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d'intérêt pour trouver place dans l'histoire (1). Le ministre de la guerre déclare que l'on aura 200 mille hommes à combattre, auxquels on n'en peut opposer que 180 mille, en comprenant même les garnisons; afin de rendre celles-ci disponibles, le Roi compte sur la levée des compagnies franches, ordonnée dans chaque département. En détournant les regards des affaires du dehors et de la tribune législative, on ne trouve dans l'intérieur que les mêmes élémens de discorde une révolte vient d'éclater dans le Midi, où un sieur Desaillant se proclame lieutenant des princes émigrés, s'empare du château de Bannes, et menace le département de l'Ardèche d'une insurrection.

Le 11 juillet l'assemblée déclare enfin la patrie en danger sur la proposition de Héraut de Sechelles, elle ordonne ensuite la levée de 85 mille hommes pour compléter l'armée de ligne, et former 42 nouveaux bataillons de volontaires. Ces mesures ne paraissant pas encore suffisantes, Carnot jeune fait décréter le 20 que l'armée sera portée au complet de 440 mille hommes. Si ces décrets, faute de déterminer un mode convenable de levée, ne remplirent leur but qu'imparfai

(1) Voyez pièces justificatives, n° 2.

tement, on leur dut néanmoins une partie des renforts qui accoururent pour couvrir Paris vers la fin de la campagne (1).

Au Midi, l'assemblée découvre de nouveaux motifs de crainte; Montesquiou s'exagérant les moyens de l'ennemi estime à 60 mille hommes les forces qui vont menacer le Rhône ; il demande l'autorisation de requérir les compagnies d'élite des gardes nationales. Cette levée basée sur les mesures prescrites dans les dangers de la patrie, venait déjà d'être mise en vigueur par Biron et Victor de Broglie pour l'armée du Rhin. Elle fut accordée le 24 juillet à tous les généraux d'armée, pour leurs arrondissemens respectifs, et concourut efficacement au succès de la défense nationale, en augmentant, au moment critique, les forces disponibles de 40 à 50 mille hommes. Ce n'était pas assez d'avoir des hommes, il fallait encore les armer; les nombreux ateliers militaires et particuliers pouvaient à peine suffire aux besoins, et pour y subvenir avec plus de certitude, on décréta l'établissement d'une grande manufacture d'armes à Moulins. "

Il manquait un dernier trait au tableau sinistre de la situation du royaume : Lacombe-Saint-Mi

(1) La loi laissait aux hommes appelés à la défense de la patrie, la faculté de refuser cet honneur, ce qui nuisit beaucoup à son efficacité, et retarda les levées. Voyez pièces justificatives, n° 3 et 4.

chel se chargea de le tracer en annonçant le 26 juillet à la tribune, que la Russie aussi allait prendre une part active à la coalition. Delacroix et Laureau certifient que l'Angleterre arme, mais l'assemblée, toujours égarée par les meneurs des Girondins et rassurée par les dépêches de Chauvelin, n'y ajoute aucune foi. Quelques jours après elle décida même, sur la demande de Forfait, que l'armement de 30 vaisseaux qui avait été proposé serait ajourné.

Les mesures pour la guerre continentale ne semblent pas beaucoup plus rassurantes les premières levées de volontaires ayant duré plus de six mois, et n'ayant jamais été complètes, les secondes rencontreront bien plus de difficultés. Le camp de Soissons ne reçoit que quelques milliers d'hommes dénués de tout; Carnot aîné, Gasparin et Lacombe-Saint-Michel sont chargés de s'y rendre en qualité de commissaires, et d'en presser l'organisation et l'approvisionnement. On assure même que leur mission n'était qu'un prétexte pour motiver le séjour à Paris de 3 mille fédérés, dont la présence avait été jugée nécessaire pour frapper le coup médité contre la cour. Dans ces entrefaites le duc de Brunswick, arrivé avec la tête de colonne de son armée vers Coblentz, publia son manifeste. Cette pièce impolitique, rédigée par les conseils des émigrés, et les ministres de Frédéric - Guillaume, n'était

point l'ouvrage du duc. Le chapitre suivant nous apprendra quel en fut le résultat (1).

La communication de ce manifeste outrageant

que le Roi donna à l'assemblée dans la séance du 3 août, devint le signal de nouvelles provocations. Isnard réitère l'accusation déjà si souvent prononcée « que Louis est de mauvaise foi » et n'est fidèle à la constitution que dans ses » discours. » De toutes parts les partisans de la république se montrent avec audace et demandent la déchéance du Monarque qu'ils nominent parjure. La liberté et la France sont menacées, elles le sont par des masses armées qui se disent les appuis de Louis, donc il est leur complice, et il faut se débarrasser de lui pour se défendre avec succès.

Soit que l'orgueil du maire de Paris ne pût dévorer l'affront qu'il avait reçu, soit que Péthion ne fût lui-même que l'instrument de la faction dont il semblait le meneur, le projet qui avait échoué le 20 juin, fut repris avec plus de véhémence : les intentions hostiles contre la cour se manifestaient hautement; on conspirait cette fois à visage découvert. Roland, Servan et Clavière même, prévinrent le Roi en lui proposant de s'opposer au complot s'il leur rendait sa confiance (démarche bien étrange et que nous ne pouvons garantir que d'après ce qu'en dit Ber

(1) Voyez cet acte important, pièces justificatives, no 5.

trand de Molleville). Un premier mouvement qui devait éclater le 29 juillet fut ajourné.

Le Roi cherchait toutes les mesures qui pouvaient concourir à sa défense; mais son esprit indécis ne savait s'arrêter à aucun parti; il demandait en secret des avis qu'il adoptait un instant pour les abandonner ensuite. On dit que le général Lafayette lui offrit de l'enlever et de le conduire à Compiègne; Louis refusa sans que le général pût se plaindre de la méfiance qu'on lui témoignait; cette démarche qui, au reste, ne lui fait pas moins d'honneur, prouve combien il est difficile de rétrograder en révolution. Deux autres projets d'évasion sur Fontainebleau ou sur le château de Gaillon, en Normandie, furent également repoussés par Louis, toujours prompt à trouver des obstacles, et aussi pusillanime avant l'orage que ferme à le braver. Les rapports de Mallet du Pan sur ses entrevues à Mayence avec les ministres de la coalition, quoique rassurans sur les vues des cours, venaient ajouter aux chagrins du Monarque, en lui signalant, dans les exagérés de Coblentz, des ennemis aussi dangereux que les révolutionnaires de l'intérieur.

Ce fut dans ces circonstances affreuses qu'une nouvelle bande de Marseillais vint augmenter l'audace et les forces des factieux. Dès le lendemain de leur arrivée, ils se promenèrent

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