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tation; seules les lucarnes possèdent un couronnement ou fronton dont la forme en arc de cercle n'a été abandonnée qu'au-dessus de la lucarne qui porte l'inscription dont nous venons de parler : il y a là, en effet, un amortissement différent des autres et, d'ailleurs, d'une grande simplicité. Dans les murs du corps de logis voisin de l'église du côté de l'orient, on remarque, au rez-de-chaussée comme au premier étage, de vastes baies en plein cintre qui éclairaient, les unes la salle du chapitre, les autres le chœur des religieuses. Celles percées au premier étage du côté du midi ont été masquées par la galerie qui règne au-dessus du cloître. Ce corps de logis, ainsi qu'il est facile de s'en rendre compte, existait avant la construction de l'église, c'est-à-dire antérieurement à l'année 1662. Il constitue donc, avec l'aile orientale, ce qu'il y a de plus ancien dans le monastère; l'église vint ensuite, puis l'autre partie du grand corps de logis; enfin, la construction des bâtiments se termina par l'aile occidentale.

Un pavillon saillant sur la face extérieure de chacune des deux ailes renferme l'escalier, qui développe toujours sur plan carré, suivant l'usage du temps, ses larges marches disposées en pente douce et sa rampe de bois portée par de lourds balustres de style

Louis XIV.

Il est aujourd'hui impossible de dire quelle était la distribution intérieure du monastère. L'administration du département de l'Eure fit bien dresser, le 13 août 1793 et les jours suivants, un état des lieux estimatif et descriptif; mais cette opération, à laquelle avait été commis un arpenteur de village, nommé Cotinet, aboutit à un procès-verbal absolument inintelligible, malgré le plan, d'ailleurs grossier, qui l'accompagne (1). Le réfectoire, la grande salle, la cuisine, le chauffoir, les dortoirs, les cellules, l'infirmerie (2), etc., y sont mentionnés, mais rien ne permet d'en désigner l'emplacement. C'est à peine si le réfectoire se reconnaît, au rez-de-chaussée de l'aile orientale, à quelques lambeaux d'inscriptions pieuses encore visibles sur les murailles.

Le plan fournit toutefois quelques indications utiles. Il nous apprend, par exemple, l'existence d'un lavoir à l'un des angles du cloître, vers le sud, et nous fait connaître certaines dispositions des

(1) Arch. de l'Eure. Domaines nationaux; procès-verbaux d'estimation : district d'Andely. Le plan a servi de base à celui ci-joint, que je dois à l'obligeance de mon ami et collaborateur M. J. Le Bret. De son côté, mon excellent compatriote M. C. Normand a bien voulu me prêter le concours de son talent bien connu et enrichir ma modeste publication d'un dessin, dont, à mon grand regret, la reproduction en photogravure affaiblit beaucoup le charme.

(2) Une circulaire nécrologique de la fin du xvir siècle révèle l'existence dans l'infirmerie d'un autel auquel on disait la messe de temps à autre. (Biblioth. d'Amiens, ms. 475, t. III, fol. 374 vo.)

jardins. L'enclos était traversé par le ruisseau Picard, qui formait, dans la partie orientale, une île de petite dimension et une pièce d'eau. Un berceau en fer, couvert de plantes grimpantes, et long de 143 pieds, conduisait du cloître au-delà du ruisseau et aboutissait à une petite avenue transversale, le long de laquelle se trouvaient alignées les trois chapelles dont il a été parlé.

Ces ermitages ou oratoires, en usage dans tous les ordres religieux de femmes, étaient particulièrement affectionnés des carmélites. A propos de la Mère Anne du Saint-Sacrement (Mlle de Viole) et de la fonction de maîtresse des novices qu'elle remplit pendant quelques années au monastère de Tours, les Chroniques disent (1) qu'à l'approche de quelques grandes fêtes et pendant les octaves, elle menait ses jeunes compagnes visiter les ermitages destinés à honorer le mystère ou le saint dont on célébrait la mémoire ; la veille, ordinairement, on en faisait le pélerinage pieds nus. Vers le milieu du xvIIe siècle, le monastère de Pontoise ne renfermait pas moins de quatre ermitages, dont deux étaient dédiés à saint Joseph et à sainte Madeleine; les deux autres portaient le nom d'ermitage du Calvaire et d'ermitage du Désert (2).

Grâce à un procès-verbal d'estimation dressé le 22 floréal an V (11 mai 1797), au moment où le gouvernement mit en vente les jardins du monastère de Gisors (3), nous savons que la plus grande des trois chapelles, située à l'orient, s'appelait la Petite Lorette (4), Elle était bâtie en briques, sur plan rectangulaire, et couverte en tuiles, et mesurait 35 pieds de longueur sur 16 de largeur. La seconde, nommée la Résurrection, s'élevait vis-à-vis du berceau de fer. Construite en moellons et couverte en tuiles, elle comprenait un vaisseau principal long de 28 pieds, terminé par une abside semi-circulaire et augmenté de petites annexes latérales. Enfin, la troisième, de forme presque carrée, avait des dimensions plus restreintes encore (18 pieds sur 14), et ses murs en maçonnerie supportaient une toiture d'ardoises.

Pour ne rien omettre, nous devons mentionner aussi les bâtiments divers qui, placés à l'est et à l'ouest de l'enclos, abritaient des bûchers, une porcherie et une étable à vaches.

L'ensemble de la propriété, y compris les bâtiments, occupait une superficie de 2 arpents 92 perches et fut estimé par l'arpenteur Cotinet à une somme totale de 57,680 livres 10 sols 4 deniers.

(1) 1 sér., t. I, p. 150.

(2) Id., t. II, p. 159, 161 et 167.

(3) Arch. de l'Eure. Domaines nationaux ; procès-verbaux d'estimation, no 2433. (4) L'un des ermitages du monastère de l'Incarnation, à Paris, était aussi consacré à Notre-Dame de Lorette. (Chron., t. I, p. 521.)

L'entrée principale du monastère s'ouvrait au fond de l'impasse dite des Carmélites. On pénétrait ainsi dans une cour, aujourd'hui transformée en place, à l'extrémité de laquelle s'élèvent toujours la haute façade de l'église conventuelle et la porte cintrée qui donnait jadis accès dans l'enceinte claustrale.

L'église, dont la toiture d'ardoise domine tous les autres bâtiments, fut construite, comme nous l'avons dit, de 1662 à 1666 (1). Elle se compose d'une nef, d'un chœur terminé en hémicycle et complètement engagé dans le grand corps de logis, et de deux croisillons terminés à l'extérieur par trois pans coupés et à l'intérieur par un hémicycle. Le vaisseau mesure dans œuvre 21 m. 65 de longueur, 7 m. 95 de largeur et 12 m. 20 de hauteur sous clef de voûte; les croisillons, de hauteur égale, mais plus étroits, n'ont que 5 m. 22 de large, et la longueur totale du transept ne dépasse pas 11 m. 95. Ce qui caractérise surtout le plan que nous venons de décrire, c'est l'absence de bas-côtés, la faible saillie et la forme des deux croisillons. Cette disposition de transept à bras arrondis, tout le monde le sait, après avoir été relativement commune à l'époque romane, devint fort rare pendant la période gothique et ne reprit faveur qu'au moment de la Renaissance, sous l'influence des églises italiennes; mais sa vogue, une fois de nouveau établie, dura sans interruption jusqu'à la fin du xviie siècle (2).

La date de l'édifice permet d'en deviner les dispositions architectoniques. Des pilastres doriques revêtus de cannelures portent un entablement à triglyphes, dans les métopes duquel alternaient autrefois des patères à ombilic et des sujets religieux qui ont été grattés. Par une conception assez étrange dans une église sans bas-côtés, l'architecte a disposé une double rangée de fenêtres, l'une au-dessous, l'autre au-dessus de l'entablement. Il sacrifiait ainsi l'harmonieuse voûte en berceau que semblait réclamer le principe même de l'entablement; mais, sa donnée admise, nous devons le féliciter d'avoir renoncé au système bâtard des pénétrations pour adopter, à l'imitation de Saint-Paul de Paris et de l'église du Noviciat des jésuites, le parti, sinon plus logique, au moins plus agréable à l'œil, d'une série de voûtes d'arête barlongues séparées par des doubleaux. Ces doubleaux ont reçu, selon la mode du temps, une décoration particulière, composée ici de rosaces de

(1) Le gros œuvre paraît avoir été terminé dès l'année 1664. Cette date se voit en deux endroits, d'abord à l'intérieur, au-dessus de la grande fenêtre de la façade, puis à l'extérieur, sur le cadran solaire de l'abside.

(2) Nous pouvons citer, dans notre voisinage immédiat, l'église du prieuré des Deux-Amants, dédiée en 1726 et aujourd'hui démolie.

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