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revint à Mouzon, et se dirigea sur la Chalade et les Islettes: après une marche de flanc hardie, exécutée à la vue des postes ennemis, il arriva, le 4, à Vienne-le-Château. Le général Galbaud, qui avait dû se jetter dans Verdun, ayant appris la capitulation de la place, s'était replié sur les Islettes, et occupait, le 3, la côte de Biesme, où il fut joint par la garnison.

Le 1er septembre, Dumouriez fit marcher le général Chazot avec 5 mille hommes, pour conduire l'artillerie et les équipages, par Tannai et les Armoises: suivant lui-même, avec 13 mille hommes, la route que Dillon avait prise, il occupa le camp de Grandpré le 4. Ce camp était placé sur les hauteurs qui s'élèvent en amphithéâtre, entre l'Aisne et l'Aire: la gauche appuyait à Grandpré, la droite à Marque. L'Aire, formant un grand coude, couvrait en mêmé temps le front et les deux flancs. Un corps d'avant-garde, sous les ordres de Miranda et de Stengel, était placé en demi-cercle en avant de l'Aire la droite à Saint-Juvin, le centre à Verpelle, la gauche vers Bessu et Mortame; Dillon et Galbaud furent chargés de défendre les Islettes avec 7 mille hommes. Dubouquet garda le Chêne-Populeux, avec une division nouvellement organisée à Reims, et le passage de la Croix-aux-Bois, fut confié à mille hommes d'infanterie et 300 dragons.

Dumouriez attendait, dans ces positions, les renforts qui lui arrivaient de l'intérieur, de l'armée du centre et de celle du Nord.

Les généraux Beurnouville et Duval étaient en marche, venant de la Flandre, avec 16 mille hommes : le premier devait être à Rethel, le 13; le second à Chêne-Populeux, le 7.

Kellermann était parti, le 4, de Metz, avec 24 bataillons et 35 escadrons; et ayant été renforcé, à Pont-à-Mousson, par 4 mille volontaires nationaux de l'armée de Custine, il s'avançait alors par la route de Bar avec environ 22 mille hommes.

liée se dé

ris.

Pendant que ces choses se passaient, l'armée L'armée alalliée prenait la décision tardive, qui devait atti- cide à marrer sur elle les plus grands revers. Pour faire cher sur Pamieux comprendre ses mouvemens, nous serons forcés d'entrer dans quelques détails: lorsque les opérations sont marquées au coin de la médiocrité, et qu'elles n'offrent dans leurs combinaisons, comme dans leur exécution, aucun caractère de grandeur, elles sont plus difficiles à tracer; il faut suivre minutieusement les généraux qui les conduisent, afin de saisir le but de leurs résolutions, à mesure que les événemens se développent.

Le duc obligé de poursuivre des opérations dont il n'augurait rien de bon, forma, dit-on, le projet de ne point continuer sa marche directe après la prise de Verdun. Il proposa de

masquer

l'Argonne, en faisant retrancher un corps prussien à Landres, et un corps autrichien à Clermont: la grande armée se prolongeant à droite, marcherait sur Sedan et Mézières, tandis que le duc de Saxe-Teschen après avoir dissipé le faible corps de Maulde, prendrait une direction concentrique sur Givet, pour couvrir la droite de la grande armée, et opérer de concert avec elle. On a prétendu qu'une telle manoeuvre pouvait amener la reddition de la plus grande partie des places de Flandre, parcequ'elles étaient mal gardées, mal approvisionnées, et hors d'état d'être secourues. Cette assertion paraît hasardée; et ce projet conçu si tard ne pouvait mener à rien l'armée se fût jetée dans le pays aride et difficile des Ardennes, où les obstacles se multiplient à chaque pas: mouvement que d'ail leurs elle eût pu faire avec plus de facilité un mois plutôt, en marchant de Luxembourg par Arlon dès les premiers jours d'août. C'était enfin mal prendre son temps, que de se jeter à droite, quand Dumouriez se portait à gauche, pour rejoindre Kellermann, et revenir avec des forces imposantes attaquer l'armée en queue dans les défilés où elle eût été engagée.

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Le Roi, séduit par la prompte reddition de Longwy et de Verdun, ainsi que par les promesses des émigrés, désapprouva ce plan, et se décida à passer la Meuse, pour marcher sur Paris.

Frédéric-Guillaume était obsédé par les agens des princes; et entr'autres par le baron de Roll envoyé du Comte d'Artois cet homme, sous l'enveloppe d'un bon suisse, cachait un grand esprit d'intrigue, et ne négligeait aucune occasion d'exciter le Roi à persévérer dans son entreprise. M. de Calonne commençait à perdre de son crédit, depuis qu'on voyait l'arinée et la nation résolues à résister de concert. M. de Breteuil, qui avait été moins confiant et moins exagéré, était consulté avec plus de déférence. Mais tous avaient également intérêt à ce que le Roi poussât jusqu'au bout sa course chevaleresque; une guerre méthodique n'entrait point dans leurs calculs.

D'un autre côté, Frédéric-Guillaume était combattu par son généralissime, et par des lettres qui lui représentaient, avec les couleurs les plus vives, la situation critique où il allait se précipiter. Ces lettres, monument assez remarquable de l'histoire du temps, étaient l'ouvrage d'un bon français, et d'un homme d'état prévoyant. On acquérait, à chaque pas, la preuve convaincante de la justesse de leurs aperçus. Le duc de Brunswick, à qui on eut soin d'en adresser de pareilles, acheva d'en être ébranlé. Mais les fumées de la gloire, et les insinuations des émigrés, l'emportèrent sur ses remontrances, et le Roi lui laissa à peine le choix des moyens qui pouvaient mener l'armée au but qu'on se flattait d'atteindre.

Conseil de

guerre au

Verdun.

Préparatifs

de défense

Le duc ne dissimula point, au camp de la Côtecamp de Saint-Michel, en présence des princes de Hohenlohe, de Baden, de Nassau, ainsi que des généraux émigrés Lambert et Pouilly, sa façon de penser sur les opérations ultérieures; il énuméra fort au long les dangers auxquels il prévoyait que l'armée serait exposée par une marche sur la capitale; et prenant un ton prophétique, il annonça au Roi, que dans la position où se trouvait Louis XVI, et après la scène du 10 août, tout effort pour opérer une contre-révolution serait inutile. Cette conversation, qui dura depuis trois heures jusqu'à huit, n'eut pas d'autre résultat; la marche sur l'Argonne fut décidée. Le duc n'avait cependant que trop bien jugé: des Français l'approche des coalisés, au lieu de répandre la terreur sur laquelle on comptait tant, porta, au contraire, l'exaspération dans les esprits. Non-seulement ceux qui avaient pris part à la révolution, et qui appréhendaient les suites d'une réaction, mais aussi tous les Français s'indignent des menaces qu'on leur adresse, et de la jactance d'une poignée d'hommes qui prétend leur dicter des lois. A ces considérations d'honneur, s'allient de justes craintes pour l'indépendance, et l'intégrité du territcire français. Car il n'était plus question de quelques droits contestés, ni de rivalité entre le trône et une assemblée de législateurs imprudens, il s'agissait de décider si la France serait humiliée et déchirée.

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