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ordres des troupes de ce canton devait être considérée comme une accession à la coalition. En conséquence, le conseil exécutif ordonna au général Montesquiou d'empêcher les troupes suisses d'entrer à Genève, ou de les en expulser, dans le cas qu'elles y eussent déjà pris garnison.

Toute la question consistait à savoir si Genève, en qualité d'alliée des Suisses comme le Valais, pouvait faire partie intégrante du territoire neutre de la confédération, et si le conseil de cette république n'ayant rien à débattre relativement à des troubles intérieurs et à sa constitution, avait le droit ou non d'invoquer les traités de 1584, dont aucun acte ne stipulait l'abolition, et dont au contraire elle avait souvent fait usage. C'était aussi dans ce sens que les gouvernemens suisse et genevois s'expliquaient; et Claviere qui voulait d'un même coup ôter à Montesquiou la faculté d'influencer le conseil exécutif et donner au parti plébéïen la faculté de se déclarer, fit rendre par la Convention nationale, le 17 oc. tobre, le décret suivant:

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« Art. 1er. La Convention nationale, après avoir en>> tendu le rapport de son comité diplomatique, consi» dérant que l'introduction des troupes de Berne et de » Zurich à Genève, est contraire aux traités de 1579 et 1584, et compromet autant la sûreté que la dignité de » la république française, approuve les ordres donnés » par le conseil exécutif provisoire pour faire évacuer » la ville de Genève par les troupes de Berne et de Zurich, > en respectant néanmoins la neutralité et l'indépen>> dance du territoire de Genève, si cette évacuation se fait amicalement.

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» 2. La Convention nationale, considérant que l'édit » de Genève de 1782 a été dicté par la force; que le » traité du 12 novembre 1782 qui le garantit, n'est, à l'égard de la constitution genevoise, qu'un engagement entre des tyrans pour garantir une tyrannie étrangère ; qu'il est indigne d'un peuple libre de maintenir de pareils actes: considérant enfin que toute garantie de constitution est un attentat à l'indépen» dance de la puissance garantie, charge le pouvoir » exécutif de déclarer à la république de Genève et aux >> cantons de Berne et de Zurich que la république française renonce pour sa part au traité du 12 novembre 1782, en ce qui concerne la garantie du gouvernement » et de la constitution de Genève. »

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Le lecteur ne manquera pas d'observer que le droit invoqué par le conseil exécutif dans son arrêté du 28 septembre ne se fondait que sur le traité de 1782, tandis que la Convention nationale, sans autre forme, déclarait ce traité nul. Dans ces entrefaites, Montesquiou était parvenu à signer une convention à Carouge, le 22 octobre; mais ce décret la rendant illusoire, il en conclut alors une nouvelle avec les députés Prevost, Lullin et d'Yvernois. La sortie des troupes fut stipulée, ainsi que le libre transit par Versoix, et la retraite des troupes françaises; enfin l'article 4 portait ce qui suit:

« La république de Genève se réserve expressément » et solennellement tous les traités antérieurs avec ses » voisins, et spécialement celui de 1584 avec les louables » cantons de Zurich et de Berne, ainsi que l'article 5 du » traité de neutralité de 1782; n'entendant la république française que ladite réserve puisse la lier aux traités

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» dans lesquels elle n'est point intervenue, ni préju » dicier en rien à la faculté qu'elle s'est réservée de re» voir ses propres traités, qu'elle exécute provisoire» ment jusqu'à l'époque de cette révision. »

Cette transaction fit éclater l'orage contre Montesquiou, qui fut destitué et prit la fuite. Cependant le parti dominant, convaincu que le départ des Suisses donnerait l'occasion de faire éclater le mouvement populaire désiré par les meneurs, se bornait à insister sur ces articles; et Brissot proposa, le 21 novembre, le décret suivant :

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« La Convention nationale, après avoir entendu le » rapport de son comité diplomatique, et délibérant sur » la transaction conclue, le 2 novembre 1792, entre la république de Genève et le général Montesquiou, » au nom de la république française, charge le pou>> voir exécutif de requérir que l'évacuation des trou» pes suisses maintenant à Genève soit consommée le » 1er décembre prochain, moyennant laquelle évacuation les troupes françaises respecteront la neutralité » et l'indépendance du territoire genevois, et l'évacue»ront, si elles l'ont occupé. La Convention nationale » passe à l'ordre du jour sur le surplus de la transac>>tion du 2 novembre 1792.

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En ne rappelant plus rien du traité de 1584, il était évident qu'on cherchait à ôter à Genève la faculté de recourir à ses voisins.

Le conseil de Genève répondit, le 29 novembre, par la note suivante :

« Le conseil de Genève s'empresse de répondre à la » note que M. le président de la république française

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» remit hier à M. le premier syndic, avec copie des >> décrets de la Convention nationale, des 17 octobre » et 21 novembre, en lui communiquant l'extrait des registres des petit et grand conseils des 25 et 27 de » ce mois; et en l'informant que le conseil souverain vient d'approuver l'avis de la retraite des troupes » suisses qui sera effectuée le 1er décembre prochain. La Convention nationale verra sans doute avec satisfaction, par la date du registre du petit conseil, qu'il n'avait attendu le décret du 21 de ce mois pas proposer au conseil supérieur la retraite des troupes » de nos alliés; que, se livrant à la confiance que doivent lui inspirer les déclarations solennelles que la république française lui avait fait parvenir, il avait vu la » sauve-garde de la patrie dans la justice et la loyauté française.

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» Le décret par lequel la Convention nationale re» nonce à l'acte de garantie du 12 novembre 1782, est » pour le conseil un gage précieux de la volonté de la république française, de ne point influencer le gouver» nement de Genève ni sa politique intérieure. Chaque jour, plus pénétré du principe que la république de Genève doit chercher la force et la stabilité de son » gouvernement dans la confiance réciproque et dans » l'union de tous ses membres, le conseil, ainsi que >> ses registres l'attestent, avait depuis long-temps pris » la résolution de solliciter auprès des trois Puissances » intervenantes dans l'acte de 1782 la révocation de leur garantie. Les circonstances politiques de l'Eu» rope, qui rendaient le concours de ces Puissances » si difficile à obtenir, avaient seules suspendu ces

démarches; et la Convention nationale, en les pré» venant, acquiert de nouveaux droits à la reconnais»sance de la république de Genève.

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>> Le conseil a mis et mettra toujours au rang de ses premiers devoirs celui de concilier à Genève la bien>>veillance et l'affection de la nation française; il en » recherchera constamment les occasions et les moyens; » et il est persuadé que M. le Résident, par suite de ses » bons offices, voudra bien lui en rendre le précieux témoignage et le seconder efficacement. >>

Les Suisses sortirent donc le 1er décembre; mais six semaines après, le gouvernement de Genève fut renversé, comme il était aisé de le prévoir.

On croit que l'espoir de se débarrasser de la triple tutelle de 1782, qui devenait embarrassante, sans utilité, décida le conseil à requérir le départ des troupes de Berne et de Zurich. S'il eût persisté à les garder, les 15 mille hommes disponibles de l'armée des Alpes n'eussent pas suffi à prendre Genève, soutenu par 20 mille hommes, et à envahir la Suisse alors mieux unie qu'en 1798, et secourue au besoin par les Impériaux: on montra trop de confiance aux assurances de la Convention, ou trop de faiblesse.

FIN DU TOME SECOND DES GUERRES DE LA

RÉVOLUTION.

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