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fut pas aussi facilement absous sur les autres chefs d'accusation, et il était encore sous le coup d'un mandat d'amener à la date du 29 prairial an II (1).

Ce n'était pas tout. La Mère Vié allait avoir à répondre d'une inculpation plus sérieuse. Quelque temps avant sa sortie du couvent, elle avait fait transporter chez M. Fournier, médecin de la communauté, un certain nombre d'ornements sacerdotaux qu'elle espérait ainsi soustraire à la mainmise de l'État. Ce dépôt fut caché derrière un double mur élevé à la hâte par un maçon nommé Viel, père du chapelain de la communauté. Malheureusement, une servante surprit le travail et raconta plus tard ce qu'elle avait vu. Son confident, un jeune soldat, sachant bien qu'il aurait sa part du butin (2), n'eut rien de plus pressé que d'aller informer le comité de surveillance. Le jour même, 16 frimaire (6 décembre 1793), le comité fit une perquisition et trouva dans la cachette de l'argenterie au chiffre de Fournier et vingt-six ballots renfermant des devants d'autels, des chasubles, tuniques, étoles, manipules, voiles de calice en étoffe de prix enrichie d'or et d'argent, vingt aunes de toile de lin et de vieux linges. Le tout fut confisqué en vertu de la loi du 23 brumaire an II, et le comité fit arrêter Fournier, à qui sa qualité de médecin de l'hôpital et sa réputation d'habile chirurgien valurent, d'ailleurs, la liberté sous caution. Cette capture causa de grands embarras au comité, dont les membres ne savaient quelle conduite tenir, entre le souci d'accomplir ce qu'ils croyaient leur devoir et le soin de ménager leur popularité. Assaillis par les plaintes incessantes des malades et du public, recevant un jour de Paris l'ordre de faire garder à vue le prisonnier et de l'empêcher de sortir de Gisors, sommés le lendemain par les administrateurs du district de l'envoyer sans délai à la maison d'arrêt d'Andely, ils passaient leur temps à prendre successivement les mesures les plus contradictoires et à défaire le lendemain ce qu'ils avaient fait la veille. Finalement, Fournier ne fut pas transféré aux Andelys, et l'affaire se termina bien pour lui, ainsi, d'ailleurs, que pour ses co-accusés. Peut-être n'en eût-il pas été de même partout........

Après d'interminables interrogatoires, il fut établi que la Mère Vié (Madeleine du Saint-Esprit), dépositaire des carmélites en 1792,

supplique non datée (Arch. de l'Eure, id.), Fontaine expose qu'il avait voulu simplement obliger, en « logeant quelques effets, comme tableaux, petits devants d'autel tant en papier que d'étoffe garnie de galons faux, petite banquette, marchepieds et quelques vieux bois de lit. »

(1) 17 juin 1794. Supplique au comité de surveillance. (Arch. de l'Eure: Comités révolutionnaires.) - Il était en liberté, provisoirement et sous caution, depuis le 7 nivôse (17 déc. 1793).

(2) L'article 2 de la loi du 23 brumaire an II accordait, en effet, aux dénonciateurs le vingtième de la valeur des objets trouvés.

et la Mère Guiller (Thérèse de Jésus), sous-prieure à la même époque, avaient seules conçu le projet, mais qu'elles l'avaient exécuté avec le concours de Fournier, du maçon Viel et du sacristain Choquart. La Mère Vié avoua qu'elle avait dissimulé ces objets dans l'espoir de rentrer un jour dans son couvent; elle affirma, d'ailleurs, qu'ils avaient été confectionnés par les carmélites de leurs deniers et à l'aide de dons particuliers, depuis l'inventaire de 1790. Sur quelques paroles imprudentes de la même religieuse, que tous ces événements semblent avoir bouleversée, la Mère Delasalle, prieure (Rose de la Croix), et la sœur Mignot (Thérèse du Saint-Sacrement), avaient été mises également en arrestation. Amenées de Bourgoult à Gisors et emprisonnées dans l'ancien collège, elles purent heureusement prouver sans trop de peine leur innocence, et on leur rendit la liberté après six semaines de détention. La Mère Guiller, visée, elle aussi, par un mandat d'arrêt, mais gravement malade, n'avait pu être amenée à Gisors, et le retard apporté à son interrogatoire fut cause que l'affaire traîna en longueur. Cette religieuse ne fut même jamais mise en demeure de s'expliquer, bien que, le 5 pluviôse (24 janvier 1794), en rendant compte de ses opérations, le comité de surveillance eût invité le directoire du district à prendre des mesures à cet effet (1). Quant à la Mère Vié, d'abord en arrestation chez elle, elle avait été à son tour écrouée au collège le 23 frimaire (13 décembre), et finit par être transférée dans la prison du district. Arrivée aux Andelys le 18 nivôse (7 janvier 1794), elle ne tarda pas à être atteinte d'une maladie à la suite de laquelle l'administration ne put lui refuser l'autorisation, sollicitée par elle le 22 prairial (10 juin), de se retirer à Bourgoult, sous la caution du citoyen Blondel, fermier de l'ancienne commanderie. Ce fut seulement le 6 nivôse an III (26 décembre 1794), cinq mois après le 9 thermidor, qu'un arrêté du comité de sûreté générale la mit définitivement en liberté (2). Il n'existe trace d'aucune mesure semblable relative à la Mère Guiller, à Fournier et à Fontaine. Le comité de surveillance de Gisors avait été supprimé par la loi du 7 fructidor (24 août 1794), et ses décisions furent sans doute considérées dès lors comme non avenues.

les

Vers le 20 décembre 1793, trois membres de ce comité, citoyens Lefebvre aîné, Debeauvais jeune et Douville, s'étaient rendus à Paris pour entretenir le comité de sûreté générale des affaires en cours et pour remettre à l'administration des domaines, qui leur en donna décharge à la date du 4 nivôse (24 décembre),

(1) Arch. de l'Eure, série L: Comités révolutionnaires; district d'Andely. (2) Arch. de l'Eure, L. 792, fol. 64 vo. (Registre des arrêtés envoyés par les comités de la Convention au directoire du district d'Andely.)

les ornements sacerdotaux et l'argenterie trouvés chez Fournier (1). Les 400 livres d'argent appartenant à la prieure de Gand durent être en même temps déposées à la Convention. Quant à la toile neuve, qui avait été laissée à sa disposition, le comité de surveillance décida de la faire «< convertir en chemises pour les défenseurs de la patrie ». Le vieux linge fut abandonné à l'hôpital (2).

A partir de cette époque, les anciennes carmélites de Gisors s'enfoncent peu à peu dans l'obscurité. Les quelques renseignements épars que nous avons pu recueillir et que l'on trouvera groupés, sous le nom de chacune d'elles, dans un appendice à cette publication, ne suffiront pas toujours à satisfaire la pieuse curiosité du lecteur.

La Mère prieure était encore dans l'arrondissement des Andelys en janvier 1795 (3). L'une des converses, la sœur Catherine de Jésus (Javel-Delavigne), qui ne l'avait pas quittée jusque-là, continua de la suivre dans ses déplacements nombreux et montra pour elle le plus constant et le plus touchant dévouement. La Mère Rose de la Croix, âgée de soixante-six ans en 1790, ne vécut pas assez pour voir la reconstitution des monastères sous le Consulat et sous l'Empire; mais sa compagne, plus heureuse, put entrer au couvent d'Abbeville, où elle mourut en 1820 (4). Plusieurs des religieuses de Gisors allèrent demander asile aux carmélites de Gand et se réunirent plus tard aux nouveaux Carmels ouverts en France. D'autres enfin restèrent à Gisors, où l'une d'elles, la sœur Barisson, prolongea sa vie jusqu'en 1847.

Les dernières carmélites dont nous trouvons la trace à Gisors pendant la période révolutionnaire proprement dite sont les sœurs Monjoue, Sennequin, Barisson, Palbroy et Vattier, qui obtinrent de nouveaux certificats de civisme le 22 frimaire an III (12 déc. 1794).

Que de fois, dans ces terribles années de la fin du siècle, que de fois le souvenir de la vie austère et calme d'autrefois, l'image des lieux bénis qui avaient abrité pour elles tant de jours heureux, ne durent-ils pas traverser l'esprit des anciennes carmélites de Gisors, - ineffaçables visions du passé dont on aime toujours le charme amer et la douce tristesse !

(1) Arch. de l'Eure, série L: Comités révolutionnaires.

(2) La plupart des détails qui précèdent sont fournis par les délibérations du comité de surveillance, qui, du 16 frimaire au 24 pluviôse, ne consacra pas moins de dix-neuf séances à l'instruction de cette affaire.

(3) Arch. de l'Eure, L. 819, fol. 33.

(4) Chron., 2° sér., t. II, p. 520, 532, 533.

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De tous les monastères de carmélites qui existaient en France au moment de la Révolution, il n'en était pas peut-être dont les bâtiments eussent meilleure apparence que ceux du Carmel de Gisors. Construits très simplement de moellons, avec chaînes et encadrements de pierre, - l'église seule était en pierre de taille, — mais spacieux, élevés et disposés avec une régularité parfaite, ces bâtiments frappent encore le regard par leur ampleur imposante. Ils subsistent, en effet, presque tout entiers, et la ville de Gisors a pu commodément y installer, non seulement l'administration municipale, mais aussi la plus grande partie des services publics (1). La destruction ne s'est exercée que sur un des côtés du cloître, dont il est toujours facile, d'ailleurs, de reconstituer par la pensée l'aspect ancien, et sur les trois oratoires du jardin, lesquels ont malheureusement disparu sans qu'il nous en soit resté la plus médiocre image.

Trois grands corps de logis d'égale hauteur forment trois côtés d'une vaste cour, en avant de laquelle une grille a remplacé la quatrième galerie du cloître. L'ensemble atteint sur la rue Boullanger une longueur totale de 51 m. 55 (2). L'église, orientée du nord-ouest au sud-est, s'élève en dehors du carré, perpendiculairement au bâtiment du fond, dont son abside saillante partage en deux la façade principale. Cette disposition inusitée produit un effet

(1) Musée, bibliothèque, théâtre, école des garçons, justice de paix, gendarmerie, logement des instituteurs, du secrétaire de la mairie, du concierge, etc.

(2) Dont 33 m. 15 pour la longueur de la grille et 9 m. 20 pour la largeur de chacune des ailes.

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De nombreuses fenêtres s'ouvrent à chaque etage se rces façades, et des lucarnes se détachent, ca entre, à la des toitures. De toutes ces baies, hautes et la.ge a prer ver de dimensions plus redantes au-dest is, aucune n'a requ don

(1) On hit, en effet, à l'ingle sintier de hoite:

1564 ANNO fecit

RESTAUKAVIT
ANNO 1591

Le style a ce catran et fixé au ra d'un soleil ravipart et au-cessos f'un croissant égaletácht doré.

(2) Les Jeux autres galeries encore existantes ont été transferuus ca tements.

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