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publique, et d'y envoyer trois commissaires civils, pour y être concurremment avec trois membres choisis dans le corps administratifs, chargés de la requisition de la force publique ».

Ce projet de décret fut adopté.

SEANCE du 22 décembre.

Le jour de la dénomination de M. Dandré à la place de président, Mirabeau prévint l'assemblée qu'il alloit s'absenter pour un mois. Le lendemain il écrivit au président pour qu'il lui délivrat un passe-port. L'assemblée décida presqu'unanimement que le passe-port seroit accordé. Nous croyons devoir rappeller ici les sacrifices que fit Mirabeau en s'abstenant de profiter de la permission qu'il avoit obtenue de s'absenter: après 15 mois de travaux assidus, il eût été bien doux pour lui de revoir ses compatriotes, de terrasser par sa présence des instigateurs des troubles qui affligeoient sa patrie. Sans doute comme autrefois il fut revenu de ces belles contrées avec une triple couronne civique.

La société des amis de la constitution, que Mirabeau présidoit alors avec cette noblesse et cette dignité dont il a donné des preuves pendant sa présidence à l'assemblée nationale, alar Qa

mée de ce départ, vota de lui porter les témoignages du regret et de la douleur qu'elle ressentoit en le voyant abandonner l'arène constitutionnelle.

Mirabeau sensible à cette démarche dictée par l'amour sincere du patriotisme, promit de ne point partir, & il tint parole.

CHAPITRE XXII.

Séance du 1er janvier 1791.

UN des articles du décret du 27 novembre 1790, prescrivit aux ecclésiastiques fonctionnaires publics le devoir de prêter le serment de veiller avec soin sur les fideles du diocese ou de la paroisse qui leur est confiée; d'être fideles à la nation, à la loi, au roi, et de maintenir de tout leur pouvoir la constitution décrétée par l'assemblée nationale, et sanctionnée par le roi ». Le 4 janvier étoit le jour désigné par le décret,

M. l'abbé Grégoire obtint la parole. Il sollicite vivement ses collegues de prêter le serment exigé par les décrets. Il proteste de sa conviction intime que l'assemblée n'a pas entendu toucher à ce qui est purement spiri

tuel il veut calmer les consciences de ces hommes qui n'ont jamais eu d'autre religion que leurs passions et leurs intérêts. Aussi ses exhortations fraternelles n'ont aucun bon ettet.

MIRABEAU, Il me semble que pour avoir un assentiment général, la doctrine exposée par M. l'abbé Grégoire, doit être exprimée avec plus de clarté & de simplicité. L'assemblée n'a jamais pu penser qu'elle avoit le droit d'obliger à faire serment de telle chose; elle a pu déclarer le refus d'un serment incompatible avec telles fonctions. Nul ne remplira telles fonctions, qu'il n'ait prêté tel serment, vous êtes maître de le dire. Pourvu que vous regardiez comme démissionnaire, celui qui refuse de prêter ce serment; en effet, à l'instant même de ce refus, il n'est plus fonctionnaire public. Je ne serois pas monté à la tribune pour donner cette explication, si on ne lisoit sur les murailles des carrefours une affiche inconstitutionnelle inique; on y déclare perturbateurs du repos public les ecclésiastiques qui ne prêteront pas le serment que vous avez décréré. L'assemb'ée n'a jamais permis, elle n'a jamais pu permettre une telle affiche. Celui qui, après avoir prêté le serment d'obéir à la loi, n'obéi

roit point à la loi, seroit criminel, & per turbateur du repos public. Celui qui s'obstineroit à ne pas prêter le serment, & à conserver l'exercice de ses fonctions, seroit éga lement criminel et perturbateur du repos public; mais celui qui se résigne, & qui dit : je ne peux prêter le serment, & je donne ma démission, n'est certainement pas coupable. Toute la partie gauche applaudit). C'est donc par une étrange erreur que ces affiches ont été placardées. La force publique doit réparer cette erreur. Avant de faire cette observation à laquelle j'attache quelqu'impor tance, j'ai dit dans quel sens je concevois l'explication donnée par le bon citoyen, par l'ecclésiastique respectable qui a parlé avant moi. Dans ce sens j'y donne mon assentiment; dans toute autre, elle n'offriroit qu'une restriction mentale, et il seroit aussi indigne de ce membre de la proposer, que de l'assemblée de la tolérer. (On applaudit) ».

M. Bailly expliqua que cette erreur venoit des bureaux du garde-des-sceaux; qu'à peine ce ministre s'en étoit apperçu, il avoit donné des ordres pour faire changer les affiches.

Deux motions, faites par M. Barnave, excitèrent de vifs et tumultueux débats.

Par la premiere, il demandoit que le président interpellât les ecclésiastiques, membres de l'assemblée, qui n'avoient pas prêté le serment civique, pour qu'ils eussent à le prêter. Il demandoit par la seconde que, dans le cas où il s'en trouveroit qui ne voulussent pas le prêter, le président se retirât par-devers le roi, , pour le prier de mettre à exécution le décret du 27 novembre, et de faire procéder à la nomination des évêchés vacans par les formes constitutionnelles.

La premiere motion de M. Barnave fut mise aux voix et décrétée. Pour l'exécuter on commença par l'appel nominal; mais l'assemblée reconnut que le mode de l'interpellation générale étoit préférable.

Plusieurs ecclésiastiques parurent à la tribune, quelques-uns prêterent le serment exigé purement et simplement. D'autres le prêterent, mais avec des, restrictions.

Le président avoit répondu à un des curés qui vouloit faire des réserves, que l'assemblée n'avoit pas entendu toucher au spirituel.

M. Cazalès saisit cette occasion pour faire la motion que si c'étoit-là le vœu de l'assemblée, elle le déclarât positivement. MIRABEAU. L'erreur du préopinant peut

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