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lait, dont il n'avait ensuite qu'à déterminer l'application. Le ministre ayant eu la main droite emportée à la chasse, le distique suivant fut dans la bouche de tout le monde :

Ci-gît la main d'un grand ministre.

La sénestre? Non, la sinistre.

les Français se croyant vengés des attentats du pouvoir par de misérables jeux de mots. A ce visir succéda Malesherbes qui, malheureusement, ne fut pas en charge une année entière. Président de la cour des aides, il avait dénoncé dans plusieurs remontrances l'illégalité de ces actes. Ministre de la maison du roi (département qui comprenait tout l'intérieur du royaume), il ne s'en permit pas un seul ; il réprima ces violations du premier des droits, et mit en liberté presque tous les prisonniers arbitrairement détenus. Les formalités qu'il prescrit pour l'ordre de l'expédition d'une lettre de cachet, étaient plus longues et plus difficiles à obtenir que l'acte juridicte d'un tribunal ordinaire. Les écrits et l'exemple de ce digne magistrat contribuèrent beaucoup à restreindre l'usage de ces lettres; aussi est-il constaté, par un des registres d'écrou trouvés dans les archives de la Bastille, que cette forteresse reçut trois mille prisonniers, à peu près soixante-six par an, dans un espace de quarantecinq années, lequel en renferme quinze du règne de Louis XVI, c'est-à-dire à dater à peu près de l'apparition de Malesherbes : ce nombre de victimes de l'ambition est donc moins considérable qu'on ne le supposait en Europe. Mais des imputations exagérées atteignent toujours le despotisme qu'on accuse de mille actes arbitraires lorsqu'il en commet un seul," et qu'on juge avant tout examen, parce qu'il use d'un

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moyen illégal. Il faut néanmoins se rappeler, qu'outre la Bastille, il existait huit ou dix autres prisons d'état où le gouvernement renfermait, sans égard pour le sexe, pour l'âge, pour la parenté, des personnes de toute condition, traitées avec la même rigueur pour des délits différens, et condamnées sans jugemens et sur de simples allégations. On sait encore que la Bastille de Paris et les autres Bastilles secondaires étaient les sauvegardes des grands criminels, voleurs, assassins, empoisonneurs de qualité, et que les débiteurs d'un haut rang ou accrédités en cour avaient le privilége d'y faire enfermer leurs créanciers,

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Le lendemain même de la prise de la Bastille, le peuple en commence la démolition. La clef de la première porte est envoyée par La Fayette au président des ÉtatsUnis, à l'illustre citoyen Washington.

Ordonnance du roi. «Sa majesté ayant été à » portée de juger de l'effet qu'a produit dans ses trou>> pes la punition des coups de plat de sabre établie par » son ordonnance du 25 mars 1776, supprime ladite >> punition; voulant, sa majesté, que cette peine soit » remplacée par celle de la prison ou autres punitions » réglées par la discipline militaire, suivant l'exigence » des cas. » Devait-on attendre jusqu'à ce jour pour révoquer une ordonnance qui, de même que plusieurs autres ordonnances assez récentes, ont si fâcheusement modifié les institutions militaires, ravalé la considération du soldat français, et répandu dans les rangs le découragement, la désaffection avec le dégoût de la profession des armes ?

« La cour était résolue d'agir cette même nuit (la 15 juillet. » nuit du 14 au 15). Les régimens de Royal-Allemand » et de Royal-Étranger avaient reçu ordre de prendre

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» les armes. Les hussards s'étaient portés à la place du » château; les gardes du corps occupaient les cours. >> A ces préparatifs menaçans, la cour joignait un air » de fête qui, dans cette circonstance, ajoutait l'insulte » à la cruauté. Les Polignac, Mesdames (tantes du >> roi), Madame et madame d'Artois se rendirent sur » la terrasse de l'Orangerie. On fit jouer la musique » des deux régimens. Les soldats, auxquels on n'avait » pas épargné le vin, formaient des danses. Une joie » insolente et brutale éclatait de toutes parts ; une » troupe de femmes, de courtisans, d'hommes vendus >> au despotisme, regardaient cet étrange spectacle d'un >>œil satisfait et l'animafent par leurs applaudissemens. » Telle était la légèreté, ou plutôt l'immoralité de >> ces hommes, qu'assurés, à ce qu'ils croyaient, du » succès, ils se livraient à un insultant triomphe. L'as>> semblée nationale offrait un aspect bien différent : >> un calme majestueux, une contenance ferme, une » activité sage et tranquille, tout annonçait les grands » intérêts dont elle était occupée et le danger de la chose publique. Ce n'était point par ignorance des >> desseins de la cour : l'assemblée nationale savait qu'au » moment même de l'attaque de Paris, les régimens » de Royal-Allemand, Royal-Étranger et les hussards, >> devaient environner la salle des états, enlever les » députés que leur zèle et leur patriotisme avaient » désignés pour victimes, et, en cas de résistance, >> employer la force. Elle savait que le roi devait venir, >>> le lendemain, faire accepter la déclaration du 23 juin

et dissoudre l'assemblée ; que déjà plus de quarante » mille exemplaires de cette déclaration étaient en» voyés aux intendans et aux subdélégués, avec or>>dre de la publier et de l'afficher dans toute l'étendue » du royaume.

>> Mais l'assemblée était décidée à s'exposer aux plus >> grandes violences plutôt que de consentir à cet acte » illégal, et de trahir ainsi la confiance de la nation, en >> sacrifiant les droits du peuple à sa propre sûreté.

>> Cependant l'assemblée n'était pas sans ressources. >> La moindre entreprise contre elle fût devenue le si>>gnal d'une mesure qui aurait pu envelopper le roi » même et toute la famille royale. Un peuple nom>> breux, dont le sombre et farouche silence d'un abat»tement prêt à se changer en fureur, entourait la >>> salle des états (à la fin du jour, le 14); inquiet des » mouvemens qu'il apercevait autour de lui, il errait >> çà et là, n'attendant qu'un mot pour se porter à toutes >> les extrémités du désespoir.

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On savait confusément ce qui se passait à Paris. >> Les courriers avaient beaucoup de peine à parvenir jusqu'à Versailles. Les postes de Sèvres, de Saint» Cloud, gardés par deux régimens, interceptaient les >> communications. Il arrivait néanmoins, de temps >> en temps, quelque courrier, qui, avant d'être intro>> duit dans l'assemblée, satisfaisait l'impatiente curio»sité du peuple. L'assemblée recevait tout, écoutait » tout, envoyait au roi députations sur députations. >> Ces députations, composées de cinquante membres, >> traversaient en silence le long espace qui séparait du » château la salle des états. Le peuple s'ouvrait avec >> respect sur leur passage. L'air composé, sévère >> même des députés, montrait le courage inébranlable » de l'assemblée. Arrivés aux postes occupés par les >> hussards et par les gardes du corps, ils perçaient >> avec peine les nombreux escadrons qui couvraient » la place d'armes et les cours du château. On les in>>troduisait chez le roi, et, à leur retour, leurs re» gards et leur maintien contristés annonçaient au

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