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couper

parer de ces défilés, avait l'avantage de le centre morcelé de l'immense ligne occupée par les armées françaises : mais, en poussant plus loin sur Châlons et sur la Marne, on eût laissé aux corps ennemis de droite et de gauche, les moyens de se reformer sur les derrières de l'armée alliée, et de la couper de sa base d'opérations. Marcher à Paris avec 80 mille hommes, laissant 100 mille Français derrière soi, eût été sans doute un moyen d'en faire partir l'assemblée nationale: cependant, si cette assemblée transférée derrière la Loire, eût armé la population enthousiaste du Midi, et rassemblé toutes ses troupes disponibles, l'issue de cette promenade n'aurait-elle pas tourné à la honte de ses conseillers?

On ne pouvait former une telle entreprise, avec moins de 200 mille hommes, dont 100 mille eussent marché sur Paris; tandis que deux armées de 50 mille hommes chacune, eussent observé les places et les forces ennemies à droite et à gauche, pour couvrir la ligne d'opérations.

N'ayant pas les moyens de faire cette incursion, il fallait donc, après s'être emparé de l'Argonne, s'y établir pour attendre l'événement; ou, de là, se rabattre sur Sedan pour attaquer l'armée de Lafayette, après avoir perdu inutilement du temps à des marches sans résultat, pour revenir, à la fin de septembré, au mouvement

que l'on aurait pu exécuter par Arlon, dès le

commencement d'août.

Enfin, le quatrième parti, consistant à se baser sur la Moselle, à garder cette ligne et à faire méthodiquement les siéges de Thionville et de Metz, n'offrait pas de résultats brillans; mais il était sûr, et le duc penchait à l'adopter.

dive sur Ver

dun.

Ce prince, irrésolu, parce qu'il était forcé Marche tard'exécuter un plan contraire à ses vues, prenait lentement ses mesures pour continuer la pointe, et n'agissait ni stratégiquement, ni politiquement. Six jours furent perdus dans le camp sous Longwy pour attendre l'arrivée du prince de Hohenlohe-Kirchberg devant Thionville. En admettant que le général Wimpfen qui y commandait pût faire battre la campagne à 2 ou 3 mille hommes, ce n'était pas une raison d'en tenir 80 mille dans l'inaction. D'ailleurs si l'armée prussienne dut faire trois haltes de six jours chacune pour attendre les corps de flancs, qui depuis plusieurs mois se trouvaient sur le théâtre de la guerre, c'était un défaut de calcul impardonnable. Enfin, l'armée partit le 29 de Longwy, et 30 août. arriva le 30 devant Verdun : elle s'établit sur les hauteurs de la Côte-Saint-Michel, à 2 mille pas de la ville, qu'on investit aussitôt; les deux lignes campèrent entre Fleury et Grandbras; le corps d'avant-garde était à Bellevue; Clairfayt à Marville, reconnaissant Montmédi et Juvigny.

Verdun fut sommé. Cette place a dix bastions, liés par des courtines mal couvertes : les fossés

Capitulation de Verdur.

:

sont profonds; et l'on a élevé des ouvrages à cornes, sur les deux rives de la Meuse. La citadelle est un pentagone irrégulier, entouré d'une fausse braie les courtines en sont couvertes par des tenailles et des demi-lunes. Tous ces ouvrages étaient en mauvais état; quoique cette place se trouvât au milieu de la trouée entre la Meuse et la Moselle, on avait renoncé à l'entretenir, ne la considérant que comme dépôt. La garnison, forte de 3 mille hommes, n'était pas suffisante; et des paysans armés pour la compléter, devaient plus contribuer à en accélérer la reddition, qu'à l'empêcher.

Le 31 août, on jeta un pont sur la Meuse, que le général Kalkreuth passa avec 8 bataillons et 15 escadrons: la position de ce corps complétait l'investissement.

A six heures du soir, on dressa trois batteries: la première, sur la hauteur de Saint-Michel; la seconde, au camp de l'avant-garde; la troisième, à celui du général Kalkreuth : le bombardement commença aussitôt et dura jusqu'à une heure du matin; il reprit, le 1er septembre, depuis trois heures jusqu'à sept. Le commandant ayant été sommé, demanda vingt-quatre heures, qui lui furent accordées,

> septembre. tifs

Le 2 septembre, on mit à l'ordre les préparapour une attaque de nuit; mais elle n'eut pas lieu, car une partie de la bourgeoisie et de la

garnison mutinée força le commandant à capituler. Ce brave, qui n'avait pas eu l'énergie d'en imposer à des séditieux, en eut assez pour ne pas survivre à une capitulation prématurée, et se brûla la cervelle: son nom mérite d'être rappelé, il s'appelait Beaurepaire. La garnison, qui n'était pas prisonnière, sortit le 3, et se réunit à Clermont, avec le général Galbaud.

Situation des deux

partis.

Avant d'aller plus loin, il convient de jeter un coup-d'œil sur les positions respectives des deux armées le 1er septembre, à partir de la droite 1er septemb. des coalisés;

1o Le duc de Saxe-Teschen couvrait les PaysBas;

2o Clairfayt était à Juvigny, et occupait Stenay;

3° La grande armée était à Verdun;

4o Les Hessois, à Longwy;

5o Le corps autrichien, commandé par le prince de Hohenlohe-Kirchberg, fort de 16 mille hommes, fut joint à Remich par un corps d'émigrés; et arriva, le 30 août, devant Thionville qui fut investi;

6o Le général Erbach était à Spire, avec 6 bataillons et 10 escadrons, pour y couvrir le grand magasin autrichien;

Les princes d'Esterhazy et de Condé restaient toujours dans le Brisgaw et vers Philipsbourg, pour former un cordon.

Les armées françaises étaient disposées de la manière suivante :

1o Beurnonville, Moreton et Duval, à Maulde, Maubeuge et Lille, environ 30 mille hommes; 2° Dumouriez part de Sedan pour Grandpré, l'armée. avec 23 mille hommes;

Dumouriez commande

Ses projets

et ses mesu

res.

3o Kellermann à Metz, environ 20 mille;

4° Custine à Landau, 15 mille;

5o Le général Biron, dans l'Alsace, 30 mille. La fuite de Lafayette, et la désobéissance de Luckner à l'assemblée, qui semblaient devoir être si favorables aux alliés, devinrent cependant utiles à la France, en décidant le gouvernement à confier à Dumouriez le commandement, divisé jusques-là entre tant de mains inhabiles. Cette circonstance donnant plus d'unité aux opérations des armées, contribua puissamment à l'issue heureuse de la campagne; dès-lors, on put espérer de tirer la France de l'abîme. Si Dumouriez n'était pas un grand homme, il y aurait de l'injustice à ne pas le mettre au rang des généraux de second ordre. Possédant de vastes connaissances, actif, laborieux, entreprenant, sachant bien conduire les soldats français, on ne peut dissimuler les services qu'il rendit, en inspirant aux troupes la confiance dont elles manquaient à cette époque. Si mieux initié dans les principes de la stratégie, il avait possédé ce coup-d'oeil militaire qui saisit rapidement le point

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