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Séance du 13 janvier au soir.

Lorsque les représentans de la nation ont consacré ce principe éternel, que la libre com munication des pensées est un des droits les plus précieux de l'homme, ils avoient placé d'avance sous l'égide de la loi ces hommes qui consacrent leur vie à donner plus d'essor à la pensée; les écrivains qui enrichissent la scene par des ouvrages où brillent tour-à-tour l'a grément du style, la richesse des expressions, où les leçons de morale et de vertu, sont présentées sous l'emblême du plaisir.

Cette loi (1) est portée : voici tous les avantages qu'elle présente.

Elle donne à tout citoyen le droit d'é lever un théâtre, en faisant sa déclaration à la municipalité.

Elle reconnoît que l'ouvrage d'un auteur mort depuis cinq ans, est une propriété pu blique.

(1) Elle a été provoquée par une pétition des autours dramatiques présentée dans la séance da 24 août 1799..

Elle fait jouir un auteur de son travail et elle assure à ses héritiers, cinq années après sa mort, le droit de disposer de ses ouvrages.

Elle attribue aux municipalités le droit de police sur les spectacles.

Elle réunit les précautions pour la sûreté, la tranquillité et le bon ordre, en appellant les officiers civils dans l'intérieur de la salle et en plaçant une garde à l'extérieur,

M. l'abbé Maury avoit demandé la parole pour déclarer qu'une pareille matiere ne pouvoit jamais être un objet de délibération pour les ecclésiastiques. Cependant, il voulut persuader qu'il étoit important de soumettre les ouvrages dramatiques à une censure qui réprimeroit la liberté du théâtre,

Fideles au plan que nous nous sommes tracé, nous n'analyserons point les observations de Mirabeau : nous aimons mieux nous attirer le reproche d'avoir recueilli trop de choses de cet homme célebre, que de mériter celui d'avoir négligé de saisir un seul trait, une seule pensée caractéristique.

MIRABEAU. «Il m'a été difficile de devi

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ner si le préopinant étoit monté à la tribune pour son plaisir ou pour le nôtre. (On applaudit). Il nous a très-bien dit, et avec beaucoup d'esprit, que comme ecclésiastique, il ne pouvoit pas monter à la tribune, et on pouvoit lui répondre qu'en effet on n'y étoit jamais comme ecclésiastique. (On applaudit dans la partie gauche: plusieurs voix s'élevent dans la partie droite: cela ne vaut rien ). J'entends, très-bien, cela ne vaut rien. Je suis de votre avis, si vous pensez que j'ai voulu faire une épigramme; mais si j'ai voulu rappeller un principe qui condamne à l'absurdité quiconque voudroit arguer de la compétence ou de la non-compétence des ecclésiastiques dans cette assemblée, j'ai dit une vérité incontestable. Je ne cherche point à répondre à aucune objection de M. l'abbé Maury; car sans doute il n'a pas eu la prétention d'en faire. Je lui témoignerai seulement ma reconnoissance pour l'avis sage qu'il a bien voulu nous donner afin de prévenir les écarts de l'imagination des auteurs nous le supplions d'être aussi tranquille sur les Melitus que nous le sommes fur les Socrates. Quant à la feule chose qui auroit pu paroître une objection, celle de la

licen ce qui pourroit résulter de permettre à tout citoyen d'élever un théâtre, il seroit fort aisé d'enchaîner toute espèce de liberté en exagér ant toute espèce de danger. Car il n'est point d'acte d'où la licence ne puisse résulter. La for ce publique est destinée à la réprimer, et non à la prévenir aux dépens de la liberté. Quand nous nous occuperons de l'instruction publique, dont le théâtre doit faire partie; quand nous nous occuperons d'une loi, non sur la liberté de la presse, mais fur les délits de la liberté de la presse, c'est ainsi qu'il faut s'expliquer pour être conséquent aux principes, alors on verra que les pièces de théâtre peuvent être transformées en une morale trèsactive et très-rigoureufe. Quoi qu'il en soit où il n'y a pas d'objection, il ne faut pas de réponse. Je demande donc qu'on aille aux voix sur le projet du comité ».

Un membre observa que la disposition relative au maintien de l'ordre dans l'intérieur de la salle, étoit insuffisant.

MIRABEAU. « Une salle de jeux publics, hérissée de bayonnettes, est un spectacle qu'il faut repousser avec horreur.

Séance du 14 janvier.

L'assemblée avoit chargé le comité ecclésiastique de lui présenter une adresse sur la constitution civile du clergé. Des commissaires étoient nommés lorsqu'ils apprirent que Mirabeau avoit un travail préparé sur cet objet. Ils le prièrent de le leur communiquer; et après diverses observations auxquelles il eut égard, le comité adopta l'adresse.

La lecture de ce projet d'adresse (1) a été l'occasion ou le prétexte d'un grand scandale. C'est aux hommes libres exempts de préjugés, exempts de passions, à juger dans le calme et la réflexion les ouvrages du génie.

(1) Cette adresse n'a pas été lue dans son entier, mais nous allons la consigner ici telle qu'elle a été imprimée, avec l'avertissement qu'y a joint son auteur. La seule addition que nous nous permettrons, c'est de nuancer les impressions qu'elle a faites à la lecture, en rappellant avec exactitude les marques d'approbation et d'improbation qu'elle a reçues, et en indiquant Fendroit où Mirabeau fut arrété.

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