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Madame de Nemours assurait qu'elle n'en apprenait rien de certain, manifestaient hautement l'intention de recevoir Madame de Ne

mours.

1673

ment demande

de Longueville.

Le gouverneur et le conseil d'Etat demandèrent alors aux peu- Le gouverneples qui s'émouvaient un temps compétent pour pouvoir écrire à du temps pour Madame de Longueville, afin qu'il lui plût de faire venir à Neu- écrire à Mad. châtel M. l'abbé d'Orléans, son fils. Néanmoins la seigneurie envoya encore le 3 mai d'autres troupes Appréhension au Landeron pour renforcer les gardes, dans l'appréhension que les peuples ne se soulevassent et n'allassent quérir Madame de Nemours pour l'établir souveraine.

ment.

d'un soulèveDes troupes

sont envoyées à la frontière.

Mad. de Ne

ses menées.

Cette princesse, de son côté, redoublait aussi ses instances auprès des peuples pour les porter à la reconnaître souveraine et les dé-mours redouble tourner de Madame de Longueville. Poussant enfin les choses aux dernières extrêmités, M. de Mollondin lui fit signer un mandement adressé à tous gouverneurs, communautés et sujets des comtés de Neuchâtel et Valangin. Il est probable que cette princesse ne discernait pas les conséquences que pouvait avoir ce mandement, mais il est certain qu'il était capable d'armer les sujets les uns contre les autres et de causer un bouleversement général dans l'Etat, car il était conçu en ces propres termes :

Son Altesse sérénissime Madame la duchesse de Nemours à tous gouverneurs, Mandement de communautés et sujets des comtés de Neufchâtel et Valangin salut.

Désirant pourvoir aux grands désordres que causent parmi vous quelques particuliers qui se disent composer le conseil d'Etat, bien qu'il ne puisse y en avoir de légitime qui ne soit assemblé par nos ordres, Madame la duchesse de Longueville, sous le nom de laquelle ils disent agir, ne pouvant avoir aucune autorité que par la qualité qu'on lui donne de curatrice de Monsieur notre frère, puisque l'administration de cette souveraineté nous est due comme plus proche, et par la loi et coutume du pays, qui veut que la curatelle des biens paternels soit déférée aux parents paternels et des maternels aux parents maternels: Partant nous vous mandons qu'incontinent et sans délai vous ayez à quitter les armes, avec défense d'obéir au dit prétendu conseil d'Etat ni de recevoir aucuns ordres que les nôtres, vous enjoignant de vous tenir prêts à les venir recevoir à notre premier mandement.

Donné à la Neuveville, ce 3/13 mai 1673.

(Signé) MARIR D'ORLÉANS et scellé de son cachet.

Le bruit de l'assassinat de M. de St-Micault s'étant répandu dans les cantons, y donna de l'horreur et de l'indignation, et comme on l'imputait aux gens de Madame de Nemours, elle se crut obligée, pour les en justifier, d'écrire la lettre suivante aux cantons:

Magnifiques et puissants seigneurs,

Mad. de Nemours à tous

les sujets de

l'Etat.

J'ai cru être obligée, comme une bonne voisine et alliée, de vous donner Lettre de Mad. avis des violences dont on use contre moi pour m'empêcher de me rendre à de Nemours Neufchâtel en conséquence du passeport du Roi, et qu'étant arrivée à la Neuve- aux cantons au sujet de l'assasville, le 8 de ce mois, d'où je devais partir le lendemain, ne croyant pas trou- sinat de M. de ver d'obstacle en ma marche, je dirai à VV. EE. qu'un nommé de St-Micault St-Micault.

1673

Troupes à St-
Blaise.

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s'est trouvé dans le château de Neufchâtel, lequel a fait assembler beaucoup de
troupes sous le nom d'Affry et a marché huit jours de châtelainie en châtelainie
pour exciter tous les peuples à prendre les armes contre moi, dont la preuve
est facile à connaître par le commandement donné à tous les capitaines, les-
quels peut-être ont marché sans ordres par écrit. Et pour marque de la der-
nière violence exercéc contre moi, c'est le mandement dont ce gentilhomme est
chargé; il en remettra une copie entre les mains de VV. EE. et leur dira que
même ils m'ont interdit et à ma suite d'ouïr la messe aux jours de commande-
ment dans une église hors de la ville du Landeron. Et quant à la mort du dit
St-Micault, qu'ils ont l'imprudence de vouloir imputer à mes gens, VV. EE. savent
que le dit sieur de St-Micault était dans la ville du Landeron avec soixante
mousquetaires qu'il avait amenés avec lesquels il s'était rendu maitre du dit
Landeron, là où ayant posé tous les corps-de-garde et sentinelles pour sa sûreté,
il envoya ordre au lieutenant Lahire de St-Blaise de marcher avec des soldats,
lequel lieutenant était arrivé à la tête de ses gens à la seconde porte du Lan-
deron où le dit St-Micault l'attendait et avait fait fermer la grande porte; lui
passant le premier par la petite porte lui dit: „Passe le premier par la petite
Vous
et lorsqu'il fut entré, il referma la dite petite porte lui disant :
porte, "
êtes bien effronté de venir ici après avoir parlé de Madame de Nemours au
„préjudice des défenses qui ont été publiées, et je vous arrête prisonnier,"
marque qu'il était maître du dit lieu. Et sur ce les soldats auparavant conduits
par le dit lieutenant, qui étaient hors la porte, crièrent: „Qu'on nous rende
notre commandant.“ Sur quoi survint le fils du dit d'Affry, qui était hors de
la ville, lequel fut pris et arrêté par les dits soldats, et l'échange en fut faite
ensuite pour rendre le dit lieutenant à la tête de ses soldats. Sur les quatre à
cinq heures du soir les portes de la ville ayant été fermées et les clefs étant
entre les mains du dit St-Micault, il s'est trouvé tué au milieu de ses soixante
mousquetaires, sans qu'il y ait eu un seul coup tiré ni aucune émotion. Sa
mort a été infailliblement causée par les menaces qu'il faisait de mettre à feu
et à sang la ville, si les bourgeois ne prenaient les armes contre moi. VV.EE.
remarqueront que depuis que le dit St-Micault s'était saisi des clefs des portes,
elles n'ont été ouvertes, quoique mort et le fils du gouverneur resté dans la
ville, que le lendemain à neuf heures du matin, où étaient survenus les officiers
du château de Neufchâtel. Par où VV. EE. pourront juger de l'imposture de ces
gens-là et du peu de fondement qu'ils ont de vous demander du secours eontre
moi, qui n'ai que ma suite ordinaire et qui n'ai dans tout mon procédé cherché
qu'à observer et maintenir votre ancienne intelligence et alliance, et que je ferai
toujours paraître, comme étant toujours, magnifiques et puissants seigneurs,
la très affectionnée servante

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MARIE D'ORLEANS.

De la Neuveville, ce 4/14 mai 1673. La seigneurie voyant que les troubles allaient en augmentant crut qu'il fallait redoubler de sévérité et donner des ordres très exacts, soit pour empêcher à qui que ce fût de passer par le Landeron et par la châtelainie de Thielle, soit à Madame de Nemours de venir à Neuchâtel, soit aux gens du pays d'aller à la Neuveville. On mit Gardes à la pour cet effet au-dessus de St-Blaise, auprès de la maison qu'on Maigroge au nomme la Maigroge, une compagnie de cent hommes qui étaient de Blaise. la Brevine, commandée par M. Henri Sandoz, seigneur de Noiraigue Un certain Jonas Petremand, bourgeois de Valangin, voulant passer

dessus de St

en voulant y

passer.

DE L'INTERREGNE DE 1672. 199 LIVRE II. par-là, le dimanche 4 mai, y fut tué par la sentinelle, ce qui causa 1673 une grande émotion dans le village de St-Blaise, qui prit de là l'oc- Un homme tué casion d'aller se plaindre à M. le gouverneur, s'offrant de garder ce passage. C'est pourquoi on retira cette compagnie qui en partit le 5 mai. On congédia même toutes les troupes du Landeron, à la réserve de quatre-cents hommes qu'on y laissa sous le commandement de Jean-François de Neuchâtel, baron de Gorgier. Deux hommes de Corcelles ayant été surpris allant à la Neuveville, furent mis en prison au château de Thielle, ainsi que huit autres encore après lui.

La ville de Neuchâtel était divisée à un point qu'on craignait à tous moments qu'on ne s'y égorgeât les uns les autres. On y voyait des frères qui tenaient pour deux partis opposés, des pères et des enfants, des maris et des femmes qui étaient d'un sentiment différent les uns des autres.

Pour tâcher de remédier à ces maux qui empiraient tous les jours, le conseil d'Etat envoya deux députés à la Neuveville auprès de la princesse, qui étaient MM. Jean de Montmollin, trésorier, et JeanMichel Bergeon, receveur des quatre mairies, pour lui représenter avec toute la civilité possible que si elle voulait avouer la sentence des Trois-Etats et en donner une déclaration par écrit, on lui permettrait d'entrer dans Neuchâtel. Mais la duchesse ne voulut pas y consentir.

Division des partis à Neu

châtel.

On envoye une députation à

Mad. de Ne

mours.

partisans de

Mad. de Ne

mours en répandant de

faux bruits.

Les partisans de cette princesse se servirent dans ce temps d'un Stratagème des stratagème pour chercher à l'introduire à Neuchâtel. Deux hommes du Val-de-Ruz en envoyèrent quatre à St-Blaise qui, feignant d'être des Montagnes, y répandirent le bruit qu'il y avait beaucoup de troupes en Franche-Comté, sur les frontières du pays, et qu'il y en avait même qui y étaient déjà entrées, et qu'apparemment c'était le prince de Condé qui venait pour soutenir Madame la duchesse de Longueville, sa sœur, et pour venger l'assassinat de M. de St-Micault envoyé par lui. Ce bruit causa une grande alarme dans tout le pays, et plusieurs personnes s'enfuirent à Cudrefin, à Morat et en d'autres lieux. Les auteurs de ces faux bruits estimaient que toutes les troupes qui étaient au Landeron, seraient obligées de courir sur les frontières, pour défendre le pays ou leurs foyers, et que pendant ce temps-là ils pourraient facilement conduire Madame de Nemours dans le château de Neuchâtel et l'en mettre en possession. Cependant cela n'eut aucune suite, parce que ce bruit tomba par la certitude du contraire.

vernement de

Le gouvernement craignant le soulèvement du menu peuple et de Lettre du goula canaille, à cause de l'argent que M. de Mollondin leur faisait distribuer, se crut obligé d'écrire aux cantons de Berne, Fribourg et

Neuchâtel aux réclamer du

cantons pour

secours.

1673

Envoi de

part des cantons.

de Nemours de

frontières.

Réponse de

Mad. de Ne

mours.

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Soleure, pour les instruire du fait et leur demander du secours contre la violence dont ils étaient menacés.

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Ces cantons envoyèrent d'abord des députés; ceux de Fribourg députés de la et Soleure arrivèrent le 17 mai, savoir, deux de chaque canton, accompagnés de plusieurs cavaliers; ils furent suivis, le 19 mai, de ceux de Berne. Ces messieurs jugèrent que l'unique remède pour apaiser l'émotion des esprits et rétablir le calme partout, était de Ils prient Mad. prier Madame de Nemours de s'éloigner des frontières de l'Etat, se retirer des et comme ils allèrent la trouver à la Neuveville pour le lui conseiller, elle répondit, qu'elle était fort surprise qu'ils fussent venus faire une semblable proposition; qu'elle était souveraine et que sa souveraineté ne dépendait que de Dieu; qu'elle n'était point dans leurs états, et qu'elle ne voulait ni faire ni écouter aucune proposition; que tout le monde la souhaitait dans les Etats de Neuchâtel; que quatorze communautés s'étaient déclarées pour elle et , que la ville de Neuchâtel la viendrait quérir; qu'il n'y avait que quelques gens de néant qui s'opposaient à la volonté de ses bons , sujets, et qu'elle saurait bien les punir; que ces gens feraient mieux d'implorer sa clémence et de lui venir demander pardon à , genoux, et qu'elle leur ferait grâce à la prière des députés des cantons." Elle ajouta;, que le meilleur titre des souverains était la possession; qu'elle commencerait par s'y mettre, et qu'elle aurait des amis qui l'y maintiendraient; que le roi de France était roi de Navarre, et le duc de Savoie était roi de Chypre, mais » qu'ils n'en avaient pas la possession, et que son frère serait de la même manière souverain de Neuchâtel."

Lettre de Mad.

au roi Louis

XIV.

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Comme on avait informé Madame de Longueville des troubles que de Longueville Madame de Nemours causait à Neuchâtel, et surtout de l'assassinat du marquis de St-Micault, cette princesse en donna avis au roi qui était pour lors à Stenay, le priant, par une lettre qu'elle lui écrivit, de vouloir faire cesser ces désordres, en rappelant Madame de Nemours en France, et de leur faire la grâce de juger de leur différend.

Le roi envoie

mours un de ses

Sur ces informations, le roi envoya de Stenay en poste le sieur à Mad. de Ne- de Gombault, un de ses gentilshommes ordinaires, avec une lettre gentilhommes à Madame de Nemours, laquelle lui ordonnait de s'en retourner en France et de laisser les affaires de Neuchâtel comme elle les avait nir en France. trouvées.

pour lui donner l'ordre de reve

Mad. de Nemours obéit.

M. Gombault fut ravi de voir à son arrivée, qui eut lieu le 15/25 mai, que Madame de Nemours n'était pas encore à Neuchâtel et établie souveraine, comme il se l'était imaginé; il l'alla voir à la Neuveville le 16/26 mai et lui présenta la lettre du roi. Il était accompagné de deux officiers de la seigneurie.

1673 Effet que ce

rappel produisit

les partisans de

Mad. de Ne

mours préparaient une in

vasion.

Cette lettre réjouit beaucoup les partisans de Madame de Longueville et affligea extrêmement ceux de Madame de Nemours, qui s'étaient proposés de conduire cette princesse par la force à Neu- au moment où châtel, le jeudi suivant 22 mai et 1" de juin, et de la mettre sur le trône. Les bourgeois de Neuchâtel qui, à la réserve des officiers et conseillers, étaient presque tous dans les intérêts de Madame de Nemours, avaient prémédité cette entreprise. Ils devaient être soutenus par les habitants du Val-de-Ruz, comme aussi par ceux de la châtelainie de Thielle et de la baronnie du Landeron, qui, à la réserve d'un petit nombre, avaient aussi épousé le parti de Madame de Nemours. L'arrivée de M. de Gombault fit que ce dessein alla en fumée, M. dame de Nemours ayant été obligée d'acquiescer aux ordres de S. M., puisque d'abord après qu'elle eût lu la lettre, elle déclara qu'elle était prête d'obéir au roi et qu'elle perdrait plutôt dix comtés que de le désobliger; seulement souhaitait-elle qu'on n'usât d'aucune violence à l'égard de ses affidés et qu'on ne les Elle recommaltraitât pas pour avoir épousé son parti. M. de Gombault lui fit 'mande qu'on espérer qu'on lui accorderait ce qu'elle demandait; il excepta seu- violence envers lement les assassins de M. le marquis de St-Micault, pour lesquels ses affidés. il n'y aurait aucune grâce à prétendre. La princesse répondit d'abord au roi pour lui témoigner sa sou- La princesse mission à ses ordres et pour l'informer des mauvais traitements qu'on lui avait faits à Neuchâtel. Elle envoya la lettre par un courrier, nommé M. de la Tour, qui passa par Bâle et qui devait la porter au roi à Stenay, au devant Mæstricht.

n'use d'aucune

écrit d'abord au roi.

aussi comprendre M. de Mollondin.

Madame de Nemours voulait aussi comprendre M. de Mollondin Elle voulait dans la recommandation qu'elle faisait pour ses affidés; mais M. de Gombault représenta à la princesse que n'ayant eu ordre du roi que pour le rétablissement de ce qui pouvait s'être fait depuis qu'elle était arrivée en Suisse, il ne pouvait pas s'occuper du bannissement du dit sieur de Mollondin, le jugement ayant été rendu longtemps auparavant.

de Neuchâtel

de Nemours.

La bourgeoisie de Neuchâtel ayant appris que Madame de Nemours La bourgeoisie était sur son départ, lui envoya une députation, le 17/27 mai, pour envoye une déla complimenter avant qu'elle partit. Il y avait environ seize cava- putation à Mad. liers. Cette députation fut très bien reçue de cette princesse qui témoigna d'en être fort satisfaite. Le départ de Madame de Nemours Son départ de eut lieu le 30 mai par un mardi. Elle alla par eau jusqu'à Cerlier et de là à Arberg pour prendre la grande route, d'où elle traversa le pays de Vaud et passa à Lyon. Là elle reçut encore une lettre Elle reçoit une du roi qui contenait ce qui suit :

Ma cousine, j'ai reçu la lettre que vous m'avez écrite par ce gentilhomme, et celle que vous avez encore adressée à M. de Pompone, dont j'ai été fort satisfait voyant votre déférence à ce que j'ai désiré, qui n'a pour but que votre

la Suisse.

seconde lettre du roi.

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