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et la Prusse, venait d'opérer dans ses relations extérieures : l'alliance de 1790, avec Frédéric-Guillaume, et la constitution de 1791, mirent le sceau à cette importante révolution. Ce pacte avait obtenu l'approbation de plusieurs gouvernemens, et jouissait de l'assentiment général, à l'exception de quelques Magnats qui, voyant leurs intérêts froissés ou leur ambition déçue, protestèrent contre ces transactions peut-être aussi attachaient-ils de fausses idées de liberté publique, au système de monarchie élective; oubliant que la Pologne, grande sous les races héréditaires des Piast et des Jagellons, avait souffert toutes les horreurs de l'anarchie depuis que le système contraire avait prévalu.

La révolution du 3 mai, était à la vérité un grand pas vers la restauration de l'Etat; cependant elle péchait par un côté essentiel. La diète en choisissant son souverain, dans une nation de troisième ordre, avait sans doute en vue d'enlever tout prétexte de jalousie à ses voisins, et de se soustraire à l'influence étrangère qui aurait pu s'immiscer dans ses affaires intérieures si ellé l'eût pris sur les marches d'un trône de premier rang: ces craintes étaient entièrement chimériques.

Le choix d'un prince russe eût sinon détourné, du moins suspendu le coup qui devait déchirer

le

royaume; mais la diète ayant rejeté l'alliance de Catherine en 1789, et croyant avoir tout à redouter d'elle, n'était pas disposée à donner la couronne à un de ses petits-fils. La France à la veille d'être assaillie par des ennemis formidables, ne paraissant pas en état de la soutenir, il ne restait plus à choisir qu'entre l'alliance de la Prusse, de l'Autriche et de l'Angleterre. La dernière de ces puissances par son éloignement, le peu de forces dont elle disposait sur le continent, et les rapports de son gouvernement avec la famille royale; ne présentait point les avantages souhaités par la Pologne. L'Autriche et la Prusse, au contraire, les possédaient également, et si l'une avait de plus l'uniformité de religion, l'autre offrait par l'enclave de ses frontières et ses intérêts commerciaux, des combinaisons qui n'étaient pas à dédaigner.

Dans cet état de choses, les Polonais cominirent une faute grave, de ne pas rechercher l'alliance d'une grande puissance qui les eût protégés et à l'aide de laquelle ils auraient posé les fondemens de leur indépendance. Cette faute qui leur coûta cher, peut cependant être attribuée à la confiance qu'ils mirent en Frédéric-Guillaume, et à l'alliance que ce prince avait contractée avec eux à la fin de 1790 : ils étaient d'autant plus autorisés à y compter, que la cour de Berlin se trouvant unie par les liens les plus étroits à

celle de Saxe, rien ne faisait soupçonner la catastrophe qui leur est arrivée.

La paix signée à Jassy, le 9 janvier 1792, entre la Russie et la Porte, ne tarda pas à les laisser en butte à tout le ressentiment de leur ennemi.

Catherine, résolue de profiter du désordre qui menaçait l'Occident de l'Europe, tout en applaudissant à la résistance des émigrés, avait fait filer ses troupes vers la Pologne. Débarrassée des Turcs et des Suédois, libre des craintes que l'intervention de la Prusse ou de l'Autriche pouvait lui donner, elle voyait avec joie ces deux puissances s'engager dans une lutte dont elle prévoyait la durée, et elle s'apprêtait en silence à frapper le grand coup qui allait reculer les limites de son empire jusqu'aux confins de l'Allemagne, et lui assurer un accès direct à toutes les affaires de l'Europe. Le moment était en effet venu, où elle pouvait accabler la nation Polonaise du poids de toutes ses forces. Cependant pour être plus sûre de sa conquête, elle crut devoir la partager, de crainte que le cabinet de Berlin ne soutint la république. Certaine du consentement de la Prusse et de l'impuissance de l'Autriche qui avait déja commencé la guerre avec la France, elle fit donc entrer 3 corps d'armée nombreux en Wolhinie et en Lithuanie, au mois de mai 1792, sous prétexte de rétablir

la constitution de 1775, dont le cabinet de Pétersbourg s'était rendu garant, et de soutenir les intérêts des confédérés de Targowitz. Ce fut alors seulement, que les chefs de cette association publièrent leurs protestations, déclarèrent illégal le gouvernement établi, et reconnurent les troupes de Catherine comme auxiliaires.

Au moment de la déclaration de guerre, les Polonais n'avaient pas 50 mille hommes sur pied, encore étaient-ils dispersés; mais l'enthousiasme était porté à son comble, et pour peu que Stanislas eût déployé de talens et d'énergie, sa cause n'eût point été désespérée. Toutefois, il faut convenir qu'il manquait beaucoup de choses aux Polonais pour une défense, vigoureuse : après la défection de leurs alliés, les milices mal organisées ne pouvaient lutter à la longue contre les troupes aguerries de Catherine; la pénurie d'armes, d'établissemens militaires et de finances, ne laissait entrevoir aucun moyen de réparer les échecs.

Un corps d'environ 15 mille hommes, aux ordres des généraux Zabiello et Judicky, destiné à couvrir la Lithuanie, pressé par les colonnes du prince Dolgorouky, de Derfelden et de Denisow, battu à Mir et Nieswij, fut contraint de se replier sur Grodno et d'abandonner toute la Lithuanie.

Le prince Poniatowsky, campé à Lubar avec

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près de 20 mille hommes, pour couvrir les provinces méridionales, fut obligé de se replier devant l'armée de Moldavie, aux ordres du général Kochokowsky: après de faibles engagemens à Tiwrof, Zaslaw et Polone, il vint s'établir derrière Ostrog et ensuite derrière le Bug.

Il n'y resta pas long-temps paisible, Kochokowsky força le passage le 18 juillet, à Dubienka, malgré la résistance honorable de Koziusko. L'armée de Lithuanie s'avançant de son côté sur la Narew, les Russes ne se trouvaient plus qu'à 3 marches de Varsovie, lorsque Stanislas croyant tout sauver s'il pliait à la nécessité, adhéra le 23 juillet, à la confédération de Targowitz. La diète protesta avec vigueur contre cet acte pusillanime, et par un rapprochement peut-être sans exemple dans l'histoire, on s'écriait au même instant à Varsovie et à Paris, la constitution sans le Roi ! Mais il existait cependant une différence notable dans les causes de ces provocations, c'est qu'en Pologne on voulait punir Stanislas d'adopter des formes électives et républicaines, au détriment du pouvoir héréditaire : tandis qu'à Paris on attentait à la liberté de Louis, afin de saper toutes les bases de l'autorité et du trône. Exemple déplorable, que tous les hommes qui prétendent s'immiscer dans les affaires publiques devraient sans cesse avoir sous les yeux !

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