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prenant congé de M. le Conservateur, lui exprima, au nom de la Société, sa profonde gratitude pour sa gracieuse hospitalité.

A cinq heures et demie, très exactement, tous les excursionnistes réunis dans la gare de Chantilly, reformant les deux groupes de l'arrivée, se séparent après un échange de cordiales poignées de mains. Le groupe pontoisien se dirige vers Creil et Beaumont pour rentrer à Pontoise; - le groupe parisien trouve à sa disposition le train spécial qui l'a amené et le reconduit aussitôt directement à Paris.

En route, chaque groupe se félicite de la bonne journée passée en commun, et remercie chaleureusement M. le Président de la Société pour la parfaite ordonnance de l'excursion. «M. Seré-Depoin, dit quelqu'un dans mon wagon, n'est pas seulement un habile administrateur, c'est un magicien ! »>

La Société gardera le meilleur souvenir du concours empressé que lui a prêté la Compagnie du chemin de fer du Nord. Elle remercie particulièrement M. le Secrétaire général de l'exploitation, M. le Chef du mouvement et MM. les Chefs de gare et leur personnel de leur extrême obligeance.

En somme, encore une belle excursion à inscrire dans les annales de la Société du Vexin.

On recommencera dans un an, mais où ira-t-on ?

Chi lo sa?

UN VIEIL EXCURSIONNISTE.

(L'Écho pontoisien, jeudi 23 juin 1898).

RECHERCHES HISTORIQUES

SUR LA

Maladrerie Saint-Thomas - en - Artie

Par LEON PLANCOUARD

Correspondant du Ministère de l'Instruction publique

pour les Travaux Historiques

D

EPUIS que le microbiologiste Bordoni Uffreduzzi(1) a réussi à cultiver le fin bacille de la lèpre ou de Hansen (2), le silence s'est fait sur cette maladie exclusive à l'homme. A peine a-t-on parlé depuis le récent congrès international de dermatologie, tenu en 1897 à Berlin, de l'hérédo-contagion (3) de la lèpre que l'on a pu transmettre par la vaccination.

Avant que le souvenir ne soit perdu de nos maladreries rurales, nous offrons à nos collègues nos recherches sur celle d'Artie. Nous n'avons pas la prétention de donner l'histoire complète de cet établissement, mais notre but a été de réunir dans une plaquette le fruit de nos recherches sur des établissements dont il reste peu de documents.

(1) Weber, die Kultur der Leprabacillus.

(2) Archives de physiologie belges 1877 et Virchow's Arch. LXXIX.

(3) Cf. Voir Cornil et Braker et la très intéressante communication de M. Besnier

à l'Académie de médecine le 11 octobre 1877.

§ Ier

Essai historique sur les Maladreries du Vexin

« Il n'y avoit ni ville ni bourgade qui ne » fust obligée de battir hospital pour retirer » les lépreux (1) ».

Nous ne sommes pas éloigné de croire qu'on a construit, au centre de la forêt d'Artie, au S.-E. de l'ancien village que longeait, au moyen âge, le chemin dit « des Murs » ou de la Roche-Guyon à Meulan, une hutte où l'on séquestrait vers le viie siècle les lépreux. Cela résulte des notes laissées par le docteur H. Morin et conservées dans le Chartrier d'Artie. Cette cabane serait donc contemporaine de celles dont Boeck a retrouvé des traces dans les îles de Syra et de Candie. Cabane maladrerie alors une des plus anciennes de France, puisqu'on trouve des établissements dans le Charolais en 571, époque où l'abbé Othmer les dirigeait en Allemagne et l'abbé Nicolas de Corbie en France. A la fin du viie siècle, la lèpre diminua d'intensité, elle recommença à sévir dans le Vexin au xe siècle. Les progrès de l'hygiène hospitalière firent jeter à Artie les fondations d'une maison très importante près du vieux chemin des Ursulines, aujourd'hui supprimé, et de la rue aux Ours (2) vers JolyVillage. Cette maison reçut le nom de Maladrerie Saint-Thomasen-Artie.

Les maisons similaires assez salubres, étaient destinées à isoler les malades bien plus qu'à les guérir. Elles reçurent selon les pays diverses dénominations. A Génainville, Vétheuil, etc., ladreries; à Saint-Clair-sur-Epte, léproseries; à Poissy, Groslay, Juvisy, maladreries. Dans le Poitou, où les lépreux étaient tous sauniers; dans l'Angoumois, où les ladres étaient papetiers; en Bretagne, où ils

(1) Mézeray: Histoire de France, édition de 1645, T. II, page 168.

(2) Corruption de ouës; cette rue est citée rue aux ouës ». Au xiv. siècle (titres de Saint-Thomas au Chartrier): rue aux oies. A cause de son peu de largeur elle est dite aussi « ruelle de Maudétour », elle est peu praticable aux voitures. Il existait à Paris entre la place des Victoires et la Bastille une rue aux ouës habitée presque exclusivement par des rôtisseurs. On disait autrefois dans le Vexin d'un gourmand: Vous avez le nez tourné à la friandise comme Saint-Jacques l'hôpital », le portail de cette église se trouvant en face de la rue aux ouës où, dit Sauval, « les Limousins y venaient manger leur pain au fumet des rôtis. »

avaient une profession spéciale (1) celle de cordier, on les confinait dans des établissements appelés caquineries (2). Dans l'origine, ces maisons étaient affectées à la partie la plus pauvre de la population. On y admettait aussi les malades des classes riches de la société.

Nous rappelons ici pour mémoire les justes précautions que l'on prenait autrefois pour empêcher la propagation de la lèpre. A la vérité le moyen âge entourait cette réclusion d'un terrible formalisme. Tout homme frappé de la lèpre était retranché aussitôt de la vie civile. Revêtu d'un drap mortuaire, il devait attendre à la porte de l'église. Le clergé l'y allait chercher, puis le faisait entrer dans une chapelle ardente où il entendait réciter sur lui la prière des morts. On lui faisait ensuite les aspersions et les encensements ordinaires qu'on fait aux défunts. Après quoi on le menait processionnellement à la logette qu'il devait occuper. Cette logette était surmontée d'une croix ; la porte en s'ouvrant agitait une cloche. Le malheureux devait, en prenant possession de sa nouvelle demeure, quitter ses anciens habits pour revêtir la « tartarelle » jaune costume obligatoire des ladres. On lui donnait une « bassicote » (3). A ce moment le prêtre lui énonçait d'une voix forte les défenses prescrites par le rituel (4). « Je te défends de sortir sans ton habit de ladre. Je » te défends de sortir nu-pieds. Je te défends de passer par les > ruelles étroites. Je te défends de parler à quelqu'un lorsqu'il sera » sous le vent. Je te défends d'aller dans aucune église, dans aucun » moutier, dans aucune réunion d'hommes. Je te défends de boire » et de laver tes mains, soit dans une fontaine, soit dans une rivière. » Je te défends de manier aucune marchandise avant de l'avoir » achetée. Je te défends de toucher aux enfants. Je te défends de » leur rien donner. Je te défends d'habiter avec toute autre femme » que la tienne ».

(1) En Bretagne où la lèpre avait conservé un caractère plus nocif « les cacoux » étaient si nombreux qu'ils formaient, dans le diocèse de Tréguier, des agglomérations entières. Plusieurs familles de cette région, implantées à Artie depuis quelques années, nous affirment que de nos jours les cultivateurs bretons aisés ne laissent pas marier leurs filles avec les fils des « cordiers ».

(2) Les miselarria, mezelleries, malanteries désignent des léproseries. Dans la France méridionale existait, dans les deux derniers siècles, une race maudite qui ne se mêlait aucunement avec le reste de la population: les cagots ou capots. Les textes les plus anciens démontrent qu'à l'origine les capots étaient des lépreux. Les livres terriers de Guyenne et de Gascogne portent presque tous comme lieux dits « aus capots. Les ladres blancs de l'Artois, de la Picardie et des Flandres s'appelaient Mézeaux, variété la moins repoussante de l'espèce des lépreux. Dans Mezel, Mezelle, Mezeaux on doit voir le mot misérables: miselli. C'est ainsi que les réglements de police de Montreuil-sur-Mer renouvelés en 1419 défendent aux barbiers de signer saignor Mezel sous peine d'estre demis de leur mestier et de perdre tous leurs outilz. » (3) A Arthies cet instrument est encore conservé; les enfants de choeur s'en servent la semaine de Pâques pour annoncer les offices religieux.

(4) Dom Martène, De antiquis Ecclesiæ Ritibus, T. II, p. 358.

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