cette agréable ivreffe ne fut interrompue que par l'arrivée de la nuit & le départ de la troupe lyonnoife qu'elle occafionna. Mais avant de fe féparer, on paya un jufte tribut d'hommage au pafteur de Saint-Cyr, pour fon zele à expliquer à fes paroiffiens les décrets de l'Affemblée nationale, & à la milice citoyenne de ce canton, pour la tranquillité qu'elle y fait régner.

Lyon, 27 juin. L'affemblée repréfentative du ComtéVenaiffin, féante à Carpentras, continue à s'occuper des intérêts qui lui font confiés. Elle a arrêté deux canaux d'arrosage qui fertiliferont les belles campagnes qu'ils doivent traverfer. Elle penfe férieusement à renouveler l'ancien projet d'un canal de navigation du Rhône jufques dans le port même de Marfeille. Ce canal fut commencé en 1718, & creufé dans l'efpace de deux lieues; mais un nonce papal ayant appréhendé que cette opération ne donnât une trop grande influence au gouvernement fifcal de la France fur le pays foumis à fa fainteté, fit fufpendre les travaux. Les fonds que les entrepreneurs avoien

verfés dans une caiffe, furent apperçus par le fyftématique Law, qui les remplaça par des billets d'Etat, & lorfque les obftacles du vifir romain furent levés, & qu'on auroit pu continuer l'entreprife, tous les bras fe trouverent paralyfés à l'afpect de ces billets qui étoient abfolument tombés en difcrédit; le beau projet du canal fut enveloppé dans certe chûte. Tout le monde fent les grands avantages d'une navigation entre Marfeille & Lyon. Ils font tels que notre commerce en prendroit une nouvelle vie, & en acquerroit une étendue incommenfurable. Il eft donc bien à défirer que la France, dont les tréfors feront déformais constamment employés, à des objets d'utilité publique, prenne en grande confidération le fuccès de ce projet.

Lille, 29 juin. Vendredi dernier, un de nos facteurs de la petite pofte a vu faifir & arrêter à Wervick, par les prépofés de la ferme générale, un religieux qui exportoit le numéraire de France dans les provinces belgiques unies. Ils l'ont arrêté avec deux facs de nuit, remplis d'or, dont le poids eft de 320 liv. Il y a encore pour une plus forte fomme de lettres de change. On a conduit ce cénobite fraudeur des ordonnances, en prifon. On observe que c'étoit le sixieme voyage qu'il faifoit fucceffivement depuis peu de jours.

La gaité renaît en France; nous prenons une conftitution nouvelle en confervant notre ancien caractere ; la révolution détruit les abus fans altérer la gaité nationale. Les fêtes au milieu defquelles elle fe plaît, reparoiffent dans tous leur éclat, mais elles font telles que le patriotifme les infpire & les dirige. De ce nombre il faut mettre celles de MM. les volontaires de la garde nationale de Lille ont données dimanche & hier lundi, aux 4 régimens, Brie, Beaujolois, Dillon & Colonel-générale,cavalerie, qui compofent notre garnison. Dimanche vers 2 heures, les citoyens militaires & les militaires citoyens fe réunirent au quatier général, & pêle-mêle, ils fe rendirent fur l'Efplanade, où un fplendide dîner les attendoit dans 2 fuperbes falles ombragées. Ces falles contenoient 2 files de 40 tables, 150 en tout, de 20 pieds chacune. Un jambom, deux rôtis, un de veau & l'autre de mouton, un paté de viande hâchée & une énorme piece de

prin-fel, étoient férvies für chacuné d'elles. "Au milliét de la falle étoit dressée une table de iso couvertsoùlefone placés M. le maire, quelqus officiers municipaux, MM. les chefs & officiers volontaires & de la garnifon:4 faping ornés de guirlandes de fleurs foutenoient un plafond de roile;un fur-cout magnifiquement décoré,de 40 pieds de long fur zo de large, dont tous les plateaux étoient couverts de fleurs, & fablés d'emblêmes analogues à la fête, ornoît cet autel à la bonne chere. Les fantés étoient portées de toutes parts au bruit du canon. Les bierres & les vins étoient diftribués avec profufion; enfin c'étoit les nôces de la liberté. Bientôt ont fuccédé les chants, les ris, les cris de vive la nation, les danses, &c. En un mot, tous les cœurs fe font raffafiés de plaifir Dimanche, la pluie qui n'avoit pas ceffé de tomber à verfe pendant la matinée, fembloit vouloir troubler les apprêts de ce repas civique & cerre fête magnifique; mais le ciel heureulement, est devenu, beau & le foleil a brillé pendant 6 heures confécutives. Vers 5 heures, le temps a commencé à changer & s'eft remis à la pluie. On a levé le fiége,& une averle eft venue troubler les divertif femens qui devoient fuivre ce repas de paix & d'union. La marche, quoique défagréable, n'en étoit pas moins belle. Une mufique bruyante & millitaire marquoit les pas par des airs guerriers ; 2 pieces de canon étoient traînées à la tête de ce cortége nombreux; fusvoit un char conduit par l'amour, & dans lequel étoient le graces, puis va trophée d'armes porté par des fauvages. Venoit enfuite un phaëton drapé, dont les côtés étoient ornés de trophées peints, & le devant décoré d'unautretrophée, repréfentant les drapeauxentrelaffes de la gardenationale & des 4 régimens de la garnifon; ce char contenoit différens chefs & magiftrats. Venoit après une frégate, emblême du commerce, montée de 34 canons, de tous. fes agrès & apparaux.

Ce charmant bâtiment,de 20 pieds de longueur, étoir traîné par des efclaves. Suivoit une urne immense où brûloit le feu facré de la liberté ; elle étoit portée par des janniffaires. Venoit encore un grand char de bois de rofe, fupérieurement décoré : le haut étoit occupé par Mars, chargé de fon armure, & qui accoloit un garde national ; à les pieds étoient un conful Romain & deux prêtres defervant le temple de liberté, qui affranchis

foient des efclaves; & qui les couvroient da bonnet de la liberté. Ici fuivoit encore un trophée d'armes, puis un timbalier & 4 trompettes qui faifoient retentir l'air des fons de leurs bruyans inftrumens. Venoit immédiatement après un troisieme char, occuppé par M. le maire, M. le général de la garde nationale, de plufieurs autres magiftratschefs. Les côtes étoient ornés de bas-reliefs, repréfentans les quatre parties du monde,félicitant la France de fa conquête fur le defpotifme, l'immortel Décius, ce généreux chevalier romain qui se voua à la mort pour le falut de fa patrie ; les départemens du Nord, du Pas de Calais & de la Somme au ferment fédératif; enfin autour du char marchoient fix amours armés de flêches & de carquois, & quatre lévites qui portoient des caffolettes remplies de parfums. Cinq 'hommes à cheval venoient immédiatement aprèsaveclesrepréfentations des drapeaux de la garde nationale de Lille & des quatre régimens de la garnifon; un globe étoilé avec cette infcription: Affemblée nationale; 6 guidons, portés par des prêtres du temple de la liberté fur lefquels il y avoit différentes infcriptions analogues à l'événement qui fair de tous les français un peuple de freres ; puis fuivoir un trophée d'armes ; un char à la romaine, occupé feul par le portrait du Roi, & traîné par un éléphant. Les bas-reliefs repréfentoient la France donnant la liberté à de malheureuses victimes de la maltote & de la féodalité, qui gémiffoient fous le poids humiliant des fers des galeres. Enfin le cortége étoit fermé par la conduite de 5 à 6 fuperbes chevaux de main, richement caparaçonnés.

Le prix de l'Abonnement de ce journal, qui paroft tous leg jours eft de 3 liv. 10 fols par par moiss on en vend à 3 fols 31 la feuille pour ceux qui n'ont pas fouferit.

COURIER FRANÇAIS,

DU SAMEDI JUILLET 1790.

ASSEMBLÉE NATIONALE. du

Decree fur l'incendie des barrieres de Paris. Rétraftation folem nelle d'un membre de l'Affemblée d'avoir figné la déclara tion des noirs. Découvertes importantes fur les penfions.

Différens procès criminels, commencés à la cour

des aides contre ceux qui font acculés d'avoir incendié les barrieres de Paris, le 14 juillet dernier,ont prefqu'en tiérement occupé lá féance d'hier foir. Elle a été, suivang Pafage, ouverte par la lecture des adreffes, parmi lefquelles on a remarqué celle de la municipalité de Chartres, qui dévoue à l'exécration publique la déclaration des noirs; puis celle de M. le comte de Rofe qui, âgé dé 72 ans, faic hommage à l'Assemblée de fes titres de nobleffe, ne voulant porter d'autre titre que celui de frere & d'ami de tout Français. On a ordonné l'im➡ preffion de celle de Tarafcon, qui faifoit le plus bel éloge. de la fubordination qui règne dans le régiment de Lorraine, en garnison dans les murs. Celle d'Orléans, qui accufoit vivement les noirs d'avoir voulu élever un aurel particulier contre l'autel de la patrie, n'a pas plu à M. Maury, qui s'est écrié qu'il ne convenoit pas à M. le dec d'Orléans de faire des anithefes.

On a enfuite admis les députations, à la tête def quelles éroit celle des arquebuliers de Paris, qui récla moient la jufte indemnité qui leur eft due pour les pertes qu'ils ont faites, au mois de juillet dernier, pendant lequel on leur a enlevé pour 119, 117 liv. d'armes

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