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dans les rues en vociférant et donnant lieu aux scènes les plus tumultueuses. Ils se présentent à l'assemblée qui leur donne l'accolade fraternelle, et ces fanatiques se mêlent avec les législateurs qui sourient à leurs propos féroces. Le maire de Paris ne tarde pas à se montrer; encouragé par leur présence, il demande au nom des 48 sections la déchéance de Louis; l'assemblée écoute, et n'ose accueillir ni rejeter la motion du sycophante déconcerté.

du comité

Jacobins.

Tels furent les préludes de la fatale journée du Formation 10 août. Les Jacobins forment un comité d'in- insurrecsurrection; il ne manque plus qu'un prétexte qu'un prétexte tionnel des pour commettre l'attentat.Bientôt les nouvelles les plus alarmantes se répandent, et sont confirmées par les déclarations du duc de Brunswick, qui remontait au même instant la Moselle pour se diriger sur Longwy. Le Roi projette, dit-on, de fuir pour se joindre aux ennemis. Cette cour dont les menées semblaient avoir décidé l'invasion et attiré un outrage aussi sanglant à la nation, n'inspire plus, même aux hommes modérés, qu'un sentiment d'indifférence, pour ne pas dire de haine. On plaint le Roi, mais on le soupçonne d'être l'instrument de ses conseils et des princes fugitifs : dès-lors les conspirateurs ont un champ ouvert à toutes les entreprises.

Les bruits sinistres, exagérés à dessein, ne manquent pas leur but. Déjà les sections ont ré

clamé la déchéance, en menaçant d'un soulèvement, si l'on ne se hâte de la prononcer. Le comité insurrectionnel ayant pris toutes ses mesures, fait battre la générale et sonner le tocsin. Les gardes nationales s'assemblent : des détachemens sur lesquels on comptait le plus, se rendent au château pour en occuper les avenues. Journée du Cependant Louis instruit que le projet de ses Mesures de ennemis consistait à s'emparer de sa personne; à défense du défaut de garde constitutionnelle, avait appelé

1o août.

Roi.

près de lui plusieurs compagnies Suisses; des gentilshommes, des militaires dévoués, s'étaient aussi rendus volontairement au poste périlleux, dans la journée du 9 et pendant la nuit du 9 au 10. Les Tuileries se trouvaient donc défendues par 2,500 gardes nationaux, 2 bataillons suisses, et environ cinq cents gentilshommes ou anciens militaires, rasseinblés sous les ordres du vieux maréchal de Mailly. A cinq heures du matin le Roi descend, visite les postes, passe en revue l'infanterie, la cavalerie; et partout il est accueilli avec enthousiasme. Quoique certain du zèle de ces troupes, il ne mettait guère d'espérance en leur secours, et loin de songer à prendre l'initiative, il laisse paraître le trouble dont il est frappé. Les résolutions promptes et énergiques étaient hors de son caractère, contraires à ses sentimens pour les Français, et combattues par ses craintes pour ceux qui l'entouraient.

que

Les nuances d'opinions et celles de l'accueil leur faisait la cour, divisaient encore ces corps qui, même bien unis, eussent à peine suffi pour sa défense. Déjà 2 bataillons mal disposés où excités par des agens, quittent le jardin, sous prétexte que les Suisses veulent tirer sur le peuple: deux autres suivent cet exemple, et arrêtent sur la place du Carrousel, les nouveaux détachemens accourant pour les joindre.

Péthion se présente au château où l'avaient déjà précédé plusieurs membres de la municipalité, annonçant les progrès de la révolte; on se saisit de lui, on le retient en ôtage, on lui fait signer un ordre aux troupes de repousser la force par la force. Cet acte motiva ensuite sa disgrace dans

le parti républicain.

des Jaco

bius.

Mais dans ces entrefaites, un événement re- Coup d'état marquable se passait dans Paris. Les Jacobins décidés à se saisir de l'autorité, profitent du moment où la générale avait réuni tous les citoyens pour se rendre de nuit, au nombre de 5 à 6 cents dans les différentes sections, où se déclarant délégués du peuple souverain, ils cassent le conseil de la commune, qu'ils ne croyaient plus capable de pouvoir sauver la chose publique, et le remplacent par d'autres magistrats qu'ils élisent entre eux. Ils marchent ensuite à l'hôtel-de-ville et s'y installent : cet acte arbitraire, un des plus étonnans dont l'histoire d'aucun peuple retrace

le souvenir, décida du sort de la monarchie et eut une influence fatale sur les destinées de la France. Ce coup d'état dont les uns font honneur à Danton, et que d'autres attribuent à Robespierre, fut probablement le résultat du commun accord de tous les ambitieux qui, voulant se saisir du pouvoir, avaient découvert le moyen le plus simple et le plus sûr d'y parvenir.

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Tandis qu'on faisait au château des préparatifs insuffisans pour sa défense, et que d'audacieux conjurés venaient de créer une puissance nouvelle, les meneurs de cette sanglante catastrophe mettaient, à l'organiser, une tactique plus savante que celle déployée dans l'insurrection du 20 juin. Convaincus par l'expérience que cette journée aurait eu le succès désiré, si les chefs eussent pris la précaution de faire précéder la multitude par un corps de troupes soldées, ils s'attachèrent cette fois à réparer leur faute. Vers les huit heures du matin, les Marseillais joints à un bataillon de fédérés Brestois, se présentent au premier poste des Tuileries, sa garde leur refuse le passage; ils insistent, mais en vain; la bonne contenance des troupes leur en impose. Bien des gens ont pensé que, si elles eussent reçu dans ce moment l'ordre de charger, la cause de Louis eût triomphé. Le commandant Mandat, qui était à la tête des bataillons de Paris, en avait dans sa poche l'autorisation du Maire; un message de la commune,

qui appelait ce chef pour lui rendre compte de l'état des choses, acheva de tout perdre. Mandat arrivant à l'hôtel-de-ville, y trouve à son grand étonnement, au lieu des magistrats qu'il connaissait, le conciliabule dont nous venons de rapporter le coup d'autorité, et voulant regagner le palais, il est massacré par des assassins. apostés. Santerre, l'un des conjurés, est aussitôt proclamé général des gardes nationales, qui, par cette seule formalité, passèrent en un instant du rôle de défenseurs du trône, à celui d'instrument des conjurés.

.

est forcé.

Sur ces entrefaites, les flots d'un peuple mu- Le château tiné se pressent autour de cette troupe: quelques individus s'écrient qu'ils sont des pétitionnaires, qu'ils ont des suppliques à présenter. La garde hésite et finit par en laisser passer quelques-uns; les Marseillais et les Brestois s'aperçoivent de ce changement ils reprennent courage et reviennent sur leurs pas; le Carrousel en est inondé : le prussien Westerman, ami et créature de Danton, est à leur tête et leur communique son audace. Le tumulte augmente, la confusion est à son comble. On se trouble dans le château; les avis se croisent et se contredisent, le Roi écoute et considère sans rien décider, cela seul glace les plus fermes courages.

Alors entre le procureur-syndic, il informe le Le Roi se

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