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Cela est d'autant plus incertain, que l'on trouve d'autres monumens signés de ce chef des monnoies, qui feroient foi qu'il ignoroit les premiers élémens de la doctrine monétaire, ou qu'il en bravoit les principes. Je citerai, entr'autres, une lettre circulaire du 2 avril 1779, par laquelle il se plaint de ce que les espèces d'or et d'argent sont trop bien faites, c'est-à-dire, de ce qu'on ne fabrique pas les pièces assez foitles pour qu'il en puisse résulter un plus grand bénéfice pour le roi. Un administrateur pouvoit-il done ignorer que le foible est un remède et non un bénéfice monétaire; que si l'on tolère que les pièces scient un peu plus foibles que ne le prescrit la loi, c'est parce qu'il est physiquement impossible d'approcher à l'aide des balances ordinaires du point mathématique déterminé par les édits (1).

Je pourrois produire la preuve de plusieurs autres bévues de ce genre et peut-être d'une plus grande ignorance; mais il ne faut pas les impu.

(1) Cette lettre est d'autant plus précieuse, qu'elle prouve jusqu'à l'évidence que nos administrateurs signoient aveuglément ce que leur présentoit le commis de confiance. M. de Lessart l'avoit signée au bas de la première page, et la signature n'a pas été tellement gratée, qu'on n'en apperçoive encore des traces lisibles. Tome V

E

ter à M. Necker ou à l'administrateur des monnoies comme auteurs directs; ils n'y ont d'autre part que l'approbation et l'apposition des signatures. Eh! qui donc ignore aujourd'hui comment étoit dirigé le gouvernement que regrettent tant d'imbécilles docteurs ou de prétendus bons citoyens. Des commis importans faisoient tantôt un édit, tantôt un arrêt du conseil; ils en disoient deux mots au chef qui n'y entendoit presque rien; le chef en disoit deux mots au ministre qui n'y entendoit guères plus; le ministre faisoit son rapport au conseil par-devant les con seillers d'états qui n'y entendoient pas davantage; et voilà la loi faite. D'autres fois ces commis, ne sachant quel parti prendre, écrivoient des lettres qui n'avoient pas le sens commun; ils les faisoient signer par les ministres qui souvent ne connoissoient de la lettre que ce qu'en avoit voulu dire un commis. La manière des ministres étoit signée par tous les chefs que le crédit et non le talent avoit mis à la tête de quelque partie de l'administration; en dernière analyse, c'étoit un commis subalterne qui faisoit la besogne.

C'est ainsi que la partie des monnoies a été dirigée dans le tems qu'il n'y avoit qu'un commissaire du conseil pour la législation et le contenticux. C'est encore ainsi qu'elle est dirigée

depuis qu'on a créé un comité des monnoies; car il existe un comité de trois personnes, quoiqu'on ne voie que la signature de M. deLessart; et c'est aujourd'hui comme c'étoit en 1779, un protégé de M. Necker et de M. deLessart, qui, en qualité de premier commis des monnoies, conduit la barque monétaire. On peut juger des lumières de ce commis par l'arrêt du conseil qu'il a fabriqué très-récemment, relativement au titre auquel les directeurs sont obligés de recevoir au change les anciens louis; arrêt que les directeurs sont obligés d'éluder d'une manière préjudiciable à la chose publique, s'ils veulent se mettre à couvert des pertes auxquelles ils sont inévitablement exposés par l'ignorance du gouvernement (1).

Vous n'imaginez pas, Messieurs, combien j'aurois encore à vous relever de turpitudes sur la partie administrative des monnoies: je pourrois vous parler de ces offices créés pour avoir deces droit d'accorder des logemens et des appointemens, tels que des inspecteurs-généraux, qui n'inspectoient pas, auxquels on donnoit neuf mille livres; un contrôleur-général qui ne contrô loit rien, et qui pour cela avoit douze mille li

(1) Voyez note E, à la suite de ce mémoire.

ga

vres; un contrôleur des bâtimens, avec un traitement de huit mille livres et le logen.ent; un inspecteur des bâtimens, auquel on donne douze cents livres; un trésorier-général de la plus parfaite inutilité; un premier commis, avec des ges exorbitans; enfin, je pourrois faire le tableau le plus vrai du plus grand gaspillage; mais j'ai tant d'autres vices à relever dans la partie de la fabrication, que je me borne à cette esquisse : elle doit vous faire desirer de voir à la tête du régime monétaire des chefs qui ne soient pas des mannequins tournans au gré de tous les vices, mais des hommes utiles, des hommes instruits. Je considérerai dans la partie fabricative des Labrication monnoies, et les personnes et la chose: je parlerai d'abord des personnes.

III. Partie.

des

noles.

mon

Je trouve dans un hôtel des monnoies un directeur, un général - provincial, deux jugesgardes, un contrôleur contre-garde, un procureur du roi, un greffier et quelques fois plusieurs, des huissiers, un essayeur, un graveur, des ajusteurs et des monnoyeurs.

Je ne trouve à Paris ni général-provincial, ni procureur du roi; mais je vois à leur place deux commissaires du roi en l'hôtel des monnoies, et un greffier en chef. J'y trouve un contrôleur au change, un inspecteur au monnoyage,

comme succursal un affineur et un caissier des

assinages.

Si je cherche à connoître les fonctions de tant de personnes différentes, je ne suis pas étonné de voir que le général-provincial, les juges-gardes, le contrôleur contre-garde, le procureur du roi, les greffiers et les huissiers composent un tribunal d'attribution, dont le général-provincial est le chef; mais je ne conçois pas par quelle bisarrerie les juges-gardes et le contrôleur-contre-garde étant officiers de facation, leur président, ainsi que le procureur du roi, n'ont pas la plus légère inspection sur cette fabrication. Au reste, je ne fais cette observation que pour vous montrer combien l'administration monétaire est incohérente. Vous avez supprimé les tribunaux d'attribution, et conséquemment la juridiction des monnoies.

Je ne vous parlerai pas davantage des inutiles. commissaires du roi en l'hôtel des monnoies de Paris, qui n'occupoient cette commission. qu'en qualité de premier président et de procu reur-général de la cour des monnoies, dont la suppression entraîne celle de ce très-inutile commissariat à finance.

Le principal officier des monnoies, celui qui Officiers de mérite véritablement votre attention, c'est le fabricaties

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