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les communications des Autrichiens en Belgique, et les réduire à la nécessité de se faire jour.

Un soupçon plus gravé, élevé contre ce géné ral, fut celui de s'être opposé, pendant son séjour à Paris, à la conclusion de la paix proposée par la Prusse. Après son départ de l'armée, de nouveaux pourparlers eurent effectivement lieu; et

il

y fut question, cette fois, d'une paix définitive. Le général Heymann, lié anciennement avec Biron, avait été chargé, par le ministère prussien, de lui faire des ouvertures. Ces propositions arrivèrent au mois de juin' au ministre Servan, à l'instant même où il quittait le porte-feuille de la guerre. S'il faut en croire Grimoard, le conseil exécutif désigna Dumouriez pour entamer cette négociation : mais ce général flétrit, dit-on, le service éminent qu'il venait de rendre à son pays, en s'opposant, par des motifs d'ambition personnelle, à une paix séparée, qui eût entraîné celle de l'Autriche et du Piémont, évité la guerre avec l'Espagne et la Hollande, épargné le crime du 21 janvier, et empêché, peut-être, à jamais, le triomphe de l'Angleterre.

Le silence de Dumouriez, sur une accusation aussi formelle, portée contre lui depuis dix ans, ne nous permet pas de juger de sa véracité : nous exprimons, pour sa gloire, le regret qu'il ne l'ait pas détruite.

Avant de passer à la narration succincte des

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entreprises de Custine sur Mayence, et du duc de Saxe-Teschen sur Lille, que nous avons suspendue pour donner plus de suite aux opérations principales; il ne sera pas hors de propos de rappeler que vers cette époque parurent l'Hymne célèbre des Marseillais, et le Chant du départ.

Les générations à venir s'étonneront de voir des chansons figurer au nombre des causes de succès militaires; mais il n'en demeure pas moins avéré, que ces couplets pleins d'énergie et de patriotisme, accompagués de la musique la plus martiale, animèrent une jeunesse ardente, contribuèrent à faciliter les levées, enflammèrent le courage des soldats, et leur firent soutenir les privations avec autant de gaîté qu'ils affrontaient les dangers. Nous sommes loin d'applaudir aux expressions outrées de ces hymnes contre des despotes qui n'étaient la plupart que de bons princes; nous les considérons uniquement ici comme moyens d'enthousiasme, et sous ce rapport elles méritent d'autant plus de rester comme un monument d'histoire nationale, que la première était l'ouvrage d'un officier d'artillerie nommé Rouget. Napoléon les comptait encore en 1806, comme de puissans mobiles propres à exciter l'énergie des troupes, car des ordres furent donnés de les jouer aux parades de Berlin.

CHAPITRE VIII.

Custine prend Mayence, et le Duc Albert bom barde Lille.

EN se décidant à envahir la France, les alliés avaient commis plusieurs fautes graves, provenant sans doute de la fausse opinion qu'ils se formaient de cette guerre. Convaincus qu'il ne s'agissait que d'une promenade, ils négligèrent entièrement de s'assurer d'une base solide sur le Rhin, et de couvrir convenablement l'espace qui allait les séparer de ce fleuve.

Nous ne pénètrerons point les motifs qui portèrent le cabinet de Vienne à garder tant de forces dans l'intérieur de la monarchie. S'il n'avait pas déjà sanctionné les projets de Catherine sur la Pologne, il est probable que ce fut l'entrée des Russes dans ce royaume, qui l'empêcha de faire marcher vers le Rhin, les troupes nécessaires pour couvrir les flancs de l'armée d'invasion et sur lesquelles le duc de Brunswick avait compté.

Quoi qu'il en soit, les alliés ne se bornèrent pas à faire des préparatifs insuffisans, ils employèrent encore mal les moyens qu'ils avaient à leur disposition, Au lieu de placer leurs ma

gasins principaux dans Mayence, et de couvrir cette place avec toutes les forces qu'on ne destinerait pas à marcher sur la Meuse; ils dispersèrent les corps de Condé et d'Esterhazy en cordon dans le Brisgaw; établirent leurs dépôts à Spire, ville ouverte et sous le canon pour ainsi dire de l'armée française; en confièrent la garde au corps de d'Erbach, fort à peine de 8 mille hommes; et ne songèrent pas même à munir d'une garnison suffisante la place de Mayence, qui était leur unique passage à l'abri d'un coup de main.

Cet état de choses présentait de trop belles chances aux Français pour qu'ils n'en profitassent pas, et s'il y a sujet de s'étonner, c'est qu'ils aient autant tardé à s'y résoudre.

Le général Biron commandant en Alsace près de 45 mille hommes, aurait pu faire repentir les alliés de tant d'incurie; mais soit qu'il ne jugeât pas ces forces suffisantes, ou que le conseil exécutif lui eût donné l'ordre d'attendre 12 bataillons détachés de l'armée du midi, et les gardes nationales des départemens voisins dont il venait d'ordonner la mise en activité ; le temps le plus favorable s'écoula en préparatifs. Alors même qu'en vertu de cet appel environ 20 mille hommes d'élite eurent rejoint l'armée, elle resta disséminée dans la plaine du Rhin, sans autre objet que celui de garder quelques places, où

d'observer les princes d'Esterhazy et de Condé
en Brisgaw le plus considérable de tous les
petits camps qui couvraient l'Alsace était celui
de Custine placé derrière la Queich, et comp-
tant environ 17 mille hommes. Cette répartition
était vicieuse: il eût suffi de laisser 15 mille
hommes de troupes de ligne et la majeure par-
tie des gardes nationales , pour contenir les
deux petits corps ennemis on pouvait donc
facilement disposer de 30 mille combattans pour
opérer entre le Rhin et la Moselle, point faible
et décisif de la ligne d'opérations des alliés; il
eût été même convenable de se renforcer de 7 à
8 mille gardes nationales, toujours utiles dans
une armée pour les services secondaires, aux-
quels on est forcé d'employer d'anciens soldats
quand on n'en a pas
d'autres.

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Cependant Custine, campé sous Landau, oc- Opérations et intrigues cupait une belle position offensive, et se voyait en de Custine. mesure d'enlever le mince détachement compromis devant lui. Selon quelques versions, il proposa ce coup de main au gouvernement; selon d'autres, au contraire, il n'eut que l'honneur

de le mettre à exécution.

Ce général, malgré de longs services, n'avait eu encore aucune occasion de se signaler bien particulièrement. Les escarmouches auxquelles il assista, comme officier subalterne, dans la guerre de sept ans, et les campagnes d'Amérique

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