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base du calcul qui doit faire connoître le degré de fin de l'argent ou de l'or. Il est d'autres pays où la division de la toise est en dix pieds, le pied en dix pouces, le pouce en dix lignes, et la ligne en dix points.

La nature semble nous avoir indiqué ce nombre décimal, en effet si je veux donner l'idée du nombre cinquante à un sourd ou à un hommo trop éloigné pour qu'il puisse m'entendre, les dix doigts de mes mains en feront l'office; ensorte qu'on peut dire que nos mains sont les types de l'arithmétique naturelle. Cette idée n'est pas nouvelle, car je viens de trouver dans Garrault l'explication d'une arithmétique manuelle; et l'abbé de l'Epée, en composant sa grammaire manuelle pour les sourds et les mucts, s'est servi d'une arithmétique du même genre..

Il paroît qu'on est d'accord qu'une monnoie de 10, 20 et 50 livres seroit d'un usage plus commode et plus facile que des monnoies de 6, 12, 24 et 48 livres; que même des monnoies. de ro et 20 sols seroient plus commodes que nos pièces de 12 et 24 sols. Au reste, ce n'est pas là la seule bizarrerie de nos calculs monétaires. Comment, par exemple, le commerce se fait-il, en France, par livre, sol et denier, Sans que nous ayons aucune monnoie d'une livre

et d'un denier? Il faut une opération combinée pour payer 7, 8, 10, 11, 13, 14 livres, tandis qu'avec des monnoies d'une livre, le paiement se feroit sans le plus petit embarras, Si l'on est d'accord sur le nombre déciral, on le sera sur la monnoie d'une livre; nos pièces de 20 sols Vice de seront alors des pièces d'une livre.

Ja valeur réelle.

Un vice qui n'est pas d'une moindre impor tance, c'est celui de la valeur de nos espèces.

Nos loix monétaires sur la fabrication veulent que nos espèces aient une valeur coursable supérieure à celle de la matière: aussi les étrangers ne les reçoivent-ils que sur le pied de leur valeur intrinsèque; de sorte que l'étranger qui a fait perdre au françois sur nos espèces, y gagne lorsqu'il les renvoie en France; ainsi nos monnoies sont désavantageuses aux françois pour lesquels elles sont spécialement faites, et elles sont avantageuses à l'étranger qui ne les possède qu'accidentellement et momentanément.

Qu'on ne dise pas que je suis en contradiction. avec moi-même, puisque j'ai soutenu, il n'y a pas long-tems, que nos écus ont une valeur intrinsèque supérieure à leur valeur légale. Cette vérité de fait dépend des circonstances, et demande une explication.

Depuis l'édit de janvier de l'année 1726, qui a fixé les degrés de fin et de pesanteur auxquels

nos écus devoient être fabriqués, l'argent, comme matière, s'est insensiblement élevé de prix nos habiles administrateurs des finances n'ont pas même pensé qu'il fût en leur pouvoir d'y rémédier, ils ont encore moins songé à proportionner la valeur légale avec la valeur commerciale; et ce n'est que par les sacrifices qu'ils ont faits, tantôt aux banquiers, tantôt au pu blic, qu'ils sont parvenus à fournir des matières aux hôtels des monnoies. On a même eu recours, en 1759, à l'impolitique remède de la fonte des vaisselles : le prix de l'argent s'est tout-à-coup élevé à une telle hauteur , que, réellement, nos écus aujourd'hui ont plus de valeur intrin-t sèque que de valeur légale. Je sais que messieurs les entendus de l'administration des monnoies ont été pétrifiés, puis indignés de mon assertion, et qu'ils en ont osé nier la vérité. Je sais que quelques orfèvres ignorans ou fripons, ont tenu le même langage. On assure même qu'un journal contient leur dénégation. Je dis aux administrateurs et commis des monnoies, aux orfevres et aux journalistes: messieurs, j'ai en main le dernier tarif de la valeur des espèces et matières d'argent : il a été arrêté au conseil, le 15 mai 1773 les piastres à l'effigie de la fabrication de 1772 y sont annoncés au titre de

dix deniers dix-sept grains, et leur valeur fixée quarante-sept liv. quatorze sols un denier le marc. Or, notre grand approvisionnement d'argent nous venant d'Espagne, et en piastres, j'offre de payer à ma charge, si l'on veut, ces piastres à cinquante livres le marc. Et voilà que 'j'ouvre une spéculation bien avantageuse à mes contradicteurs, puisque s'ils ont raison, je leur ménage un bénéfice de 45 sols 11 deniers par marc. La vérité est qu'ils perdront 45 sols; car il est hors de doute que les piastres se vendent au-delà de 52 liv, le marc.

Au reste, lorsque je dis que nos espèces d'or et d'argent ont une valeur corusable supérieure à leur valeur intrinsèque, je parle et dois parler d'après nos loix.

Nos loix monétaires veulent, 1.o qu'il soit retenu sur la fabrication un droit de seigneupage 43. riage que le compte rendu en 1788, porte à 18 liv. 3 deniers par marc sur les espèces d'or, et à 10 sols 6 deniers par marc sur les espèces d'argent; et ce calcul doit être d'autant plus exact, qu'il a été vérifié et attesté véritable par MM. Saint-Amand, Baron, de Salverte et Didelot, commissaires nommés à la vérification de ce compte, par arrêt du conseil du 16 février 1788.

2°. Que les frais de fabrication soient de même retenus sur la valeur des espèces; et ces frais se portent, en vertu d'un édit de novembre 1785, à 19 sols 3 deniers pour l'or, et à 13 sols 6 deniers et demi pour l'argent (1).

3°. Nos instituteurs monétaires, instruits qu'il étoit impossible au fabricateur le plus intelligent de porter les espèces à tel degré de fin prescrit, et de leur donner une exacte pe santeur, ont arrêté que les espèces d'or seroient reputées avoir le degré de fin ordonné par la loi, si elles n'étoient pas à plus de douze trentedeuxièmes de Karat (2) au-dessous de ce degré; et que les pièces d'argent seroient réputées avoir leur quantité de fin, quoiqu'elles en eussent trois grains de moins : c'est ce qu'ils cat appelé remède d'aloi ou d'alliage.

Is ont statué que le marc de pièces d'or seroit réputé peser un marc, quoiqu'il en man

(1) Pour les pièces fabriquées à Paris, cet édit accorde en outre à l'essayeur général des monnoies neuf deniers par marc pour l'or, et quatre deaiers et demi pour l'argent.

2. On a divisé l'or en vingt-quatre karats, et le karat en vingt-trois trente-deuxièmes, pour pouvoir déterminer la quantité de fin que contient une masse d'or. On a, cz dans le même objet, divisé l'argent en douze deniers, et Le denier en vingt-quatre grains.

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