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mations; le discours de Cambon qui l'avait provoqué, paraissant annoncer le projet de traiter les Pays-Bas en provinces conquises, indigna tous les citoyens. De leur côté, les Jacobins redoublaient de tenacité dans leurs projets, et s'apprêtaient à inculquer aux Belges, l'amour d'une liberté qu'il fallait concevoir à leur manière, sous peine, comme le disait Brissot d'être mis au ban de la philosophie.

Bientôt des commissaires, dignes apôtres de la commune de Paris, inondent la Belgique, suivis d'une cohorte d'agens du fisc, et de vampires de Cambon; alors on substitue, au régime de modération et d'ordre que le général en chef avait établi dans les provinces conquises, l'arbitraire et la tyrannie. On voulait faire chérir la liberté aux Belges, et on leur apportait les réquisitions d'hommes, les spoliations, le cours forcé des assignats auquel on ajouta, pour dernier trait, le dépouillement des églises. Aussi passèrent-ils subitement des illusions les plus agréables, au désespoir, car ils souffrirent tous les fléaux de la guerre et de l'anarchie. On doit dire à la louange du général, qu'il fit les plus grands efforts pour prévenir ce mal et l'arrêter dans sa source.

Un sourd mécontentement n'était pas le seul résultat de ces désordres, on assure que ces mêmes états de Flandre et de Brabant, qui avaient fait de si grands efforts pour secouer le joug de

Joseph II, fatigués aujourd'hui de tant de vexations, députèrent au cabinet de Vienne pour le

solliciter de venir à leur secours et de les débarrasser de leurs libérateurs; promettant 30 mille hommes et 30 millions, pour exciter la bienveillance impériale.

Cette assertion ne paraît point dénuée de fondement, quand on examine la nature et la grandeur des intérêts menacés par l'introduction de l'anarchie dans ces provinces. Mais les événemens qui résultèrent de cet état de choses appartenant à la campagne suivante, il est temps d'esquisser un tableau de ce qui se passait au versant des Alpes et sur les rives du Rhin, au moment où tant de fautes se commettaient sur celles de la Meuse.

CHAPITRE XI.

Opérations sur le Rhin et au centre. - Les Prussiens et les Hessois marchent par Coblentz sur la Lahn pour s'opposer à Custine. - Prise de Francfort. - Combat de Hocheim. — Expédi

tion de Beurnonville sur Trèves.

Les Prus

siens repas

sent le Rhin

OUR donner une idée des événemens de cette courte période, il est indispensable de rappeler qu'à l'époque où Dumouriez marchait sur la Bel- avec peine. gique, le corps de Custine occupait Mayence et Francfort, et que la petite armée de Kellermann cantonnait sur les bords de la Sarre. De leur côté, les Prussiens, groupés autour de Coblentz, passaient péniblement le Rhin sur un pont volant établi entre cette ville et Neutershausen. Le corps hessois les avait devancés, et s'était réuni à Marbourg avec la brigade Cochenhausen, restée jusqu'alors dans les états de l'électeur. Le passage offrait tant de difficultés, qu'il dura dix jours entiers: le général Kalckreuth observa la Lahn dès le 6 novembre avec 8 bataillons et 20 escadrons, pour le protéger contre les entreprises que Custine eût pu former de Francfort; la

Les Fran

brigade Wittinghof détachée de cette division, occupa Limbourg; le corps autrichien du prince de Hohenlohe, réuni à celui qui avait assiégé Thionville, était resté pour couvrir Trèves et Luxembourg.

Nous avons déjà fait remarquer ce que les alliés eussent pu entreprendre sur Custine, s'ils ne se fussent pas dispersés dès leur retour sous cette forteresse. On s'est étonné avec non moins de raison que les Prussiens, décidés à repasser le Rhin, n'aient pas eu la précaution de rassembler le nombre de bateaux nécessaires pour construire un pont. Dès le 25 octobre jusqu'au moment où ils arrivèrent à Coblentz, il y avait plus de temps qu'il n'en fallait pour achever cette opération, dont le salut de l'armée semblait dépendre.

Au surplus, cette faute capitale n'entraîna pas cais ne font de catastrophe: on sait que les généraux franrien pour s'y opposer. çais ne prirent aucune des mesures convenables

pour s'opposer à la retraite de l'ennemi, et qu'au lieu d'agir de concert pour précipiter sa ruine, ils se disputaient à qui le laisserait partir.

La faute commise par Dumouriez, de n'avoir pas suivi les Prussiens, pied-à-pied depuis SainteMenehould jusqu'au bord du Rhin, était difficile à réparer le gouvernement n'y serait parvenu qu'en réunissant sur leur ligne de retraite, les armées de Kellermann et de Custine, renforcées à temps de toutes les troupes disponibles en Al

pre

sace, et c'est à quoi il ne songea pas dans les miers transports de son ivresse. Cependant cette réunion aurait pu s'effectuer, soit en portant les deux armées concentriquement sur Trarbach ou Simern, soit en attirant l'armée de Kellermann à Mayence, pour marcher ensemble par la rive

droite du Rhin sur la basse Lahn.

Afin d'assurer leurs succès dans ces différentes hypothèses, Biron eût porté 18 mille hommes sur les mêmes points, laissant à 20 bataillons choisis, et aux braves gardes nationales de l'Alsace, le soin de défendre des places que personne n'était en état d'attaquer. Par ces mesures prises, dès le commencement d'octobre, on eût rassemblé 60 mille combattans, entre le Rhin et la Moselle ou sur la basse Lahn, ce qui eût été plus que suffisant, pour disputer à l'armée prussienne, un passage qu'elle n'eût jamais été tentée d'effectuer de vive force.

La route de Trèves, la plus directe pour l'armée du centre, offrait l'inconvénient d'être trèsrapprochée des alliés, qui auraient pu y prévenir Kellermann ou l'attaquer en marche, avec d'autant plus de facilité qu'ils se trouvaient encore supérieurs en nombre. Mais comme ils étaient plus occupés du soin de repasser le Rhin, que jaloux de l'inquiéter, on peut croire qu'ils n'eussent jamais songé à entreprendre quelque chose de sérieux contre lui. Toutefois, la marche par

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