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OBSERVATIONS

DE M. MIRABEAU L'AÎNÉ,

Relativement à l'effai fur la proportion de l'or à Pargent, qui feroit la plus convenable dans la monnoie de France, par M. F. SOLIGNAC.

Ox répand avec profufion, dans cette falle,

une brochure fur la proportion de l'or & de Largent, dans le moment où l'affemblée va délibérer fur un nouveau régime des monnoies; & l'on vante avec affectation l'excellence de c.t écrit.

J'ai cru néceffaire, pour préferver l'affemblée d'une confiance qu'il eft trop naturel d'accorder à ceux que l'on croit inftruits dans une matiere en général fi peu étudiée, de relever les principales bévues de l'auteur de cet effai. Je le ferai en ne fuivant d'autre ordre que celui des pages de fa brochure; & je renvoie au grand travail que je foumettrai inceffamment à l'affemblée, fur cette matiere, la méthode & la liaifon fyftématique des idées. Le court polémique qui va fuivre, étant de pure précaution, j'ai cru qu'il valoit Tome V.

N

mieux en hâter la publication, qu'en foigner la rédaction.

Je ne m'attacherai qu'aux objets les plus importans; ainfi je ne reloverai pas les impropriétés d'expreffion (1), qui cependant entraînent la confufion des idées, les aperçus vagues, les notions obfcures, & j'examinerai feulement les mauvais principes & les faits inexacts ou entiérement faux, car nous en trouverons des uns & des autres,

M. Solignac prétend que la partie politique de la monnoie confifte à favoir choifir & déterminer pour un état, dans la fabrication des efpeces, la proportion de l'or & de l'argent qui lui convient le mieux, relativement à celle des monnoies (2).

Le travail de la proportion des métaux précieux, eft un fi perit accefloire de la fcience monétaire, une opération fi fimple, qui dérive

(1) Par exemple, M. Solignac dit (p. 3) que monnoie conflitue les finances, quoiqu'elle ne foit qu'un moyen de faciliter certaines opérations de finances. Il dit que la monnoie eft la bafe des impôts, tandis que c'est la richeffe territoriale qui eft cette bafe. Il die la monnoie eft la mefure de l'impôt (ibid.), tandis que l'impôt pourroit être perçu en denrées, &c. &c. &c (2) Pag. 3, lign. 20 à 24.

que

de données fi peu compliquées; que j'ai peine à mettre mes idées au niveau d'une politique auffi mefquine.

Je ne conçois pas davantage comment un homme qui a réfléchi fur les monnoies, a pu écrire qu'il faut auirer les matieres d'argent de préférence à elles d'or, pour alimenter conflamment les fabriques (1), puifque nos fabriques. confomment proportionnellement plus d'or que d'argent.

L'auteur de la brochure, prétend que nos fréquentes opérations fur lés monnoies, ont eu principalement en vue d'attirer en France, Por de préférence à l'argent (2).

Si M. Solignac avoit réfléchi fur notre hiftoire, fur nos loix, fur les opérations monétaires qui fe font fuccédées avec une rapidité inconcevable depuis l'année 1715. jufqu'au mois de juillet de l'année 1726, il auroit vu que la refonte générale de 1726, de même que toutes les refontes & réformations qui l'ont précédée, n'étoient que des opérations fifcales. On avoit befoin d'argent, on ordonnoit une réformation des efpeces,

(1) Pag. 4, fin du fecond alinéa. (2) Pag. 4.

une refonte; & les droits de feigneuriage, joints aux bénéfices de remedes, 'de poids & d'aloi, rapportoient 50 millions & plus. Le bénéfice de la refonte de 1726, a été plus confidérable, en ce qu'on y a fabriqué les louis au-deffous du titre, car on ne les a fabriqués qu'à 21 karats 14132°, quoiqu'ils euffent dû contenir 21 karats 20132°.

Une affertion profondément fauffe fert de bafe aux calculs de M. Solignac. Par la déclaration du 30 octobre 1785, il fut ordonné, (1) dit-il, de fabriquer de nouveaux louis au titre de 21 karats 22132".

La déclaration du 30 octobre 1785, donne un démenti formel à cette affertion, puifqu'elle ftatue que les nouveaux louis feront fabriqués au même titre légal que les anciens: or, l'édit de janvier, & l'arrêt du confeil du 22 février de l'année 1726, qui ont fait la regle de la fabrication depuis cette époque jufqu'en 1785, portent le titre à 22 karats, & le remede d'aloi à 12132; done la nouvelle fabrication devoit être au titre de 21 karats 20132, & non 22132°, comme le dit notre auteur.

(1) Pag. 5, lign. 26 & 27.

Cette affertion fauffe fe trouve répétée à la page 6 (1), & femble n'avoir d'autre but que d'inculper un miniftre en faveur duquel on ne craindra pas ma partialité. On y dit que la nouvelle fabrication n'a été réellement effectuée à 21 karats 21132, que

après une lettre du miniftre; tandis que cette lettre avoit pour unique objet de prévenir les directeurs des monnoies, que la mafie des anciens louis n'étant pas au titre, puisqu'ils n'étoient qu'à 21 karats 17132, il étoit indifpenfable, pour fabriquer conformément à la déclaration du 30 octobre, d'ajouter 4132 d'or fin par marc dans la fonte des anciens louis. Et certes il faut être peu inftruit pour répéter ce qui nous a été dit jufqu'à fatiété en 1787, par l'ignorance & la maux aife foi, tandis qu'en 1788 des expériences irrécufables ont détruit ces abfurdes calomnies.

Puifque la loi a ordonné que les louis feroient fabriqués au même titre que les anciens; puifqu'il est vrai, & j'en ai la preuve fous les yeux, que la maffe des louis frappés en vertu de la déclaration de

(1) Lign. 8 & fuivantes.

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