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augmenta encore la confusion, et rendit le moment critique. Il était onze heures. La réserve 'd'artillerie à cheval, placée par le général d'Aboville, rétablit le feu; et la première ligne reprit sa position. Au même instant, les colonnes prussiennes se portèrent sur les hauteurs de Valmy. L'attaque de gauche se diriga sur le village; celle du centre, sur le moulin; la droite était en échelons plus en arrière, suivant le mouvement progressif des premières. Les Prussiens y marchèrent, avec cet aplomb qui caractèrise des troupes manoeuvrières.

Kellermann ordonna à son armée de se former

en colonnes par bataillons; d'attendre que l'ennemi commençât à gravir la hauteur, et de le charger à la baïonnette: on lui répondit sur toute la ligne par des cris de vive la nation! Cet enthousiasme confirma le duc de Brunswick dans l'opinion que l'issue de la bataille serait douteuse. Ce prince, voyant la bonne contenance de l'armée et la position avantageuse qu'elle occupait, se rendit auprès du Roi, et l'engagea à ne pas combattre. Il était persuadé qu'ayant gagné la route de Châlons et les hauteurs de Gizaucourt et de la Lune, il forcerait l'ennemi à quitter sa position. Il ordonna donc aux colonnes de se retirer, ce qui s'exécuta avec le plus grand ordre. Cette canonnade insignifiante en elle-même puisque la perte des deux côtés ne s'élevait pas

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à plus de 8oo hommes, amena néanmoins dans l'état moral des deux armées, un changement notable. Elle releva la confiance des Français, en même temps qu'elle détruisit celle de leurs adversaires : dans la situation où les premiers trouvaient, ne point être battus, c'était remporter une grande victoire. Les généraux prussiens sentirent la faute irréparable qu'ils avaient commise en négligeant d'attaquer, au moment où les troupes désorganisées et découragées, n'auraient opposé qu'une faible résistance. La retraite des Prussiens fut présentée à l'armée comme une défaite: Dumouriez en profita pour exciter le courage des soldats; et, dès-lors, toutes les chances tournèrent en sa faveur.

Cependant, la position de Kellermann était toujours hasardée : l'ennemi pouvait le tourner par sa gauche, et couper ses communications.

Il sentit l'importance de rétablir celle de Chalons qu'il avait déjà perdue, et résolut de le faire sans délai. Dès que la nuit fut venue, la nuit fut venue, il marcha par sa gauche dans le plus grand silence, passa l'Auve, et vint prendre position entre Dampierre et Voillemont, son front couvert par l'Auve; la gauche, par le ruisseau de Levers; la droite, liée avec l'armée de Dumouriez. Il pouvait de là prévenir l'ennemi sur la route de Châlons, et communiquer sûrement par celle de Vitry. Ce mouvement, bien conçu, fut exécuté à neuf

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heures du soir: le général Valence flanquait la marche avec la réserve; le général DesprésCrassier faisait l'arrière-garde : le général Stengel resta sur les hauteurs de Valmy avec la cavalerie légère, et se replia ensuite sur Dommartin, laissant ses postes avancés dans la plaine.

Positions Le 22 septembre, l'armée prussienne prit posingulières des deux sition sur la côte de l'Yron; Clairfayt, sur la partis. hauteur de Valmy: le prince de Hohenlohe, avec l'avant-garde, sur les hauteurs de Gizaucourt et de la Lune, gardant la route de Châlons, et formant un crochet pour couvrir la droite: une partie de la cavalerie campait en arrière de la plaine de Hans. Cette position, déjà forte par la nature, fut encore retranchée. Cependant comme de là il fallait faire un long détour pour revenir par Grandpré sur Varennes, dont l'ennemi ne se trouvait qu'à une marche, elle n'en était pas moins dangereuse.

Fermeté de Celle de Dumouriez, quoique également haDumouriez. sardée, avait cependant un avantage

l'armée

française, communiquant avec Vitry et avec Bar, en recevait ses vivres, et pouvait se jeter au besoin sur Metz ou sur Sedan. Toutefois, le conseil exécutif n'était pas sans crainte sur le sort d'une armée, dont dépendait le salut de la France. On voulait qu'elle se retirât derrière la Marne; qu'elle couvrît Châlons, Meaux et Reims, déjà menacés par les troupes ennemies. Du

mouriez répondit qu'il ne quitterait point son camp pour des housardailles; qu'il y avait 10 mille hommes à Reims, et qu'il n'en fallait pas tant pour donner la chasse aux uhlans qui insultaient cette ville. Réponse d'un homme de tête, et qui fut pleinement justifiée par le succès. Loin de se retirer, il donna les ordres aux troupes qui arrivaient à Châlons, de s'avancer sur Fresne, pour assurer sa communication, et resserrer la droite de l'ennemi (1), tandis que le général Harville se porterait à l'extrémité opposée, vers Pont-Faverger.

La situation de l'armée alliée empirait de jour en jour. Depuis son départ de Longwy, les pluies n'avaient pas discontinué : les routes, pratiquées sur une glaise tenace, étaient dans un état affreux. Les vivres venaient de Verdun, en faisant le long détour par Grandpré; les distributions manquaient depuis quatre jours et les troupes vivaient d'eau crayeuse, et d'une décoction de blé. Cette nourriture avait contribué à étendre les ravages de la dyssenterie, qui régnait déjà dans le camp de Verdun. Plusieurs régimens avaient perdu jusqu'à 400 hommes par cette maladie; et la moitié de ceux qui restaient sous les drapeaux, était

(1) Les Prussiens ayant fait face en arrière, et tournant le dos à Paris, leur gauche était devenue la droits.

Négociations.

affaiblie d'une manière effrayante. D'un autre côté, la Prusse avait commencé cette guerre contre son intérêt national; et les pertes que son armée essuyait pour un intérêt secondaire, devaient lui paraître d'autant plus sensibles, que l'éloignement rendait son recrutement difficile, l'Autriche, partie principale, n'avait mis en action que deux faibles corps.

et que

On a reproché au duc de Brunswick, de n'avoir pas saisi l'esprit de la guerre qu'il faisait, ni tiré un bon parti des avantages obtenus au commencement de la campagne. On a dit aussi, avec quelque justice, qu'il avait marché lentement, et presque sans combinaison, au lieu de faire une guerre d'invasion vigoureuse, et de frapper des coups d'éclat sur chacun des corps qui se présentèrent successivement devant lui. Néanmoins, il faut convenir qu'il sauva l'armée prussienne d'un pas bien difficile.

Des pourparlers avaient eu lieu, dès le 22 septembre, aux avant postes, entre Dumouriez et les colonels Heymann et Mannstein (1). Les ministres prussiens proposaient de se retirer, pour

(1) Un voile mystérieux flotte encore sur les relations de Dumouriez avec les Prussiens dans l'Argonne. L'envoi de ses aides-decamp au duc, ses conférences avec Mannstein, les propositions qu'il fit faire par Lombard, secrétaire du Roi, pris dans une rencontre; le pillage du garde-meuble de la couronne, arrivé à la

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