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montré les vices de son institution: mais d'excellens corps grossiront comme auxiliaires, des armées prussiennes ou autrichiennes.

De toutes parts la trompette guerrière appelle l'Europe aux combats; c'est une nouvelle croisade dont on suppose les instrumens aussi attachés à la cause qu'ils combattent qu'à celle qu'ils servent; et on fonde toujours sur des abstractions fausses l'espoir qu'ils sacrifieront leurs devoirs à l'amour de doctrines incertaines. Déjà tout se met en marche des rives du Weser à celles du Danube, et de l'Elbe à celles du Rhin, que la France est encore dans la torpeur; cependant elle se réveillera bientôt; et si, au début de la campagne elle se trouve prévenue par ses ennemis, ses forces se multipliant par le danger, nous la verrons terrible et formidable au moment où les plus habiles publicistes la supposaient anéantie.

Mais c'est déjà trop anticiper sur des événemens qui appartiennent à la campagne de 1793; il est enfin temps de passer au récit des opérations de cette campagne si fertile en événemens, et de laquelle date en quelque sorte l'ère politique où nous vivons.

PIÈCES JUSTIFICATIVES DE 1792.

N° 1.

Note adressée à Lord Grenville, par M. Chauvelin, du 19 juin 1792.

Le soussigné, ministre plénipotentiaire de S. M. le roi des Français, a fait parvenir à Sa Majesté la note officielle que lord Grenville lui a adressée le 24 mai dernier, de la part de S. M. Britannique, en réponse à celle qu'il avait eu l'honneur de lui remettre, le 15 de ce même mois; ainsi que la proclamation royale, publiée en conséquence. Il a reçu l'ordre de présenter à S. M. Britannique le témoignage de la sensibilité du Roi aux dispositions amicales et aux sentimens d'humanité, de justice et de paix, si bien manifestés dans cette réponse.

Le roi des Français en a recueilli avec soin toutes les expressions. Il se plaît en conséquence à donner de nouveau, au roi de la Grande-Bretagne, l'assurance formelle que tout ce qui peut intéresser les droits de S. M. Britannique, continuera à être l'objet de son attention la plus particulière et la plus scrupuleuse.

Il s'empresse en même temps de lui déclarer, conformément au désir énoncé dans cette réponse, que les droits de tous les alliés de la Grande-Bretagne qui

n'auront point provoqué la France par des démarches hostiles, seront, par lui, non moins religieusement respectés.

En faisant, ou plutôt en renouvelant cette déclaration, le roi des Français jouit de la double satisfaction d'exprimer le vœu d'un peuple, aux yeux de qui toute guerre qui n'est point nécessitée par le soin d'une légitime défense, est essentiellement injuste; et de s'unir particulièrement aux dispositions de S. M. Britannique pour la tranquillité de l'Europe, qui ne serait jamais troublée, si la France et l'Angleterre s'unissaient pour la maintenir.

Mais cette déclaration du Roi et les dispositions de Sa Majesté Britannique l'autorisent à espérer qu'elle se portera aussi avec empressement à employer ses bons offices auprès de ces mêmes alliés, pour les détourner d'accorder aux ennemis de la France, directement ou indirectement, aucune assistance ; et pour lui inspirer, relativement à ses droits, c'est-à-dire, à son indépendance, les égards que la France est prête à manifester en toute occasion pour les droits de toutes les Puissances qui demeureront envers elle dans les termes d'une stricte neutralité.

Les mouvemens que s'est donnés le Cabinet de Vienne auprès de diverses Puissances, et principalement auprès des alliés de S. M. Britannique, pour les engager dans une querelle qui leur est étrangère, sont connus de toute l'Europe. Si l'on en croit même le bruit public, ses succès auprès de la Cour de Berlin lui en préparent de nouveaux auprès des Provinces-Unies. Les menaces employées auprès de divers membres du

Corps germanique, pour les faire sortir de cette sage neutralité, que leur situation politique et leurs intérêts les plus chers leur prescrivent; les arrangemens pris avec divers Souverains d'Italie, pour les déterminer à agir hostilement contre la France; et, enfin, les intrigues qui viennent d'armer la Russie contre la constitution de la Pologne : tout annonce de nouveaux indices d'une vaste conjuration contre les états libres, qui semble vouloir précipiter l'Europe dans une guerre

universelle.

Les conséquences d'un tel complot, formé du concours de Puissances si long-temps rivales, sont aisément senties par S. M. Britannique. L'équilibre de l'Europe, l'indépendance de divers états, la paix générale; tout ce qui, dans tous les temps, a fixé l'attention du gouvernement anglais, se trouve à-la-fois compromis et menacé.

Le roi des Français présente ces graves et importantes considérations à la sollicitude et à l'amitié de S. M. Britannique. Vivement pénétré des marques d'intérêt et d'affection qu'il en a reçues, il l'invite à chercher dans sa sagesse, dans sa position et dans son influence, les moyens compatibles avec l'indépendance de la nation française; d'arrêter, tandis qu'il est temps encore, les progrès de cette ligue qui menace également la paix, la liberté, le bonheur de l'Europe, et de détourner surtout de toute accession à ce projet, ceux de ses alliés qu'on pourrait vouloir y entraîner, ou que même on serait parvenu à y entraîner déjà par la crainte, la séduction, et les divers prétextes de la plus fausse comme de la plus odieuse politique.

Réponse adressée

par

Lord Grenville à M. Chauvelin.

Whitheall, le 8 juillet 1792.

Le soussigné secrétaire du Roi, a eu l'honneur de mettre sous les yeux de Sa Majesté la note que M. Chauvelin lui a adressée le 18 juin.

Le Roi reçoit toujours avec la même sensibilité, de la part de S. M. Très-Chrétienne, les assurances de son amitié et de ses dispositions pour le maintien de cette heureuse harmonie qui subsiste entre les deux empires. Sa Majesté ne refusera jamais de concourir à la conservation ou au rétablissement de la paix en Europe, par des moyens propres à produire cet effet, et compatibles avec sa dignité et avec les principes qui dirigent sa conduite. Mais les sentimens qui l'ont déterminée à ne pas s'immiscer dans les affaires intérieures de la France, doivent également la porter à respecter les droits et l'indépendance des autres Souverains, et sur tout de ses alliés et Sa Majesté a cru que, dans les circonstances actuelles de la guerre déjà commencée, l'intervention de ses conseils et de ses bons offices ne pourrait être utile, à moins que d'être désirée par toutes les parties.

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Il ne reste donc au soussigné que de réitérer à M. Chauvelin l'assurance des vœux que Sa Majesté forme pour le retour de la tranquillité, de l'intérêt qu'elle prendra toujours au bonheur de S. M. Très-Chrétienne, et du prix qu'elle attache à son amitié et à la confiance qu'elle lui a témoignée.

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