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Affaires in

France.

les rênes de ce royaume jusqu'à la majorité de son neveu, était un prince éclairé et pacifique ; les lauriers dont il s'était couvert dans la guerre de Finlande, ne lui inspirèrent pas la passion d'en moissonner à tout prix. Son premier soin fut de rentrer dans la neutralité; en vain le crut-on lié par les articles secrets du traité de Drottingholm à fournir 18 mille hommes contre la France, en vain employa-t-on mille subterfuges pour refuser l'admission de Verninac en qualité d'ambassadeur, le duc fut inébranlable dans sa résolution. Il ne tarda même pas à éloigner de sa cour les deux généraux, auteurs de ce traité, et de renvoyer de son service les fils du marquis de Bouillé, agent principal du projet d'expédition de Gustave. Enfin il déclara que la Suède ne se laisserait point entraîner dans une guerre aussi étrangère à ses intérêts.

Pendant

que

les ca

la politique s'agite et que térieures de binets flottent entre leurs passions et les grands intérêts nationaux, le volcan qui couvait en France vient de faire sa terrible explosion, et pour en mieux juger les effets, il convient de reprendre les choses de plus haut.

Dans l'analyse rapide des travaux de l'assemblée nationale que nous avons présentée au chapitre III, le lecteur se sera convaincu de la vérité de cette maxime de Tacite : « Que des sujets »> ne peuvent jamais, sans un grand danger prour

l'Etat, inspirer des craintes à l'autorité su» prême, puisqu'il en résuite nécessairement » une méfiance réciproque; et que pour s'assu» rer l'impunité d'une démarche téméraire, on >> est souvent obligé de se réfugier dans les plus >> grands attentats. » Une triste expérience a démontré la justesse de cette observation profonde. Telle fut en effet la position dans laquelle l'assemblée constituante s'était placée, et l'embarras plus grand encore dans lequel les Girondins venaient de se précipiter. L'approche des armées étrangères menaçant d'une contre-révolution, il semblait que le moyen d'éviter la réaction et les vengeances, fût d'achever la ruine du trône, et d'entraîner la nation dans des crimes qui la placeraient toute entière dans la nécessité de vaincre ou de mourir.

Les Jacobins enhardis par les triomphes qu'ils avaient obtenus, et en attendant qu'ils pussent porter des coups plus certains à la royauté, travaillaient sans relâche à l'avilir par des pamphlets.

Le choix que Louis avait fait de ses ministres parmi les hommes les plus dévoués aux nouvelles doctrines et à la faction de la Gironde (1), ne

(1) On se rappelle qu'au commencement de l'année, Duranthon fut nommé au département de la justice, Dumouriez aux affaires étrangères, Sérvan à la guerre, Clavière aux finances, Lacoste à la marine, et Roland à l'intérieur.

Le Roi crée un conseil intime.

tarda pas à le livrer, comme on l'avait prévu, à la merci de ses ennemis.

Le seul homme de ce ministère capable de sauver le Roi, était Dumouriez ; il possédait toutes les qualités d'un chef de parti, et peut-être que six mois plutôt, avec des pouvoirs illimités, il eût bien servi la monarchie constitutionnelle; mais alors il n'était déjà plus temps: un pilote, quelque habile qu'il fût, ne pouvait sauver le vaisseau de l'Etat en s'emparant du gouvernail.

Dans une situation si critique, Louis crut devoir appeler près de lui un conseil intime, et fixa son choix sur les ex-ministres Montmorin, Bertrand, et Malouet, hommes probes et éclairés qui possédaient toute sa confiance. Ce comité pouvait être utile, mais la faiblesse du Roi paralysait toutes ses résolutions, et d'un autre côté il devait amener, avec le ministère, un conflit dont le résultat inévitable serait la chute de l'un ou de l'autre.

Réduit ainsi à des conseils superflus, le comité se contenta de faire des largesses à des intrigans, qui ne servirent qu'à empirer le mal et à épuiser la liste civile, dernière ressource de la cour. On s'imagina qu'en achetant les chefs des Jacobins, tels que Danton et Fabre-d'Eglantine, on parviendrait à se les attacher et à se rendre maître des délibérations de la société. Ces deux suppositions étaient également fausses; Danton reçut

seul jusqu'à 100 mille écus, qui furent employés à payer les agens subalternes de toutes les émeutes, et notamment de celle du 10 août.

Les premiers revers des armées, dont nous avons rendu compte au chapitre précédent, avaient d'abord effrayé la nation; mais les républicains songèrent ensuite à les faire servir à leurs projets. Les reproches de trahison insidieusement répandus, signalèrent le Roi luimême comme l'auteur de tous ces désastres: « c'était lui, disaient-ils, qui livrait la France aux » ennemis, car ses parens, ses créatures, étaient » à leur tête, et les émigrés avaient grossi leurs » cohortes. Le refus qu'il faisait de sanctionner >> les derniers décrets contre les émigrés et contre >> les prêtres réfractaires, prouvait l'amour qu'il >> leur portait.

>>

Dans le choc des passions et des intérêts politiques, une mesure audacieuse en entraîne ordinairement une plus violente. La méfiance et la peur y ont plus de part que de profondes combinaisons, et souvent un parti attribue à la réflexion de l'autre, des plans qui ne sont que l'effet d'une haine permanente et prompte à saisir toutes les occasions de nuire. On a cru généralement que les Jacobins et les Girondins, d'accord pour ériger une république sur les ruines du trône, avaient médité de longue main la perte de Louis; d'autres affirment qu'ils ne la résolurent

Attaque des Girondins contre le

time.

que pour se venger de sa duplicité. Les écrivains les plus modérés du parti royaliste n'ont vu que des complots, là où il n'existait peut-être que des précautions contre les entreprises des ennemis de la révolution : leurs antagonistes en ont usé de même; et en lisant Dumouriez, Servan et Bertrand de Molleville, il ne suffit pas de prendre le terme moyen entre leurs assertions, pour obtenir la vérité, car ils ont tous vu les événemens à travers un prisme trompeur.

Mais si la chute du Monarque fut le résultat de la fausse position dans laquelle il s'était jeté, plutôt que celui d'une sourde conspiration, il faut avouer que sa perte une fois jurée, ses ennemis surent profiter en maîtres, des circonstances propres à l'accélérer, et que plusieurs des coups de partis qu'ils lui portèrent furent habilement dirigés. On mettra de ce nombre le licenciement de la garde constitutionnelle du Roi, et l'appel à Paris de plusieurs corps de fédérés qui, choisis par les clubs, devaient être les aveugles instrumens de leurs desseins.

Les attaques commencèrent par les violentes déclamations de Brissot et de Gensonné, contre consail in- le comité dont nous avons parlé : s'il fallait les en croire, un noir complot contre la liberté se tramait à la cour, Louis s'était entouré de perfides conseillers; enfin, à la honte de la nation, un comité autrichien siégeant aux Tuileries, tra

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