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Mais pour y parvenir, commençons par simplifier notre régime monétaire.

Cette tâche est plus longue que difficile : car, messieurs, en examinant sa dégénération, vous verrez se développer naturellement les vices innombrables qui s'y sont introduits, et le remède se présentera de lui-même. Il est tout entier dans le retour aux idées naturelles.

Je tâcherai de découvrir les principaux abus de l'administration et de la manipulation des monnoies. J'espère que l'on m'entendra; car je substituerai un idiôme intelligible à cette langue technique que l'on n'avoit hérissée de mots barbares et inusités que pour donner une teinte scientifique à une doctrine très-simple.

Et dans ce mot doctrine, je comprends la surveillance autant que la fabrication des monnoies; car je ne confonds pas avec ces deux genres d'opération, les connoissances historiques, métallurgiques, physiques, et moins encore les connoissances politiques qui constituent le véritable monétaire.

Je ne jetterai qu'un coup-d'oeil rapide sur l'origine et les progrès des monnoies, parce que, s'il est nécessaire d'en esquisser l'histoire pour faciliter les déductions élémentaires, c'est l'examen durégime actuel qui nous importe, et cer

tes, il ne présente que srop d'observations et de détails pour fatiguer votre attention.

J'indiquerai les principaux traits de la législation monétaire de Rome, mais de Rome dans la vigueur de sa toute-puissance. Ce sont les loix de cette époque qu'il faut admirer, et non celles qu'ont promulguées les despotes de Rome. asservie et dégénérée.

Dans ce développement sommaire, on verra le principe fondamental des monnoics assis sur une base immuable; et il naîtra de lui plusieurs vérités secondaires qui deviendront autant de principes.

J'ai fouillé dans nos décombres scientifiques pour y trouver quelques lambeaux relatifs à mon sujet; et je dois avouer qu'en vous soumettant ce fruit de mes recherches, je ne vous ferai pas un magnifique présent.

Je vous dirai ensuite comment la cupidité, l'orgueil, l'ignorance et le démon de la fiscalité ont renversé le principe fondamental, et déguisé les vérités secondaires; comment une des branches les plus importantes de notre administration a été viciée, ce qui s'en est suivi; et j'établirai la possibilité de rendre au systême monétaire son lustre primitif, en le ramenant à la simplicité inhérente à son essence.

Ire. Partie.

J'essaierai enfin d'en déterminer les moyens de détail. L'examen de notre systême monétaire, entrepris avec une attention scrupuleuse, a dû produire le projet d'un régime entièrement neuf, ainsi qu'un nouveau code; j'aurai l'honneur de vous les soumettre.

Tel est, messieurs, le plan du travail ingrat, pénible, mais utile, pour lequel je demande

votre attention.

Je ne vous promenerai pas dans cette région.

De l'ori- de fables qu'ont parcourue Joseph, Albéric,

gine et du

progrès des Boutteroue, et tant d'autres, pour déterminer l'époque fixe de l'invention de la monnoie et le

monnoies.

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nom de son inventeur. Je dirai simplement avec Aristote et les loix de Rome, que la monnoie á été inventée pour subvenir aux difficultés inséparables de l'échange. (1)

Avant la conception de l'idée propriété, avant que ces mots tien et mien cussent tracé des limites sur la possession commune, on n'avoit pas besoin d'échanges; mais dès qu'on a pu comparer sa force avec la foiblesse des autres, son génie avec la torpeur des autres; dès que l'ac

(1) Inventa est pecunia ut difficultatibus permute tionum subveniret. (Aristot. Polit. Lib. 1. cap. 6.)

tivité de l'esprit eut inventé des besoins factices, et sur-tout, dès qu'ils furent devenus aussi impérieux que les besoins les plus réels, alors naquit l'échange, simple d'abord, puis compliqué en raison de la diversité des besoins.

Je ne pouvois pas échanger avec vous contre des productions de la terre, qui me manquoient, l'arc et le carquois que j'avois à vendre, parcė que vous n'en aviez pas besoin; je ne pouvois pas les échanger avec votre voisin, parce qu'il ne possédoit pas ce que je cherchois. Les échanges éprouvoient donc une foule de difficultés ; mais les plus grandes étoient celles que suscitoit la mauvaise foi, abusant de besoin. Delà est née l'invention d'une mesure commune propre à l'achat de tout ce qui pouvoit se vendre. Cette mesure a été appellée monnoie: et elle Définition a été définie, (1) un moyen quelconque qui donne noie. la mesure de tout ce qui entre dans le commerce.

La monnoie n'est un moyen quelconque, que parce qu'elle est un signe de confiance et pour dire en passant, cette expression quelconque s'opposoit à toute idée d'une matière exclu

de la mon

Principe fondamen

tal.

(1) Medium quoddam per quod metimur omnia quæ in commercio cadunt. (Aristot. ibid.)

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sivement propre à la fabrication de la monnoie. Là vient échouer l'ignorance des docteurs qui n'admettent que l'or et l'argent pour monnoie, il n'ont pas porté loin leurs regards.

fer.

A Sparte ils eussent trouvé une monnoie de

A Rome on n'a connu pendant 484 ans, qu'une monnoie de cuivre.

Qui ne sait qu'alors que la séductrice monnoie d'argent et d'or, pût acheter le consulat et la préture, la prévarication et l'ignorance se sont assises dans la chaire curule; que la corruption a gangrené les membres du corps. administratif, et que Rome est disparue pour ne plus laisser que le souvenir de son ancienne grandeur?

Les premières monnoies de nos ancêtres les gaulois, furent de cuir (1); et c'est une étimologie curieuse que celle du mot latin ресиnia, (monnoie) puisqu'il dérive trés-probablement de pecu, mot celtique équivalent de bétail, et qu'il est singulièrement approprié à la nature de la monnoie faite avec la peau du bétail (1).

(1) Bouteroue, Isidore, Cassiodore.
(2) Pecunia à peculis tergo. (Cassiod.)

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