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téressé à vaincre ou à mourir avec l'indépendance nationale, l'autre qui devait périr si elle triomphait.

Mallet du Pan venait d'être envoyé secrètement en Allemagne pour s'entendre avec les cabinets prussien et autrichien sur les intérêts du trône : cette mission, malgré la sincérité avec laquelle le ministre en rend compte, et les vues honorables qu'il lui prête, devint le sujet de nouvelles accusations contre Louis XVI. Les apôtres de l'indépendance nationale ont toujours raison aux yeux des peuples, surtout dans les momens d'effervescence; et bien qu'on n'eût que de vagues soupçons des relations du ministère de Louis avec les étrangers à l'instant de l'invasion, elles fournirent une arme terrible aux chefs de la faction qui les présentèrent sous les couleurs les plus odieuses.

Quelle politique attendre d'un gouvernement réduit à placer ses espérances dans les succès des armées ennemies, et à entretenir des liaisons d'amitié avec des puissances contre lesquelles il est en guerre? Il faut le dire, la position du Roi fut des plus pénibles, mais sa conduite doubla les forces de ses antagonistes. Loin de nous la pensée d'accuser un Monarque auquel nous avons toujours rendu justice, nous voulons seulement observer que l'enchaînement des choses précipita sa ruine dès l'instant où les intérêts de sa famille différèrent de ceux de la France.

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Le Roi rentré dans son indécision naturelle semblait, par ses proclamations, partager l'anxiété générale sur la situation de l'Etat; mais ses démarches secrètes tendaient bien moins à prévenir la crise dont la France était menacée, qu'à pourvoir à sa sûreté personnelle.

Cependant les dangers extérieurs dont on n'avait qu'une idée confuse, devenaient de plus en plus sérieux. Quoique la déclaration de Pilnitz ne laissât aucun doute sur la réunion de la Prusse et de l'Autriche, et qu'il fût aisé de prévoir qu'on aurait affaire à des ennemis nombreux, leur arrivée sur le Rhin échauffa les esprits en retraçant le tableau des vengeances qu'on devait craindre, si les bataillons de Frédéric - Guillaume ramenaient l'armée des princes victorieuse à Paris. On redoute moins la colère des Prussiens ou des Autrichiens que les effets d'une horrible réaction : l'amour d'une liberté irréfléchie a conduit insensiblement à la licence; on est devenu factieux, et dès-lors il faut triompher ou périr les apprêts d'une défense désespérée sont indispensables pour tenir tête à des armées formidables, et ces apprêts ne peuvent se faire avec une administration débile, qu'on soupçonne plus disposée à favoriser l'ennemi qu'à lui résister.

On annonçait que les garnisons complétées, il ne resterait pas 60 mille hommes à mettre en campagne. Lafayette criait au peuple at

troupé, que c'était aux frontières qu'il fallait courir et non contre les Tuileries; que la France. allait être assaillie par 250 mille ennemis, que c'était avec des bras et du courage et non avec des déclamations qu'elle pourrait leur résister: mais les moyens de défense n'en augmentaient pas pour cela.

La fin de juin et le mois de juillet se passent dans des transes continuelles. Le sort dont la Pologne est menacée, ajoute à l'inquiétude et à l'effervescence des esprits (1).

Le cri d'alarme retentit enfin dans l'assemblée; Vergniaud après avoir ouvertement accusé Louis d'être d'accord avec les ennemis, demande que la patrie soit déclarée en danger, et que le ministère devienne responsable de toute invasion.. L'abbé Torné poussant les choses plus loin propose à l'assemblée de se saisir de tous les pouvoirs. Bien que les communications officielles faites par le ministère, de la marche des ennemis, et des hostilités de la Prusse, n'apprissent rien de neuf, elles donnèrent lieu aux plus sanglans reproches contre le pouvoir exécutif. Toutefois un évêque prend occasion de ces débats pour prononcer une homélie sur les avantages de la con

(1) Voyez les mesures adoptées le 4 sur la proposition de Jean Debry. (Pièces justificatives, n° 3).

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corde et de l'union, dont le salut de la patrie dépend; des larmes coulent de tous les yeux; les députés s'embrassent, se serrent avec tendresse; on promet, on jure d'oublier toutes les querelles passées, de rester fidèles au Roi et à la constitution; tous les partis se rapprochent et paraissent réconciliés.

Il ne faut pas une grande sagacité, pour découvrir le motif de cet étalage fastueux d'une sensibilité hypocrite. Deux jours ne s'étaient pas écoulés que Brissot dénonçant de nouveau le Roi et son ministère réclama son abdication (1).

<< La patrie est en danger, dit-il, parce qu'on » a paralysé nos forces; et à qui doit-on cette >> funeste léthargie? à un seul homme, que la » nation a fait son chef, et que des courtisans >> perfides ont fait son ennemi. Je dis que, frap» per sur la cour des Tuileries, c'est frapper tous >> les traîtres d'un seul coup; car cette cour est le point où tous les fils de la conspiration abou» tissent. La nation est le jouet de ce cabinet;. » c'est-à-dire de quelques intrigans qui y do>> minent. Voilà où il faut porter des coups vigou>> reux; tout demi moyen décèle un esprit faible. » Il faut appliquer des caustiques sur les parties » gangrenées, et ne pas s'occuper gravement d'é

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(1) Discours remarquable de Brissot, séance du 9 juillet.

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>> gratignures aux jambes, lorsque l'abcès est à » la tête.... Il n'est pas douteux qu'il a existé un plan de conspiration, dont le noyau est à la » cour, et qui embrasse plusieurs administra» tions de département, et des chefs de nos ar>>mées; que tous les dangers intérieurs et exté>>rieurs sont le fruit de cette conspiration.... Le pouvoir exécutif est coupable de la protection >> accordée aux émigrés, des lenteurs de la » guerre, de l'abandon du Brabant, du rempla>> cement des ministres patriotes par des créa»tures de ces intrigans qui s'opposaient à la » guerre, de l'inaction du général Lafayette, du » paralysement du corps de Luckner, de son si>>lence sur la marche des Prussiens. Voulez-vous jeter les yeux sur l'intérieur? vous y reconnaî>>trez les effets de cette même conspiration. Au » dehors, on voulait la paix, au dedans la guerre, » parce que l'anarchie sert les projets du despo

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» tisme. »

Les ministres, sommés de rendre compte de la situation de la France, n'avaient rien de tranquillisant à annoncer Chambonas fait un tableau des relations extérieures qu'on aurait cru rédigé à Londres plutôt qu'à Paris; ce n'est qu'un pompeux étalage des sentimens d'amitié qui doivent unir désormais les nations française et anglaise, et à part la fausseté de cette base, il offre assez

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