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d'une délivrance prochaine : enfin le 8 au matin on vit avec satisfaction qu'il levait le siége et se retirait sur Gruson.

siége.

Les Autrichiens avaient en effet renoncé à leur. Levée du entreprise. L'état de l'artillerie, hors de service par l'usage immodéré qu'on en avait fait, le défaut de munitions, et l'accroissement successif du camp de Lens, ne laissaient d'ailleurs plus les moyens de la continuer. La retraite se fit avec précaution et ne fut point inquiétée.

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Cette tentative du duc, blâmable dans le principe puisqu'il ne pouvait en espérer aucun résultat, le fut bien davantage après la retraite de la grande armée alliée. On conçoit qu'il ait ignoré le peu de succès de la canonnade de Valmy; mais qu'il n'ait pas été averti au 1er octobre que la retraite devait commencer le 27 septembre, c'est ce qui surprendra tout le monde. Pour son honneur, il faut pourtant le croire; car, comment s'imaginer qu'il eût résolu la ruine d'une ville qu'il n'avait plus l'espoir de faire capituler.

Labourdonnaye venait d'entrer dans Lille avec quelques bataillons, lorsque l'ennemi songea à la retraite : le général Champmorin le poursuivit avec un faible détachement. La garnison, aidée d'une multitude d'habitans, alla détruire les tranchées et les batteries; et les troupes du camp de Lens étant enfin arrivées le 12 au nombre de 12 mille hommes, on les fit camper à

7 octobre.

la Madeleine pour garantir la place de toute récidive. Ce siége fit honneur aux habitans de Lille; et si la garnison encourút de quelques .censeurs rigides le reproche de n'avoir pas fait tout ce qu'on était en droit d'espérer de son nombre et de ses avantages, on peut affirmer néanmoins que sa conduite fut digne d'éloge. Quoique forte de 10 mille hommes après l'arrivée de Lamarlière, et de 20 mille après celle de Labourdonnaye, il n'en est pas moins vrai que ces derniers bataillons, armés de piques et mal équipés, étaient peu capables d'être lancés à la poursuite d'un corps d'élite tel que celui du duc Albert. On doit savoir gré mêmẹ à la circonspection des chefs, qui ne voulurent point les compromettre avant de les avoir un peu aguerris; d'ailleurs, les troupes du camp de Lens n'arrivèrent que 4 jours après la levée du siége.

Cet événement eut au reste un autre genre d'importance publié dans les départemens les plus éloignés sous les couleurs les plus glorieuses, il électrisa la population entière de la France, et ne contribua pas peu à entretenir l'enthousiasme qui précipitait une jeunesse ardente aux frontières; il devint le gage de la résistance que raient désormais toutes les places de guerre, si le sol français était de nouveau envahi.

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CHAPITRE IX.

Invasion de la Savoie et du comté de Nice.

BIEN différens des grands princes qui, comme Maurice de Saxe, savent se prononcer à propos contre un ennemi redoutable, les chefs de la maison de Savoie, alternativement alliés depuis deux siècles, à la France et à l'Autriche, s'étaient toujours rangés, d'après les impulsions d'une politique versatile, du côté de la puissance dont ils avaient le plus à craindre.

Toutefois la singularité de cette conduite fut justifiée en quelque sorte, dans le 18* siècle, par les erremens du cabinet de Versailles, qui n'apprécia point assez l'alliance d'un prince, maître des portes de l'Italie. A la vérité, Louis XV avait conclu, en 1733, un traité secret avec Charles-Emmanuel, par lequel le premier s'engageait à ne point déposer les armes le Milanais et la Lombardie ne fussent assuque rés au roi de Sardaigne; et celui-ci, par un heureux retour, consentit à la cession de la Savoie, qui l'eût jeté pour toujours dans les bras de la France.

Mais les clauses de cette importante transac

tion furent aussitôt oubliées que conçues, et le cardinal de Fleury, toujours empressé de faire la paix dès qu'il en trouvait l'occasion, négocia en 1735 avec l'Empereur, à l'insçu de la cour de Turin. Charles-Emmanuel, forcé de donner son accession aux préliminaires, et ensuite au traité définitif signé à Vienne en 1738, n'obtint que le Tortonnois, la souveraineté des Langues, le Novarrais et quatre petites seigneuries; faible dédommagement de ses efforts dans cette guerre ruineuse. N'ayant plus de confiance dans le ministère français, il prêta l'oreille, en 1741, aux insinuations de Marie-Thérèse, et conclut avec elle à Worms, sous la médiation de l'Angleterre, ce traité si funeste à la France.

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Depuis cette époque, la cour de Versailles avait bien cherché à neutraliser l'effet de cette transaction par celle du 9 avril 1775, qui stipulait la garantie de toutes les possessions de VictorAmédée; mais il n'en était pas moins vrai que cabinet de Turin, malgré les mariages contractés avec la maison de Bourbon (1), se trouvait encore influencé, en 1790, par celui de Vienne, et que le ministre Hauteville passait publiquement pour lui être vendu.

(1) Les deux frères de Louis XVI avaient épousé des princesses de Savoie, et leur sœur était unie au prince de Piémont : le comte d'Artois résidait à Tarin depuis 1789 à 1791.

avec la cour de Turin.

Il était donc vraisemblable que le roi de Sar- Rupture daigne prendrait part au projet de triple médiation, suggéré par le ministre Montmorin et les princes émigrés, puisqu'il était approuvé en même temps par la famille à laquelle il s'était allié, et par le ministère autrichien: dès-lors la prudence engageait l'assemblée nationale à se préparer à une rupture avec lui.

Depuis un an les deux états se trouvaient effectivement dans une attitude hostile : le comté de Nice, la Savoie et le Piémont étaient remplis d'émigrés qu'on enrégimentait publiquement dans la première de ces provinces. Un foyer de contre-révolution établi à Turin, et non moins actif que celui de Coblentz, avait déjà fomenté plusieurs troubles dans le Midi, et cherché à soulever Lyon (1). C'est de là aussi que les agitateurs du camp de Jalès avaient reçu leurs instructions. Les Jacobins furent soupçonnés d'avoir été par représailles les auteurs d'un mouvement assez inquiétant qui se manifesta à Turin au mois de mars 1791, et qui contribua à exciter de plus en plus le cabinet sarde contre l'assemblée nationale.

Victor-Amédée, prince bon, pusillanime et dévot, surnommé par ses flatteurs le Nestor des

(1) On peut lire à ce sujet les curieux mémoires du comte d'Hecquevilly.

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