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COMPLETTE

DES TRAVAUX

DE M. MIRABEAU L'AINE;

A L'ASSEMBLÉE NATIONALE.

TOME CINQUIÈME.

CHAPITRE

VINGTIÈME.

DÉCEMBRE 1790.

Séance du 3.

On se rappelle que dans la séance du 2 octobre,
ON

N

M. Lavenue avoit demandé que le comité d'impo-
sition fit un rapport, sur la quotité d'imposition
qui devoient étre rapportées par les rentes viagères
constituées.

Aujourd'hui M. Ræderer chargé du rapport

Fattache à prouver combien il seroit impolitique d'imposer les rentes viagères. Dans le contrat passé entre l'état et ses créanciers, il est expressément stipulé que ces sortes de créances ne peuvent être sujettes à aucune retenue. Or, imposer en cette circonstance seroit retenir une partie de créance. Le comité pense qu'il n'y a lieu à délibérer sur la motion faite par M. Lavenue, et son opinion est fondée sur son respect pour les conventions, sur différens décrets rendus par l'assemblée. (1)

MM. Duport et Fréteau appuyèrent par les mêmes motifs l'opinion du comité.

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MIRABEAU.

«On veut jetter de la défaveur sur la propostron de M. Duport, en disant qu'il est étrange qu'une aussi grande discussion soit écartée par la question préalable; eh bien, elle est repoussée par trois décrets invincibles comme la raison, nobles et loyaux comme cette assemblée, comme la nation. On a prétendu que nous voulions égarer l'assemblée par ces mots généraux, foi publique, respect ponr les engagemens, et on a mis en

(1) Décrets des 17 juin, 13 juillet, 27 août, 27 sep tembre 1789.

parallèle la nécessité, mais la nécessité est le cri de ralliement des brigands. Je ne puis m'empêcher de témoigner que c'est un grand scandale pour la nation et pour l'Europe, qu'après trois décrets proclamés dans la situation la plus importante, dans les circonstances les plus critiques, on ose remettre en question une semblable motion, dans un moment où tout est calme, où les finances présentent des simptômes de prospérité (on applaudit); dans un moment où le crédit renaît, où l'argent baisse, où la plus simple industrie d'un ministre des finances peut décharger la nation des intérêts onéreux qu'elle paye; c'est en ce moment. qu'on propose de remettre en question un objet sur lequel votre justice a prononcé : quand les efforts des ennemis de la liberté se multiplioient, quand la prévarication vous. entouroit, quand les ténèbres des finances. s'épaississoient encore, vous avez porté le flambeau dans ces ténèbres, et l'obscurité s'est dissipée, et vous délibéreriez maintenant sur une telle proposition ! Je la livre à tout le mépris qu'elle mérite. (on applaudit, et on demanda à aller aux voix.) »

M. Lavenue s'éleva contre MIRABEAU. Il présenta un projet de décret dont l'objet étois d'imposer toutes les rentes sur l'Etat.

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M. Barnave demanda la question préalable

sur la motion de M. Lavenue, et proposa un

projet de décret dont les bases étoient que les

rentiers et non les rentes fussent imposés. Voice

ce projet :

« L'assemblée nationale se référant à ses pré« cédens décrets qui consacrent les principes inva«riables sur la foi publique, et à l'intention qu'elle « a déja manifestée de faire contribuer les créan«ciers de l'etat, comme citoyens, dans l'impôt « personnel, en proportion de toutes leurs facultés,

décrète qu'il n'y a lieu à délibérer sur la motion «qui lui a été présentée tendante à établir une « imposition particulière sur les rentes dues par « l'état. »

M, Morel demanda que les François régnicoles fussent tenus de faire sur le rôle de leur contribution personnelle, la déclaration des rentes qui leur étoient dues par l'état, pour qu'ils fussent imposés en conséquence.

La partie droite et quelques membres de la partie gauche ayant appuyé cet amendement:

MIRABEAU.

«L'amendement que l'on propose prouve que ceux qui l'ont appuyé n'entendent pas, le moins du monde, le sens de la question

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et qu'il est destructible des principes adoptés par l'assemblée. »

M. Desmeuniers ayant demandé la question préalable sur cet amandement :

MIRABEA U.

Il est impossible, dit-il, de voir dans la proposition qui vous est faite, autre chose qu'une subtilité pour faires imposer les rentes d'une autre manière. Est-il done besoin de vous rappeler ce que vous a dit le raporteur: qu'une nation, souveraine lorsqu'elle impose, n'est que débitrice lorsqu'elle paie? et que la nation, souveraine quand elle impose, est brigande et voleuse quand elle ne paie pas. Un amendement de cette nature ne peut être défendu en l'examinant à fond. S'il est soutenu, je déclare que c'est le fond de la question, et qu'il faut rouvrir la discussion. Si au contraire la discussion n'est pas ouverte et que l'on veuille cesser cette scandaleuse délibération, je demande que l'on mette aux voix la question préalable. »

L'assemblée décida qu'il n'y avoit pas lieu a délibérer sur cet amendement, et elle adopta le projet de décret proposé par M. Barnave.

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