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de 1545 n'ont pas passé inaperçues pour la maladrerie de SaintThomas-en-Artie. Magne Pallot qui, de 1535 à 1545, occupait alors la maîtrise d'Artie, eut des difficultés que nous verrons se renouveler après les édits de Louis XIV. Ces difficultés étaient soulevées par l'ordonnance de 1544 qui exemptait les maladreries qui n'étaient pas érigées en titre de bénéfice de payer décimes, dons gratuits et emprunts. Toutes ces ordonnances sur ces lieux pitoyables n'étaient pas toujours suivies; si celle du 5 février 1535 avait été mieux observée, tous les lépreux fussent demeurés en leurs maladreries craignant d'encourir la peine de la hart. Bien plus on n'aurait pas vu(1) comme en Normandie, des mendiants feignant d'être malades, car ils auraient été fustigés publiquement.

Pendant les guerres civiles du xvre siècle, il n'est pas question de Saint-Thomas. En 1586 Henri de Silly était comte de la RocheGuyon et seigneur d'Artie, ce dernier titre fut sujet, à cause des terres de Saint-Denis, de Cergy et de Montreuil-sur-Epte, à de grandes difficultés.

< Comme ainsy soit qu'a cause des droits et prerogatoires que > nous avons en la seigneurie d'Artie pour ce au nom du fils et » héritiers François de Silly nous appartient la collaon et plaine » disposition de la chapelle Monsieur St Thomas size en ladite » seigneurie d'Artie ou etant de pouvoir de personne suffisante et » capable ».

Les conflits terminés, on va songer à utiliser les bâtiments de la maladrerie en ferme (2). Les chapelains habiteront en règle générale Paris, se contentant de venir trois ou quatre fois par an toucher leurs revenus. En 1668 le comte Roger du Plessis prit l'avis d'hommes compétents pour la suppression de la chapelle. Nous copions dans un dossier du chartrier d'Artie la note ci-après: Consultation pour la chapelle Saint-Thomas d'Artie (1668). « Il est › plus avantageux d'estre patron d'une église ou chapelle seule que » d'une chapelle qui sera dans le corps d'une église matrise; pour» quoy proprement dans le droit canon elles s'appellent plus que chapellenies. Mais si la chapelle seule se trovoit en telle ruine et » décadence que le revenu ne pust suffire pour les charges, répara

(1) Congrès archéologique de France, LIX session, Compte rendu p. 237.

(2) Si l'on en croit l'enquête, la lèpre aurait disparu du pays d'Artie vers 1580 et des environs de Chars postérieurement. Cette maladie était soignée au xvir® siècle par les empiriques, témoin la gravure de Bonnart sur l'arrivée des infirmes au médecin de Chaudrais :

Peuples accourez icy aux ames est votre oracle
De tous les maux du corps il vous leura l'obstacle

Manchot, pasles couleurs, mal de reins et des yeux
Des maux en général, même jusqu'aux lépreux.

» tions, et entretenir les murs, la translation en ce cas se peut faire >> et consentir par le patron ».

« Et il semble à propos pour ne pas donner ce consentement à la » légère par le patron et y conserver autant qu'il pourra les intérêts, » qu'il ne doit donner ce consentement qu'aprez que le titulaire » se sera pourvu par devers l'Evesque; que de son ordonnance il y >> aura eu information de commoditez ou incommoditez, qu'il luy » aura renvoyé pour auvoir son consentement qu'il donnera lad. >> information finie, l'agreement sur le rapport de gens chousis qui »> ne soient point nommez de l'office du juge competant, quelque » probités qu'il ayent, ne semble pas assez circonspect ce rapport » à l'avenir n'a pas de force ny de foy.

>> Pour l'interest et sûreté il seroit bon que le patron de l'église >> matrice dans laquelle on veut transférer y donnast son consen>>tement parce que autrement il aura toujours le premier droit » dans la chapelle transférée pour y mettre ses armes et autres >> droits et encore la liberté de blâmer la translation et seroit à » propos mesme que son consentement portast s'il le consent pour » avoir pour le seigneur patron les mesmes droits et qu'il auroit » droit d'avoir en l'église qui estoit détachée, et qu'il contient aussy » la cause de l'utilité et honneur de l'église afin que son successeur » s'il est ecclésiastique ne peust pas quereller son acte ».

>> Il seroit encore à propos de ne consentir qu'à condition que » le prix des matériaux seroit employé à l'augmentation du fond de >> lad. chapelle nouvelle ou aux réparations, décorations et ornemens, >> sans pouvoir estre divertis ailleurs non pas mesme aux réparations » de l'église. C'est le patrimoine d'une église qui ne doit être diverty >> ailleurs tant que le titre subsiste.

» Et encore que cette translation, avec les causes d'icelles et >> réserve des mesmes privileges en ladite chapelle pour le patron » qu'il pouvoit auvoir en la chapelle des champs seule et séparée, » fust gravée en un marbre ou pierre de taille dans laditte chapelle » et qu'au lieu de l'ancienne il y fust posée et entretenu une croix >>> qui laissast quelque vénération sur le lieu ».

Au commencement de 1692 l'archevêque de Rouen, Mgr Colbert, fit venir le grand-vicaire de Pontoise pour s'entendre sur la translation de la chapelle Saint-Thomas et il lui expédiait le 22 mai suivant son ordonnance. On trouve aux Archives de Seine-et-Oise, G. 73, l'ordonnance de l'archevêque rendue le mercredi 29 avril 1693 à la requête de Claude Trevet, titulaire de ladite chapelle SaintThomas, qui en transfère le titre dans un autre de l'église paroissiale et autorise le suppliant à démolir (1) l'ancienne « à condition de faire

(1) Les grès démarquant cet emplacement existaient il y a dix ans; un d'une

une enceinte dans l'emplacement abandonné, pour mémoire (1) de la sainteté du lieu. »

La charité à Artie reprit alors une sève nouvelle, rajeunie comme l'aigle (renovabitur ut aquilæ juventus tua) avec son bureau decharité et l'institution de la communauté des pauvres. Nous ferons plus tard l'historique de ces deux institutions bien que bon nombre de documents « aient été perdus dans l'année de la disette de 1807. »

D'après les déclarations rendues, les terres de Saint-Thomas, elles furent exploitées par des fermiers qui en jouissaient moyennant les charges suivantes : « labourer, fumer, cultiver, ensemencer » et construire et sables et compot sans dessoler ny desaisonner; » en fin de leur temps les rendre en bon et suffisant état, payer les >> censives et droit de champart qui peuvent debvoir aux seigneurs » à qui deubz sont et faire dire une messe pour chaque mois de » l'année le jour de Saint-Thomas, et outre moyennant le prix et » somme de 45 livres à la Saint-Martin d'hiver : et chacun desdits, > doit 2 chapons au jour des rois et sera tenu le preneur des >> frais et dépenses, mettre une grosse ès mains du chapelain et » devront charrier tous les matériaux pour l'entretien de ladite » chapelle pendant le temps dudict bail pour l'exécution duquel » le preneur s'engage à faire solles.... >>

Pour faire prospérer « l'ordre des chevaliers de Sainct-Lazare et de Notre-Dame du Mont-Carmel et avoir un moyen de récompenser les services de guerre de la noblesse française Sa Majesté unissait à l'ordre l'administration et la jouissance perpétuelle de toutes les maladreries et léproseries. » (2)

L'édit fut signé en 1674, mais ce n'est qu'au 9 décembre 1688 qu'on assigna l'Administrateur et possesseur de la chapelle de SaintThomas à la Chambre royale pour en abandonner la jouissance à MM. de l'ordre de Saint-Lazare et d'en rapporter les titres. « Je, » Sébastien de Bigot, huissier ordinaire du Roy en ses chambres

hauteur énorme marquait l'entrée; la tradition populaire voyait dans cette pierre, que l'on avait surmonté d'une croix, l'entrée d'un trésor.

Dans le Vexin on attache encore une certaine foi à ces « pierres surmontant un trésor. » Il est vrai que ces croyances remontent assez haut puisqu'on les signale en 1493 dans le Compotus emolumentorum curie ecclesiastice Pontisare et Vulgassini Francie in festo Sti Michaelis anno domini 1491 incipiens et in festo consimile » anno revoluto finiens........ redditus per me Nicolaum Hébert: Contre le chapelain » de Jambeville pour avoir joué aux quilles en public et avoir enfoui une croix afin de

» trouver un trésor ».

(1)« L'inventaire du mobilier et des objets d'art de l'église d'Arthies en 1722 » dit qu'il y a pour cette église la chapelle de Saint-Thomas dans l'église, la chapelle Saint-Nicolas et la confrérie du Rosaire »; à la Révolution, ces trois vocables avaient disparu. Voir aux pièces justificatives.

(2) Voir Camille Rousset, Histoire de Louvois, t. 1, p. 251 et suivantes; et aux Archives nationales, MM 219, fo 137, Le pouillé des hospices de Saint-Lazare, fin XVII° siècle.

» des comptes et du trésor public au palais à Paris y demeurant » rue de la vieille draperie soubzne ay donné assignation au sieur » De Bennecourt administrateur et possesseur de la maladrerie >> Saint-Thomas d'Artie au diocèse de Rouen, et parlant à la per» sonne de René Martin fermier des terres de la Maladrerie dudit » lieu d'Artie distant de 13 lieues, à comparer à trois semaines à la >> chambre royale séant à l'arsenal à Paris pour être condamné à se » désister et départir de la Maladrerie et des lieux dépendants.... >>

Trois mois après cette assignation, le duc de la Roche Guyon et M. Jean du Verdier conseiller du Roi procureur général de l'ordre de Saint-Lazare passaient une transaction chez Barbon et Caillet, notaires au Châtelet. Par cet acte « après la communication des >> titres de la chapelle Saint-Thomas d'Artie ils conviennent que » c'est une chapelle érigée en titre et bénéfice qui n'est pas sujette » à la réunion à l'ordre. »>

Aubry, intendant des maisons et affaires de Monseigneur de la Rochefoucault qui remplaçait son maître dit qu'il ne « demandait « aucune prétention de despens, dommages et intérêts. » L'arrêt d'homologation de cet acte est du 16 mai 1689; il a été rendu sur le rapport du sieur de la Grange Trianon, conseiller du Roi.

Voici, avec quelques prix, les noms des fermiers du domaine rural de Saint-Thomas aux XVIIe et XVIIIe siècles.

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1664. Guillaume Emery. Il eut beaucoup de complications amenées par « la mauvaise culture, et la cherté des grains et la démission de M. de Blancpignon », son prédécesseur.

1688. — René Martin qui, en entrant en possession devait faire les réparations auxdits lieux; au dire d'experts comme pour Guillaume Emery, les terres de Saint-Thomas lui furent louées pour 45 livres et 2 chapons de loyer annuel.

1734.

Nicolas Lamette fermier de la chapelle de Saint-Thomas. 1743. M. Lamette « pour 2 années de fermage à raison de 14 1. 15 s. » Le peu de rapport des terres de Saint-Thomas est le fait des nombreuses guerres de Louis XIV. Saint-Thomas se ressentit du passage à Arthies, en mars 1652, de l'armée conduite par le duc de Nemours (1).

N'oublions pas de mentionner qu'à travers les âges la lutte entre le chapelain de Saint-Thomas d'Artie et le curé fut assez vive. Les droits de dîmes furent des prétextes à procès entre ces ecclésiastiques jusqu'en 1665 où fut signé l'accord précité.

Dix ans plus tard la Maladrerie d'Artie-en-Vexin était dans un état complet d'abandon.

(1) Chartrier d'Artie et Mairie de Mondétour. Note sur la garde d'un registre de catholicité.

Elle va disparaître de l'histoire. Pihan de la Forest, dans ses « détails du Vexin » citera : « Il y avait à Artie, la chapelle Saint>> Thomas à la collation du seigneur du lieu. >>

On ne peut que regretter la perte de « l'image de Saint-Tho>> mas » et des « 2 tableaux anciens qui l'accompagnaient. » Belle œuvre au dire du rédacteur de l'inventaire envoyé au citoyen Villiers, régisseur de la régie nationale de Magny.

Conformément à la « loi du 28 Ventôse an IV, sur la vente des >> biens nationaux, les 7 arpents 96 perches de terre en 14 pièces » au territoire d'Arthies provenant de la chapelle Saint-Thomas » sur Arthie ont été acquis par Jacques-Aimable-Félix-Victor Auger, » laboureur à Bray. »(1)

Les terres de Saint-Thomas aliénées à la Révolution faisaient partie de la baronnie d'Arthies. On peut, à force de recherches, les retrouver dans les numéros 6 à 10, 30, 49 et 52 de la section B du cadastre et aux nos 120 et 121 de la matrice cadastrale. Achetées par M. Gabriel Morin, bourgeois à Vétheuil, à M. Goutard de Leveville (2), elles revinrent à son fils Hyacinthe - Gabriel par partage avec sa sœur par acte devant Chaudru, notaire à Paris, le 31 mars 1830. Mlle Morin avait épousé M. de Rocreuse dont le vicomte de la Motte Baracé épousa la fille. Ayant perdu leur fils, ils léguèrent, en 1894, leur portion de la ferme d'Artie à Monseigneur Claude-Émile Freppel, évêque d'Angers, dont les neveux vendirent à MM. Bernheim frères qui divisèrent la ferme et les terres de Saint-Thomas dans une vente publique. (3)

Il ne reste aujourd'hui plus une pierre de la maladrerie de SaintThomas d'Artie.

(1) Cf. Archives de Seine-et-Oise, district de Mantes, no 135 à 137, chapelle Saint-Thomas, no 160.

(2) Au moment où la Révolution éclata, les Goutard de Leveville, écuyers, maîtres d'hotel ordinaires du Roi, étaient seigneurs de Courcelles en Beauvaisis (p. 635, t. xvi, 3° partie, Mém. Soc. acad. de l'Oise, 1897).

(3) La Maladrerie possédait des revenus à Maudétour et Cléry seulement.

1809. Bail par M. Mathieu-François Goutard de Leveville, propre dem1 à Gisors, de: 1° La ferme d'Artye, avec pressoir; 2o Les biens qui appartenaient ci-devant aux Ursulines de Gisors, sur Artye, qui ont été adjugés à dame Louise-Elisabeth de la Rochefoucault d'Enville, aïeule de Mme Alexandrine-Sophie de Rohan Chabot, veuve de Louis-Alexandre de la Rochefoucault, par procès-verbal fait au directoire de district de Mantes, le 31 mai 1791; 3° Et ceux dépendant de la ci-devant cure d'Artye, acquis aussi par Mme d'Enville. (Communication de M. L. Regnier).

La coutume de Beauvais [N-327] dit que « les biens de léproserie sont des biens de main-morte.» (Arch. Nat. X 8).

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