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par la raison même, la puissance de la confiance. Les esprits timides qui voudroient temporiser, ont-ils reflechi que la banqueroute est le plus cruel des impôts? Ont-ils bien calcule les terribles effets qui en seroient la suite? Si 100,000 Propriétaires pouvoient combler le deficit, et que l'on vous proposat de les dépouiller, l'Assemblee reculeroit d'horreur; et cependant le crime seroit bien moins effroyable que celui d'une banqueroute; et au moins le déficit seroit-il comblé. Mais croit-on qu'en ne payant pas, on ne devra plus ?... Doit-on attendre un refus, de ceux à qui on demande une partie de leur fortuné, pour sauver leur fortune entiere?

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J'ai entendu ici, pour une miserable faction du Palais-Royal, vous dire: Catilina est à vos portes, et vous délibérez ! Eh! la banqueroute est à vos portes, et vous voulez discuter!»

Donnez des moyens, ou acceptez ceux qu'on vous offre, et ne perdez pas un temps que vous ne répareriez jamais. "

Plusieurs Députés cependant s'obstinèrent, et crierent que si M. de Mirabeau craignoit la banqueroute, ils craignoient, eux, la combustion de leurs maisons, et la destruction des fortunes d'une foule de Proprietaires; mais la véhémence de l'Orateur électrisa toute l'Assemblee, et ce sentiment vif répondit à toutes les objections. Le Decret fut adopté par acclamation.

On proceda aux suffrages par appel nominal: 429 voix admirent le Décret, 107 le rejeterent, 24 furent sans avis.

Supplément à l'Assemblée Nationale.

DISCOURS prononcé par M. Necker, premier Ministre des Finances, à PAssemblée Nationale, le 24 Septembre 1789.

Les faits, les principes, les propositions sont recueillis dans l'extrait que nous allons donner de ce Discours, dont l'étendue nous force à quelques suppressions. Nous n'avons rien omis de l'état des maux publics, ni de celui de leurs remèdes. Nos suppressions ne portent que sur des morceaux qui prouveroient le moins intéressant des talens de M. Necker, celui de l'éloquence. C'est la mesure de la ruine publique et les moyens de la réédifier qu'il importe de présenter au Public.

"

» Il y avoit hier matin, au Trésor royal, douze millions huit cents mille livres, soit en billets de la Caisse d'escompte, soit en argent comptant, soit en effets exigibles dans la semaine ; cet état, au premier coup d'œil, est fort au-dessus de celui dans lequel j'ai trouvé le Trésor royal au mois d'août de l'annee dernière mais d'abord, treize mois d'intervalle remplis d'évènemens et de contrarietes inimaginables, ont épuisé toutes les ressources. D'ailleurs, d'ici à la fin du mois, les besoins indispensables, c'està-dire, le prêt des troupes de terre, le prét

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et le service de mer, le payement des interêts acquittés au Tresor royal, en les circonscrivant dans le plus exact nécessaire, le payement des pensions encore plus limite; enfin, le secours qu'exigent plusieurs caisses et divers Tresoriers habitués à servir le Roi de leur crédit ; ces divers objets faisant uniquement partie des obligations forcées; ces divers objets, dis-je, se montent à huit ou neuf millions; ainsi il ne restera que trois ou quatre millions pour commencer le mois prochain, et nous aurions besoin de trente millions pour satisfaire à ses besoins, et de soixante-dix à quatre vingt, pour répondre au service indispensable des trois derniers mois de cette année. "

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Voilà, Messieurs, le triste récit de l'état des financés de France, dans un moment où il n'y a plus de crédit. C'est à regret que je donne publiquement cette instruction; mais je le fais à une époque où il n'est plus temps de se defendre, par le secret, des atteintes de l'opinion. J'ai l'ame dechirée d'avoir à présenter un pareil tableau de notre détresse. Ces temps où au milieu d'une guerre dispendieuse, je pourvoyois, sans de grandes inquiétudes, à cent cinquante millions de dépenses extraordinaires; ces temps plus recens, où à l'approche de la réunion des Représentans de la Nation, je me formois le spectacle des prospérités de ce Royaume et de la renaissance de toutes ses forces; ces temps sont trop pres de mon souvenir, pour ne pas former dans ma pense e le contraste le plus affligeant avec les circonstances présentes. Ah! que la prudence des hommes est un foible bouclier! que leur prévoyance est incertaine! Il est un cours

d'événemens qui les entraîne, et c'est en vain que le nautonier jeté sur le rivage se rappelle douloureusement le vaisseau qui l'a conduit long-temps avec surèté au milieu des mers orageuses, mais dont il n'aperçoit plus que les malheureux débris, le jouet des vagues et de la tempête.

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C'est assez cependant, Messieurs, vous avoir entretenus de nos infortunes; il faut se relever, il faut reprendre courage, il faut essayer de résister à tout, il faut faire tête à l'orage, et vous ressouvenir de ce que vous êtes et de tout ce que vous pouvez, aidés de la volonté d'un excellent Roi, aidés de son véritable dévouement au rétablissement de l'ordre et au bonheur général.

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» Je vous rappellerai d'abord, Messieurs, que le déficit, selon le compte qui vous a été présenté à l'ouverture de l'Assemblée Nationale, se montoit à environ cinquante-six millions.

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Toutes les pièces justificatives de ce compte ont été remises aux Députés qui composent le grand Comité des Finances; et je crois qu'ils sont en état de vous dire que, s'ils n'ont pas tout examiné dans le plus grand détail, l'exactitude qu'ils ont aperçue jusqu'à présent, donne lieu de présumer que cet ouvrage a été fait avec beaucoup de soin et de régularité. »

Le chapitre des anticipations dans le compte des finances dont il est ici question, comprenoit en dépense environ cinq millions pour l'intérêt de quatre-vingts millions qu'on supposoit nécessaires pour finir l'année; mais comme le dernier Emprunt, en y ajoutant le fonds destiné aux remboursemens, a produit une nouvelle charge, pendant dix

ans:

de dix millions, c'est environ cinq millions à ajouter au déficit de cinquante-six millions, ce qui l'eleve à soixante-un.

«Le dernier Emprunt, il est vrai, n'est pas rempli, mais il le sera successivement dans un temps donne; ainsi il faut mettre en ligne de compte les intérêts et les reboursemens auxquels il engagera, puisqu'il est question ici d'un état futuret permanent.» "Je passe sous silence quelques petites augmentations de dépenses et de revenus, afin de ne point détourner votre attention par des bagatelles."

"Voici maintenant les ressources majeures qui pourroient balancer ce déficit, si vous jugiez à propos de les adopter. "

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1. Vous pourriez determiner que les fonds destinés au département de la guerre, seroient diminués de quinze à vingt millions, en améliorant cependant le sort du Soldat; et vous demanderiez au Roi que les nouveaux plans fussent formés sur cette base.

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2o. Le Roi et la Reine sont disposés à n'avoir qu'une seule et même maison; et enordonnant les retranchemens les plus rigides, Leurs Majestés, guidées par le plus vif desir de contribuer au rétablissement de l'ordre, espèrent pouvoir réduire à vingt millions les dépenses comprises sous la denominationgénérale de maison du Roi, ce qui produi-, roit une nouvelle économie de cinq millions.

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3o. Les sommes fournies aux maisons des Princes, se montent à 8,240,000 liv. indépendamment du produit des apanages; il ne m'appartient pas de déterminer le retranchement dont cet article seroit suscep tible.."

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