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quât quinze grains, et de même, que le marc des especes d'argent seroit censé peser le marc, s'il n'y avoit pas trente-six grains, de moins; et c'est ce qu'ils ont appelé remède de poids.

Examinons le mérite des règlemens sur chacune de ces trois causes, dont il est important de calculer les effets.

Droit de Le droit de seigneuriage, ou le revenu fondé Seigneuria- sur la fabrication des monnoies, est-il néces

ge.

saire est-il raisonnable? C'est une question qui mérite d'être examinée, et je ne puis que répéter, à cet égard, ce que j'ai dit dans mon ouvrage sur la monarchie prussienne.

Doit-on, ou plutôt, peut-on gagner sur la monnoie?« Nous répondrons nettement que cette question est absurde, et que l'on ne sauroit gagner sur la monnoie, quoiqu'assurément on puisse voler sur elle. Le seul moyen de gagner sur la mesure, c'est de tromper sur sa continence, sur son exactitude. Que les princes chargés de faire pendre les faux-monnoyeurs, et qui s'en acquittent très-religieusement, disent comment il faut appeler cette opération. »

<< Pour rendre cette espèce de paradoxe plus sensible, posons trois cas. Ou le pays du prince dont il est question, produit de l'or et de l'argent; ou il n'en produit pas; et dans ce der

nier cas, ce prince en achète, et il paye ces métaux avec des productions ou avec de la monnoie de son pays. »

«Si le pays produit des métaux précieux, le prince, direz-vous, peut assurément gagner sur les monnoies : c'est-à-dire, apparemment que tous les propriétaires des mines seront obligés de lui donner l'argent ou l'or qui en sort, et que le prince leur rendra, par exemple, pour chaque marc au titre de 11 deniers, un marc au titre de 10. Mais ne voyez-vous donc pas que ceci n'est pas un gain que le prince fait sur les monnoies ? C'est un impôt qu'il asseoit sur les productions des mines. »

«Si son pays ne produit aucun de ces métaux qui servent à la fabrication des monnoics, et que le prince en achète, en payant avec des productions, quel que soit son calcul, il ne pourra pas gagner sur la monnoie; se sera sur les productions qu'il gagnera, supposé qu'elles vaillent plus d'argent dans le pays où il les vend que dans le sien propre. »

« Enfin s'il les paye avec sa monnoie, comment veut-on qu'il y gagne? Les étrangers lui céderont-ils donc un écu d'argent fin de plus qu'ils n'en retireront de lui? Il ne gagnera pas même sur ses sujets, pas même en le strompent

au moins à la longue, puisqu'il est obligé de reprendre d'eux le même argent qu'il leur donne. »

« Ces principes sont bien simples; ils conduisent à une vérité qui ne l'est pas moins, mais qui dans ses conséquences est fort importante: c'est que le pied des monnoies est parfaitement indifférent, pourvu qu'il soit constant et invariable; et que le souverain gagne le plus, qui bat la monnoie la plus fine; parce qu'il n'a pas besoin d'en frapper une si grande quantité. Mais on échangera la bonne monnoie pour en frapper de plus chétive?-Certes, nous n'avons pas de peine à le croire: par-tout où il y a des ignorans, il est des fripons; et le monde fourmille d'ignorans. Mais cette opération qui vous fait tant de peur, peut-elle donc être une perte pour votre pays? Sa monnoie, dans le cas que vous supposez, est une marchandise, et si elle est recherchée, elle croît en valeur; de sorte que c'est précisément le seul moyen par lequel elle puisse procurer un gain » (1).

A Rome, où la fabrication étoit faite aux dépens de la république, on ne connoissoit pas le droit de seigneuriage. L'Angleterre imite les romains; ses guinées ne valent pas plus que

(1) De la Monarchie Prussienne tom. 2, in 4°. p. 351.

le morceau d'or du même titre et du même
poids; mais chez toutes les autres nations dont
la monnoie est de métal, on prélève sur la ma-
tière un droit de seigneuriage, et les frais de
brassage. C'est un de ces impôts insensibles qui
ne paroît frapper sur personne, et qui, dit-on,
frappe plus sur le riche
que sur le pauvre : cette
distinction métaphysique n'est pas exacte,
car cet impôt frappe sur le françois obligé de
voyager chez l'étranger, il frappe sur le com-
merce d'importation, c'est-à-dire, sur le con-
sommateur de ce genre de commerce.

XVI prin

cipe corol.

On a beaucoup parlé contre ce droit, on a beaucoup parlé en sa faveur; mais ce qu'on n'a pas dit, et cependant ce qui tient intimement aux principes monétaires, c'est, 1°. que la monnoie étant la mesure de tout ce qui est à vendre, il faut que cette mesure soit la même pour tous les acheteurs et tous les vendeurs. Or, elle ne sera pas la même pour tous, si, par laire. un vice de proportion, elle présente plus de valeur qu'elle n'en a réellement. Dans ce cas, l'étranger que la loi ne peut pas forcer à recevoir pour 10 ce qui ne vaut que 9, ne les prenant que pour leur valeur, il résulte que la même mesure a une étendue dans un pays qu'elle n'a pas dans un autre, et conséquemment, elle n'est pas

la même pour tous les acheteurs et tous les

vendeurs.

XVII. 2o. Il est d'une exacte justice que celui qui principe corollaite. reçoit une monnoie pour une valeur légale, ne perde

rien sur cette valeur. Le françois qui reçoit votre louis pour 24 liv. doit pouvoir le donner à toute personne pour 24 liv. Cependant l'étranger ne prendra cette monnoie que pour sa valeur intrinsèque ; il n'en donnera pas 24 liv. Conséquemment votre monnoie à double mesure est une monnoie contraire aux principes de l'exacte justice.

XVIII. 3°. La dignité de la nation françoise ne doit principe Corollaire. Pas souffrir que sa monnoie soit chez l'étranger une marchandise au-dessous de la valeur qu'elle a cru devoir lui donner par une loi. Le mot loi est synonyme de raison et de justice. Or l'étranger prouve que votre loi n'est ni raisonnable ni juste, losqu'il démontre que vos espèces n'ont pas la valeur indiquée par la loi, et que ce n'est pas le caprice, mais la justice qui les lui fait prendre au-dessous de cette valeur légale. Nous en conclurons qu'il faut que la nation renonce au droit de seigneuriage.

Ce que je viens de dire pourroit autant s'appliquer aux frais de brassage qu'aux droits de seigneuriage; mais ces frais, y compris les dé

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