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nemi dans ses retranchemens, avec des forces aussi inférieures était une faute qui lui eût coûté cher, si Dumouriez avait su profiter de sa supériorité. Le prince voulant remettre le sort des Pays-Bas à une bataille, aurait dû réunir ses forces par un mouvement dérobé et attaquer les Français avec 30 mille hommes (1) par Frameries sur leur extrême droite, pendant que 4 à 5 mille hommes faisant feu des redoutes, eussent contenu tout le front; alors il aurait vraisemblablement gagné la bataille. Supposé même qu'il l'eût perdue, il n'aurait jamais couru autant de risques qu'en demeurant immobile dans sa position, car il se fût retiré par Charleroi sur sa communication directe, ce qui lui était impossible, dès qu'il laissait prendre l'initiative à l'ennemi.

A la vérité il était un peu tard pour réunir les troupes dispersées en Flandre, et cette circonstance ne prouve que plus clairement le tort qu'on eut de les y porter. Le duc ne songea à les rassembler que le 5 novembre, lorsqu'il vit 50 mille hommes prêts à l'accabler, et encore n'en donnat-il l'ordre qu'après le combat, quoique depuis long-temps on eût avis de la marche des colonnes françaises venant de Champagne.

(1) Je comprends naturellement dans ce nombre le corps stationné à Tournay, et les détachemens moins considérables.

Les Français profitent

succès.

Mais c'est assez de réflexions, reprenons le fil des événemens.

Dumouriez ne sut tirer aucun fruit de sa vicmal de leurs toire; il entra le 7 novembre à Mons où il perdit les cinq journées les plus précieuses de toute la campagne, pour assurer les subsistances de l'armée; tandis qu'en brusquant ses premières marches dès le lendemain de la bataille, il eût achevé la destruction de l'armée impériale, déjà si mal traitée celle-ci profita d'un répit qu'elle n'avait point espéré pour se réunir à Tubise, où elle fut jointe le 9 par le corps du prince de Wurtemberg, rappelé de Tournay avec une dixaine de bataillons; ce renfort et divers autres petits détachemens la portèrent à 28 mille hommes. Le comte de Latour rassembla les postes et garnisons épars en Flandre, au-delà d'Ypres, et se retira avec environ 7 mille hommes sur l'Escaut, vers Gand.

Le 12, l'armée française se remit enfin en marche, mais Dumouriez commit une faute en quelque sorte plus grave que celle de son séjour. Persuadé que le duc de Saxe-Teschen prendrait poste derrière le canal de Vilvorde, et y attendrait une nouvelle attaque; au lieu d'appuyer à droite sur Nivelles, il se dirigea vers Enghien, l'avant-garde à Hall.

De son côté, le prince ayant à peine rassemblé

ses forces, s'était porté à Hall, le 10 : il détacha Beaulieu vers Namur avec 11 bataillons pour assurer son unique ligne de retraite, menacée par Valence; lui-même se replia sur Bruxelles, qu'il traversa le 12 pour camper entre Etterbeck et Woiuve.

Dumouriez, ignorant encore ces circonstances, avait ordonné au général Valence de se rendre à Nivelles, le 13 ou le 14, afin de tourner la forêt de Soignes, et de disputer à l'ennemi le passage de la Dyle. Calculant ainsi toujours mal sous les rapports stratégiques, au lieu de se prolonger par sa droite, il rabattait cette aile sur lui, et donnait à sa gauche l'ordre inconcevable d'aller courir sur Gand, tandis que de Jemmapes même on aurait dû lui prescrire d'accourir sur Ath. Il semblait ainsi tourner toutes ses vues sur Bruxelles et le Bas-Escaut, sans s'inquiéter de la Meuse ni des avantages que lui assurait la configuration du théâtre de la guerre.

Le général Berneron dut camper le 11 à Hermes, et le général Harville à Braine-le-Comte, afin d'entretenir les communications avec Valence. Labourdonnaye avait aussi l'ordre de se porter de Gand à Dendermonde, de manière à y arriver le 13. Ce général n'exécuta pas avec exactitude ses instructions, et n'arriva que le 16: d'ailleurs ces mouvemens mal conçus et tardifs n'auraient point eu de résultats. On appré

Combat d'Anderlecht.

ciera dans cette occasion tous les avantages d'un heureux choix des points stratégiques : si Dumouriez eût appuyé primitivement à droite pour déborder la gauche des Autrichiens, et les prévenir sur leurs communications, il aurait pu assigner à Labourdonnaye et à Berneron,les mouvemens nécessaires,même avant la victoirė; tandis qu'avec son corps de bataille, il se fût dirigé sur Nivelles. Loin d'imprimer à ses manoeuvres une marche ferme et hardie, il se vit réduit par la direction qu'il prit, à suivre lentement et de front, un ennemi qu'il ne put entamer.

Le général en chef ayant fait reconnaître les Autrichiens le 13, trouva leurs derniers postes à Petersleve l'armée était déjà en arrière de Bruxelles, et le prince de Wurtemberg avait pris poste derrière la Senne à Anderlecht avec une arrière-garde de 6 mille chevaux : les coureurs français en furent chaudement accueillis et ramenés. Dumouriez voulant prendre sa revanche marcha à leur soutien avec un gros détachement, le forma sur une seule ligne, et engagea de suite une vive canonnade. Le prince ne se trouvant pas en mesure de pousser les avantages qu'il obtiendrait, se contenta de lui tenir tête et d'y répondre jusqu'à trois heures après-midi. Le général français eut ainsi le temps d'attendre l'arrivée des renforts avec lesquels il attaqua et emporta le village. Les Impériaux perdirent environ

500 hommes, et n'en eussent pas été quittes à si bon marché, sans l'intrépidité des dragons de Latour, et des hulans qui en imposèrent à l'ennemi.

Le 14, les Français entrèrent à Bruxelles, où Entrée des Français à ils furent reçus aux acclamations des habitans et Bruxelles. d'un grand nombre de soldats wallons, qui avaient abandonné les drapeaux de François II, pour arborer la cocarde nationale : l'armée campa sur les hauteurs d'Anderlecht.

lenteurs.

Quoique le général français eût laissé échapper Nouvelles l'occasion de prévenir les Impériaux sur la Meuse, on espérait du moins qu'il les entamerait avant qu'ils eussent atteint ses bords; de nouvelles lenteurs administratives arrêtèrent une seconde fois l'élan des vainqueurs. Le temps n'était point encore venu où une armée traversait un pays riche et fertile, sans s'inquiéter de ses subsistances: si l'humanité et la discipline n'ont pas gagné au perfectionnement de là guerre d'invasion, l'habitude des vastes combinaisons qu'elle nous a offertes dans les dernières campagnes, fait juger aujourd'hui avec rigueur les généraux qui, en deux ou trois marches forcées, auraient pu achever la destruction d'une faible armée ennemie, et n'ont osé les exécuter de peur de mourir de faim dans le pays le plus riche de l'Europe.

Le général français aurait eu d'autant plus d'avantage à pousser vivement les Impériaux, que Clairfayt venant d'en prendre le commande

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