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semblée de la noblesse que les ordres du roi lui interdisent d'y siéger... « Mais (dit ce prince) je donne à » la chambre la ferme et certaine assurance que le » sang de mon aïeul (Henri IV) a été transmis à mon >> cœur dans toute sa pureté, et que, tant qu'il m'en restera une goutte dans les veines, je saurai prouver » à l'univers entier que je suis digne d'être né gentil>> homme français. »

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A ce sujet, Mounier, aussi loyal défenseur de la majesté royale que judicieux appréciateur de la monarchie tempérée, dans un des écrits qu'il a publiés hors de France, a fait les observations suivantes : « Deux de nos rois, François Ier et Henri IV, dans >> leurs conversations avec ceux qui les environnaient, » se sont donné la qualité de gentilshommes, mais >> dans un temps où tous ceux qui faisaient profes>>sion des armes étaient réputés tels. On a souvent >> rappelé ces expressions, sans remarquer la diffé»rence des temps. Le trône, source de tous les >> honneurs, est tellement au-dessus de toutes les >> distinctions admises dans l'état, qu'on ne peut, sans » affaiblir sa dignité, y joindre un titre qui fait des» cendre le roi au rang de ses sujets. Le chef de la »nation ne peut faire partie d'aucune classe; et, » s'il voulait condescendre jusqu'à prendre une qua» lité commune à ceux qui lui doivent l'obéissance, >> celle de citoyen pourrait seule lui convenir, par » cela même qu'elle exprime des devoirs envers la >> patrie; tandis que celle de gentilhomme n'exprime » qu'une distinction subordonnée qui disparaît de» vant la majesté royale, puisqu'elle est très - infé>> rieure à celles dont les princes jouissent. » Le raisonnement de Mounier est, sans doute, juste en principe; mais il y a peut-être de la sévérité à l'appliquer

dans cette circonstance : le prince, s'adressant à un
corps
de gentilshommes dont il s'attendait à faire par-
tie, pouvait bien leur témoigner qu'il eût été flatté
de se trouver avec eux, ainsi qu'il aurait pu dire aux
militaires français qu'il alla visiter, en 1782, au pied
de Gibraltar, qu'il était glorieux d'être militaire fran-
çais.

Le roi permet aux journaux de rendre compte des 19 mai. opérations des états généraux.

Deux députations du clergé et de la noblesse se ren- ≥3 mai. dent séparément à l'assemblée du tiers ou des communes. La première conférence des commissaires choisis par les trois ordres pour déterminer le mode de vérification des pouvoirs (V. les 7 et 12) a lieu. Le clergé et la noblesse déclarent qu'ils renoncent à leurs priviléges pécuniaires, et expriment leur volonté de supporter tous les impôts et toutes les charges de l'état dans la même proportion et de la même manière que tous les autres citoyens. C'est beaucoup, sans doute, qu'une semblable déclaration; mais, dans la situation des esprits, elle ne suffit plus. Cette concession, si manifestement imposée par les circonstances, ne saurait amener l'ordre du tiers, qui s'est déclaré formant l'assemblée des communes, à consentir à la vérification séparée des pouvoirs : il fonde la nécessité de la vérification en commun, sur ce que les pouvoirs des députés de toutes les classes ayant pour but l'établissement et la défense des intérêts de la nation, il est évident que ces pouvoirs doivent être examinés, reconnus et jugés par les représentans de la nation tout entière, quelle que puisse être la forme d'opiner adoptée plus tard dans les états gé

25 mai.

néraux. Cette première conférence est donc sans résultat.

La seconde conférence des commissaires - députés est aussi inutile que la première; elle augmente l'aigreur des deux partis.

Les communes ne cessent de réclamer la réunion sur les opérations préliminaires, et de regarder comme étranger au but de la convocation tout ce qui ne serait pas arrêté par les députés en masse. Mais la noblesse, qui voit les suites de la concession qu'elle ferait en admettant la vérification en commun des pouvoirs, se prévaut des usages des derniers états généraux. En vain ses adversaires exposent que des usages qui ont varié, des usages équivoques ou mêlés d'erreurs évidentes, dont la noblesse elle-même vient de rejeter une partie, par exemple, l'intervention du roi dans les contestations entre les ordres sur la vérification des pouvoirs, que de tels usages ne sauraient être cités comme des règles; mais que la raison doit conduire des citoyens, tous députés pour représenter la nation, tous éclairés des mêmes lumières, tous animés du même zèle pour l'intérêt public. C'est précisément à raison de cette infixité continuelle des institutions, dans la France ancienne et moderne, que la noblesse trouve des argumens favorables à sa cause; aussi ne voit-elle la constitution du royaume que dans certains actes des seizième et dix-septième siècles, refusant d'admettre la convenance et la validité d'une foule d'exemples antérieurs. Comme elle cite toujours les états de 1644, on lui représente que ces états n'étaient mandés que pour faire des doléances séparées, tandis que ceux de 1789 sont appelés à participer à la législation et à faire une constitution, les lettres du 24 janvier spécifiant que chaque assemblée électorale

donnera les pouvoirs nécessaires à ses commettans pour proposer, aviser, remontrer, consentir; et c'est positivement dans ce sens que le roi parlera, le 23 juin, alors même qu'il viendra frapper un coup d'état, en disant Le but de cette communication, si différent de celui qui rassemblait vos ancêtres. Le tiers eut toujours plus de députés que les autres ordres; en 1356, sa députation fut double.

En se référant aux anciens usages, pourquoi la noblesse ne s'attache-t-elle pas aux plus anciens? Lorsqu'elle offre, en 1789, l'exemple de 1614, elle ne devrait recevoir aux états comme aux assemblées électorales que les nobles possesseurs de fiefs. En 1614, le roi prononça sur les pouvoirs contestés; aujourd'hui, la noblesse n'admettant point la décision du roi, peutelle admettre quelques antécédens, et en écarter d'autres? En 1588, les pouvoirs furent vérifiés par ordre; mais c'étaient les états de la ligue. En 1484, les pouvoirs furent vérifiés en commun; l'on vota par tête; il n'y eut qu'un président, un orateur, un cahier, une salle de réunion : la division des ordres commença seulement en 1560. On ne doit pas comparer 4789 à 1614, pour établir l'ensemble des délibérations. Qu'offrait la France en 1614? un peuple timide et peu éclairé, trois ordres entièrement divisés d'intérêts, se regardant chacun comme un corps parfait dans le royaume, présentant au roi des doléances séparées, invoquant l'autorité pour se nuire réciproquement, au lieu de se concerter avec elle et entre eux pour opérer le bien général. Les droits d'une nation ne peuvent se supposer aliénés parce qu'elle a négligé d'en faire usage, ses devoirs anéantis parce qu'elle a négligé de les remplir. Telles sont les allégations des commissaires du tiers.

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26 mai. La noblesse prend un arrêté, portant que les pouvoirs seront vérifiés séparément (V. les 23 et 25). La cour est alarmée sur son avenir; elle redoute la surveillance d'un corps représentatif quelconque, dont le premier regard se porterait sur les profusions; elle envisage avec effroi la réforme des nombreux abus auxquels elle doit sa prépondérance. Concevant le dessein de dissoudre les états généraux, elle entretient les divisions, en agissant sur les deux premiers ordres, toujours soumis à son influence. Elle nourrit les défiances, sème les tracasseries, fait sans cesse de petits complots. La maison des Polignac est le foyer des cabales de la noblesse, le centre où elles se reportent. Les femmes de la cour, êtres si futiles, et ne recevant d'idées que celles que donnent l'habitude de l'intrigue et le relâchement des mœurs, traitent une conjoncture prête à décider du sort de la France, comme elles traitaient une misérable affaire pour déplacer un ministre ou promouvoir un amant. A la chambre des nobles, la majorité, s'enlaçant chaque jour dans les piéges des courtisans, commet enfin les plus graves imprudences. Il est remarquable que les opposans les plus hautains aux mesures conciliatoires, les défenseurs les plus prononcés des antiques priviléges, soient deux députés, faits nobles la veille, pour ainsi dire, de la convocation des états généraux, Cazalès, Duval-d'Esprémenil, et tous les deux ayant combattu avec violence le despotisme du ministère, celui-ci au parlement de Paris, l'autre dans sa pro

28 mai.

vince.

Le roi écrit aux trois ordres, afin de les inviter à de nouvelles conférences entre. leurs commissaires, et en présence des ministres. Ce jour même la ma

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