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mait la perte de la France, et voulait livrer les amis de la révolution au fer de leurs ennemis. Il y avait du faux et du vrai dans ces allégations : les conseils du Roi ne voulaient point la contrerévolution; et si l'on ne peut nier qu'ils eussent placé quelques espérances dans les succès des coalisés, tout porte à croire que c'est parce qu'ils n'avaient pas trouvé de moyen qui pût garantir plus sûrement la France des effets désastreux de l'anarchie, et la sauver de la ruine totale dont elle était menacée.

ment de la

Bientôt après, le licenciement de la garde Licencieconstitutionnelle est formellement demandé; garde royale Bertrand assure que ce fut sur les prétextes les plus frivoles: selon Dumouriez, au contraire, cette garde qui devait être de 1,800 jeunes gens choisis dans les départemens, n'avait pas moins de 6 mille spadassins recrutés sur le pavé de Paris. Comment l'histoire prononcera-t-elle entré les assertions si différentes de deux ministres qui se trouvaient également à même de savoir la vérité? Girardín s'écrie en vain que c'est violer ouvertement la constitution et qu'on va livrer le Roi sans défense à ses ennemis; on passe à l'ordre du jour; non-seulement la garde est licenciée; mais le duc de Brissac, son chef, auquel on fait un crime du dévouement qu'il porte à son Souverain, est traduit à la haute-cour nationale d'Orléans.

Cette première victoire remportée, il s'agit de Servan pro

mation d'un

pose la for- procéder à l'exécution de la seconde partie du camp à Sois- plan. Le ministre de la

sons.

guerre Servan proposa aux Girondins, sans autorisation préalable du Roi, de former un camp de 20 mille hommes, sous Paris, mesure qui fut adoptée avec accla mation.

Cette disposition, justifiée par les dangers auxquels le royaume allait être bientôt exposé à l'approche des Prussiens, eût été fort sage à ne la considérer que sous les rapports militaires: tous les partis s'accordèrent à lui prêter un but bien différent. Les amis du Roi y voient le projet de renverser le trône dont on venait d'éloigner les derniers défenseurs, et observent que si les frontières sont réellement menacées, il faut y envoyer les 20 mille hommes, au lieu de les retenir sous les murs de la capitale.

Les Jacobins, de leur côté, pensent qu'une telle armée, dévouée aux Girondins, réduira à peu

de chose l'influence de la populace et la tactique des émeutes. Déjà les démocrates niveleurs, par haine de tout pouvoir, considèrent les républicains modérés comme des ennemis plus dangereux pour eux que les partisans impuissans et dispersés de la monarchie.

La garde nationale, fière du rôle qu'elle jouait depuis trois ans, voit dans la formation de ce camp une atteinte à ses droits et à la confiance dont elle se croit digne; huit mille signataires réclament contre cette mesure. Le décret

passa

néanmoins; mais le ministre fut hautement blâmé.

Servan s'est disculpé de cette faute en rejetant sur les intrigues de Dumouriez, toutes les suppositions injurieuses auxquelles elle avait donné lieu. Le ministre des affaires étrangères ambitionnait la direction des opérations de la guerre, et la réunion de ces deux départemens en eût fait le chef naturel du conseil et de l'état. Ce fut lui, dit-on, qui fit envisager au Roi, la formation du camp, comme attentatoire à la sûreté du trône; Louis entraîné par ses raisons et justement irrité de ce que son ministre en eût parlé à Brissot avant d'en avoir obtenu l'autorisation, lui retira le portefeuille de la guerre pour le donner à Dumouriez, et opposa son veto à la formation du camp. Peu d'instans après, Roland et Clavières furent également remplacés. Si l'on en doit juger par les vociférations auxquelles ce veto donna lieu, on doit croire qu'une mesure dont on fit un sujet d'insurrection n'avait réellement pas pour objet la défense des frontières : quoi qu'il en soit, ce dernier et faible acte d'autorité du malheureux Louis eut les suites les plus funestes, et devint le cri de ralliement de tous ses ennemis, qui y trouvaient, disaient-ils, la preuve de sa malveillance. L'anarchie se développa avec tant de violence qu'elle épouvanta ceux mêmes qui en avaient été les provocateurs innocens.

Tentatives infructueu

Lally-Tolendal, Clermont-Tonnerre, Lafayette ses des cons. furent effrayés des malheurs qui menaçaient la titutionnels France: les projets pour sauver la monarchie la monar- affluèrent de toutes parts, quand déjà elle n'existait plus.

pour sauver

chie.

Si Lafayette avait donné tête baissée dans de cruelles erreurs, sa loyauté et son caractère lui avaient concilié l'estime générale; comptant sur le dévouement et le respect de son armée, il crut pouvoir soutenir le trône constitutionnel, et embrassa avec chaleur sa cause; et dans une longue lettre écrite du camp de Maubeuge, le 16 juin, il s'efforce de persuader aux représentans de la nation « qu'il n'y a point de salut à es» pérer hors de la constitution; que les Jacobins, qui cherchent à détruire son influence salu»taire, sont indignes de la confiance du peuple, » qu'enfin cette secte méprisable, après avoir » causé tant de désordres, doit être anéantie ; » il ajoute «< que le pouvoir royal doit être in» tact, car il est garanti par la constitution; qu'il » doit être indépendant, car cette indépendance » est un des ressorts de la liberté publique, et » que le Roi doit être révéré, car il est investi » de la majesté nationale. »

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La lecture de cette lettre produisit sur l'assemblée un étonnement mêlé de crainte; mais au lieu de protéger, comme on l'espérait, la cour

contre les entreprises dont elle était menacée, elle ne servit qu'à en accélérer l'explosion.

Une particularité qui caractérise cette époque, apprend aussi à quel point les ministres avaient négligé les moyens de diriger l'opinion, dans un sens convenable à leurs intérêts: Bertrand de Molleville, en distribuant une somme modique, se rendit maître, pendant plusieurs jours, des tribunes de l'assemblée; non-seulement les propositions incendiaires n'y étaient plus applaudies; on les couvrait encore de huées. Le conseil fut stupéfait alors d'avoir négligé si longtemps un moyen, qui, dans l'état désespéré ou se trouvaient les affaires, ne pouvait rien rétablir; mais qui deux ans plutôt eût sans doute sauvé l'Etat.

A ces manoeuvres tardives les anarchistes opposaient l'audace et la violence de l'insurrection. La mesure du camp sous Paris étant écartée, il fallut en revenir à la populace, dont Péthion disposait à son gré.

Le renvoi du ministre Servan avait été suivi de celui de Roland et de Clavière, ennemis bien plus dangereux encore: l'un fut remplacé par Mourgues, l'autre par Beaulieu. L'assemblée, se conformant à la formule usitée, déclara que les ministres disgraciés emportaient sa confiance; les dispositions furent prises pour les venger, et l'insurrection organisée pour le 20 juin.

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