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Une lettre de Catherine décida Stanislas à cette démarche, qui le perdit dans l'opinion de ses concitoyens et de la postérité : elle annonçait l'accord des trois puissances pour rétablir la constitution garantie en 1775; d'où l'on a conclu que son entrée en Pologne était le résultat d'un plan convenu dès long-temps. Les avis sont cependant encore partagés à ce sujet, et quelle que soit l'époque de l'adhésion des autres puissances, cette combinaison n'en prouvera pas moins toute l'habileté de la Czarine.

Après ce triomphe des confédérés, Branicki prit le commandement de l'armée, et aux termes de l'armistice la dispersa dans ses garnisons et cantonnemens ordinaires. Les Russes s'établirent à Varsovie, et une diète fut convoquée à Grodno, pour décider du sort de la Pologne, qu'il était aisé de prévoir en portant un instant ses regards sur le passé.

Stanislas se contenta de protester de son empressement à mourir pour la patrie; débonnaire autant que crédule, il imagina que Catherine se bornerait à détacher la république de l'alliance prussienne, et à ressaisir sur le pays, l'influence que la charte de 1775 lui assurait. Entouré de conseillers médiocres, il se persuada qu'il conserverait sa couronne en se soumettant à de simples changemens dans les formes de son

gouvernement, et se prêta avec docilité à tout ce que ses ennemis exigeaient de lui.

Sur ces entrefaites, les Polonais avaient envoyé Ignace Potocky à Berlin, espérant trouver leur refuge dans l'alliance conclue avec Frédéric-Guillaume. Ce prince répondit qu'à la vérité il avait signé un traité en 1790, mais que cela ne l'obligeait point à soutenir une constitution adoptée un an plus tard (1).

La justice met rarement un frein à l'ambition, mais jamais on ne nia des engagemens si solennels et si récens. A la vérité l'embarras dans lequel le Roi se trouva au moment d'entrer en Champagne, motivait ce refus. Convaincu sans doute du danger d'entreprendre une lutte aussi formidable, il préféra gagner quelques provinces sans coup férir, à la chance de guerroyer en même temps sur le Niemen et sur le Rhin.

On ne fut pas plus heureux à Vienne, où le prince Adam-Czartorinsky avait été solliciter l'appui de l'Autriche. Le prince de Kaunitz, qui venait de précipiter son maître dans une guerre

(1) Si l'alliance de 1790 ne sanctionnait pas le pacte de 1791, ce dernier avait mérité les félicitations formelles de Frédéric-Guillaume par sa lettre du 16 mai au comte de Golz, son chargé d'affaires, que toutes les gazettes ont publiée, et qui équivalait à tous les actes diplomatiques possibles.

épineuse, parut plus disposé à seconder Catherine, qu'à commencer avec elle une lutte incertaine. D'ailleurs le comte de Razumowsky, nouvel ambassadeur de Russie, avait renoué peu de jours auparavant, les relations qui unirent Joseph et la Czarine, et que la paix particulière de Reichenbach avait légèrement altérées. On en a conclu avec quelques probabilités, que la promesse d'un corps auxiliaire pour combattre sur le Rhin, décida le cabinet impérial à fermer les yeux sur ce qui se passait aux rives du Dniester (1).

Il est temps, au surplus, de détourner un instant nos regards de ces contrées, pour les reporter sur les affaires de France.

des différentes puissan

Le cabinet de Turin, en état d'hostilités ou- Dispositions vertes, ne tarda pas long-temps d'accéder à la coalition.

Plus sage que le cabinet de Vienne, celui de Madrid prévit les conséquences d'une guerre imprudente contre la France. Le comte d'Aranda venait de succéder au comte de Florida Blanca, et de donner une nouvelle direction à la politique

ces.

(1) Jusqu'à ce qu'on sache officiellement l'origine du partage de la Pologne, on ne pourra former que des conjectures vagues; pour leur donner même un certain degré de probabilité, il serait indispensable de connaître exactement tout ce qui fut stipulé à Reichenbach et Pilnitz.

espagnole. Ce fut en vain que les princes émigrés se flattèrent que ses anciennes liaisons avec la cour de Versailles, près de laquelle il avait résidé en qualité de ministre, le jetteraient dans leur parti toutes leurs espérances furent déçues. Lorsqu'il prit le timon des affaires, les relations entre les deux pays portaient l'empreinte de l'aigreur et de la méfiance : le cabinet d'Aranjuez continuait à reconnaître pour ambassadeur de France le duc de la Vauguyon qui, soupçonné l'assemblée nationale de connivence avec les conseils de Coblentz, avait été remplacé par M. Bourgoing. Le comte d'Aranda abandonna aussitôt un système qui menait directement à une rupture; il sut gré à M. Bourgoing de la modération et de la sagacité qu'il avait déployées dans cette situation délicate, reçut ses lettres de créance et dissipa les nuages qui s'étaient élevés entre les deux cours, en même temps qu'il affermit le système auquel l'Espagne était redevable de sa prospérité depuis 1763.

par

Aucune intrigue ne fut oubliée par les agens des émigrés, ni par les envoyés des puissances ennemies, pour animer Charles IV contre l'assemblée, à laquelle on attribuait les crimes les plus odieux. Toutes ces menées se brisèrent contre la fermeté du ministre, et même la déclaration de guerre de Louis XVI à l'Autriche ne le fit point dévier de la marche qu'il s'était tracée.

1

L'Angleterre venait de terminer dans l'Inde une guerre heureuse, qui coûta à Tippo-Saïb la moitié de ses états, et consolida l'empire des armes britanniques dans cette belle contrée. Guidé par une politique profonde, Pitt persistait à observer une neutralité qui dupa tous les partis. Brissot et les orateurs de l'assemblée ne furent pas les seuls qui s'y laissèrent prendre, le ministère partagea leur erreur. Les actes de Chauve lin (1) prouvent à quel point les diplomates s'aveuglaient, en interprétant en faveur de la nation française, les expressions ambiguës d'une proclamation sur la navigation des peuples en guerre. La note, qu'il présenta le 18 juin au cabinet de Londres, afin de réclamer son intervention pour ramener l'Autriche et la Prusse à des vues pacifiques, caractérise l'ineptie d'un gouvernement qui, après la guerre d'Amérique, attendait de l'Angleterre le repos et le bonheur de la France, et s'imaginait que les courses de sir Jenkinson (2)

à Coblentz ameneraient la soumission des émigrés et le désarmement de l'Europe.

La mort de Gustave III avait produit un changement complet dans le système de la Suède : le duc de Sudermanie, appelé comme régent à tenir

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