Page images
PDF
EPUB

Napoléon, aussitôt que ses intérêts furent favorisés et garantis par le nouveau maître de la France. Le meilleur dialecticien, le publiciste le plus profond et l'homme le plus désintéressé de l'assemblée constituante, fut Thouret. « L'autorité (dit ce député) qui a >> pu déclarer l'incapacité d'acquérir, peut, au même » titre, déclarer l'inaptitude à posséder. Le droit qu'a » l'état de porter cette décision sur tous les corps qu'il >> a reçus dans son sein, n'est pas douteux, puisqu'il dans tous les temps et sous tous les rapports, une » puissance absolue, non-seulement sur leur mode » d'exister, mais encore sur leur existence. La même >> raison qui fait que la suppression d'un corps n'est » pas un homicide, fait que la révocation de la faculté >> accordée aux corps de posséder des fonds de terre, >> ne sera pas une spoliation. »

>> a,

[ocr errors]

L'évêque d'Autun, Talleyrand, déjà cité, qui fut agent général du clergé, porte à cent cinquante mil

1790, on lit, page 24: « Maury (Jean-François), abbé de la Frénade » et prieur de Rioms, 250,000 livres.

« 1°. 40,000 livres en considération de ses services rendus à M. de >> Lamoignon dans l'affaire des parlemens; 2°. 100,000 livres pour >> la facture de son Avis au peuple, en date du 5 mai 1788; 3o. en » mars 1789, 10,000 livres, en attendant qu'il soit pourvu d'un évê» ché, à condition qu'il fera échouer les projets de l'assemblée na» tionale et qu'il n'abandonnera point le parti de Malouet, de Mou>> nier, du saint archevêque de Paris et du fidèle cardinal de La » Rochefoucauld; 4°. 100,000 livres en considération de ses services >> au comité de Marly. »

On lit dans le même livre, pag. 25 : « Mirabeau ( ....comte de), » littérateur, 200,000 livres.

» 1°. En 1776, 5,000 livres, pour avoir vendu au gouvernement » le manuscrit d'un ouvrage de sa composition intitulé: des Lettres » de cachet, et, en 1789, 195,000 livres, sur sa parole d'honneur de » faire avorter les projets de l'assemblée nationale. >>

« Nota. Il s'est trouvé à la Bastille plus de six mille exemplaires » des lettres de cachet, saisis par la police. >>

[ocr errors][merged small]

lions (terme moyen des différentes évaluations connues) le revenu total du clergé quatre-vingts en dîmes, et soixante-dix en biens-fonds, non compris les maisons et enclos d'une valeur considérable, ni le quart de réserve des bois ecclésiastiques destiné à subvenir aux frais de reconstructions et réparations des bâtimens. La vente des biens-fonds, au denier trente, produirait un capital de deux milliards cent millions. Les dîmes pourraient être définitivement (V. 12 août) supprimées avec un rachat modéré.

La dîme, ce grand vol fait par le clergé aux laboureurs et propriétaires des terres, fut dans le principe un don que Charlemagne fit au clergé : ce monarque y avait été contraint par la force des choses. En möntant sur le trône, Charlemagne trouva les ecclésiastiques et les églises dépouillés de tous les biens qu'ils avaient extorqués de Clovis et de ses successeurs. Charles Martel avait distribué ces biens à ses capitaines; Charlemagne les leur laissa, parce que la politique et les intérêts de son usurpation lui en faisaient une nécessité; mais, afin de rendre le clergé favorable à ses vues ambitieuses, il établit en sa faveur une sorte de dîme, dont nous ferons connaître tout à l'heure la nature et la spécialité. Beaucoup de chrétiens refusaient de donner aux prêtres cette partie de la récolte ; pour les y obliger, les prêtres supposèrent «< que » diable avait dévoré les épis de ceux qui ne voulaient >> pas payer la dîme, ce qui avait occasióné une fa>> mine. >> On trouve la preuve positive, textuelle, de ce fait dans un capitulaire du synode de Francfort, en 794. Charlemagne n'établit pas plus, en faveur du clergé, la dîmè telle que le clergé prétendait la prélever sur toutes les terres, qu'il ne céda aux papes les droits de souveraineté sur Rome. Constantin lui-même

le

s'était si formellement réservé les droits de souveraineté sur Rome et sur les terres de l'Église, qu'il se disait l'évêque des choses extérieures. Cet empereur, et ses successeurs, Gratien, Théodose - le - Grand et Théodose-le-Jeune, convoquèrent les conciles de Nicée, de Constantinople, de Calcédoine et d'Éphèse ; preuve incontestable que les évêques de Rome, ou papes, n'avaient pas même le droit de statuer sur la discipline et la police des églises, et que les empereurs, en qualité de souverains suprêmes, s'étaient réservé une haute inspection sur les doctrines et les dogmes. Ce ne fut que dans le treizième siècle que les évêques de Rome conquirent la papauté, la souveraineté temporelle. Grégoire VII prit la couronne des rois, et mit les papes hors de la juridiction impériale. La maxime:

« Abîme tout plutôt, c'est l'esprit de l'église, »

si hardiment énoncée par Boileau, dans le Lutrin, devint le code politique de la cour de Rome; et, à force de superstitions, de fraudes, de violences, d'empoisonnemens, d'assassinats et de dépositions d'empereurs et de rois, les papes réussirent à établir leur double droit de souveraineté temporelle et de souveraineté spirituelle : la première est une usurpation, la seconde est légitime et sacrée.

Le clergé se servit à peu près des mêmes moyens pour établir le droit de la dîme qu'il prélevait. Voici l'origine de ce droit : « Un des objets les plus diffi>> ciles fut de concilier l'intérêt du clergé qui réclamait » ses biens dont Charles Martel l'avait dépouillé, et » celui de la noblesse dont ces biens étaient devenus » le patrimoine, et qui ne voulait pas les rendre. Dès » le temps de Pepin, on avait tâché de rapprocher les

>>

[ocr errors]

» esprits en établissant des précaires. Ce mot, tiré du » latin precariùm, usité dans la législation romaine, >> signifie des biens qu'on ne possède qu'à condition » de les rendre à leur vrai propriétaire. On avait donc » réglé, du temps de Pepin, qu'en considération des » dépenses extraordinaires auxquelles les seigneurs se trouvèrent alors obligés à cause des guerres étran» gères dont l'état était menacé, ils resteraient en » possession des biens des églises, à charge d'en payer » une très-modique rente aux anciens propriétaires, » et à condition que ces biens seraient rendus aux » prêtres à la mort des usufruitiers, si toutefois les >> besoins de l'état n'obligeaient pas à continuer les » précaires. Ce règlement dicté par la mauvaise foi, » n'apaisa pas les querelles. Les nobles prétendaient » toujours qu'il était de l'intérêt de l'état de leur con» tinuer les précaires, et les prêtres ne cessaient, au >> contraire, d'en demander la restitution. Cette con» testation, qui troublait depuis long-temps le gou>> vernement, fut enfin terminée sous Charlemagne. » La noblesse et le clergé firent réciproquement des >> sacrifices; et Charlemagne contribua à la paix en >> flattant la vanité du clergé pour consoler son avarice. » 1°. Les nobles restèrent définitivement en posses>>sion des précaires; 2°. le clergé obtint que les >> nobles fussent obligés à contribuer aux réparations » des églises et des monastères dont ils avaient les >> terres, et à la dîme des récoltes de ces terres; payer >> 3°. Charlemagne renonça au droit que ses prédéces>> seurs s'étaient arrogé de nommer aux évêchés va>> cans, et il rendit au peuple et au clergé la liberté >> des élections; 4°. on assura aux justices seigneuriales » que le clergé s'était faites, des droits aussi étendus » que ceux dont jouissaient les justices des seigneurs

[ocr errors]

laïques. La dîme dont il est ici question pour la pre»mière fois, il ne faut pas la confondre avec la 'dîme » générale que le clergé parvint depuis à établir à son » profit sur les fruits de toutes les terres. Au temps >> de Charlemagne, la loi n'imposa l'obligation de » payer la dime que sur les terres ecclésiastiques qui » étaient possédées par les nobles à titre de pré» caire, et cette dîme fut juste, puisqu'elle fut le prix et la condition auxquels les nobles acquirent la » propriété de ces terres. Dans ce même temps, la loi » n'imposait point encore aux propriétaires de toutes >> les autres terres l'obligation de payer au clergé la >> dîme des productions de leurs champs. Cette der» nière exaction, qui opprima si long-temps nos cul»tivateurs, et par laquelle les prêtres et les moines » prenaient, sous le nom de dime, le cinquième des >> revenus de la France, ne fut autorisée que bien » postérieurement. Le clergé abusa de la stupide cré>> dulité du peuple pour obtenir, d'abord par artifice, >> cette dîme générale que la loi ne lui accordait pas. >> Les moines fabriquèrent une fausse loi de Jésus» Christ, par laquelle il menaçait ceux qui ne paie>> raient pas là dîme de frapper leurs champs de stéri»lité, et d'envoyer dans leurs maisons des serpens » ailés qui dévoreraient leurs femmes et leurs enfans. » Ils firent même intervenir le diable en leur faveur; >> des prédicateurs disaient au peuple Ouvrez les >> yeux; c'est le diable qui a dévoré les grains dans les épis1; il a déclaré, avec des hurlemens affreux, au >> milieu des campagnes, qu'il exterminera tous les >> mauvais chrétiens qui refusent de payer la dîme. » On la paya, et quand l'usage en fut établi, le clergé

[ocr errors]

I

Voyez plus haut ce que nous avons dit d'après le synode de Francfort.

« PreviousContinue »