1673 ma bienveillance et que j'aurai un particulier souvenir des preuves de fidélité que vous me rendrez dans cette occasion. Votre bonne amie MARIE D'ORLÉANS. la Ville de Neufchatel. Mad. de Ne- Le gentilhomme de Madame de Nemours, porteur de cette lettre, mours demande avait ordre de demander au gouverneur un logement pour elle au logement au château. château et passage dans la ville, pour y poursuivre ses affaires, conformément au passeport que le roi lui avait donné. Mais le gouLe conseil de verneur d'Affry refusa sa demande, et le conseil de ville lui déclara ville s'abstient de répondre à aussi qu'il n'avait point de réponse à lui donner. Ce gentilhomme sa lettre. était arrivé à Neuchâtel le 22 avril style ancien. Son arrivée à Madame de Nemours arriva le 23 à Morat, où le dit gentilhomme Morat. l'alla voir et d'où la princesse le renvoya avec une seconde lettre au conseil de ville, qui ayant refusé de faire réponse, avait indigné la princesse. Voici cette seconde lettre : Chers et amés, Seconde lettre J'ai appris avec étonnement le peu de respect que le conseil a témoigné pour de Mad. de moi, en la manière dont il a vu mes lettres, et je suis surprise aussi que l'on Nemours au conseil de ville allegue l'intérêt de Monsieur mon frère pour l'opposer à mes prétentions, moi de Neuchâtel. de qui la tendresse pour lui a paru à loute la terre, et qui ai été la seule de tous ses parents à s'opposer qu'on voulût le dépouiller, et qui n'ai de préten- Votre bonne amie MARIE D'ORLÉANS. 4 mai Lettre de Mad. Le lendemain de cette lettre, Madame de Nemours écrivit à LL. de Nemours å EE. de Berne, en ces termes : Magnifiques et puissans seigneurs, blié dans les des tentatives mours justifier, leur ont envoyé une copie de la procédure instruite, par eux faite, je 1673 crois qu'elle aura produit un effet tout contraire, et qu'elle aura encore fait voir à VV. EE. combien est étrange et odieuse leur conduite, je vous ferai voir par ces mémoires que j'ai fait pour justifier mon droit qui sans doute paraitra très juste à VV. EE., mais cependant je les prie de n'ajouter point de foi à ce qui pourrait leur être dit au contraire et d'être persuadées de la sincérité de tout ce que je leur dirai, et surtout des protestations que je fais d’être, etc. *) Le gouverneur et le conseil d'Etat désirant de calmer les troubles qu'il y avait dans le pays, firent publier le mandement qui suit, daté du 25 avril : Le gouverneur et lieutenant-général en la souveraineté de Neufchâtel et Va- Mandement pulengin. comtés au sujet Au maire de Neufchâtel ou à son lieutenant, salut. perturbatrices Ayant été informés que l'on fait semer divers bruits préjudiciables à S. A. S. de Madu de NeMadame et Monseigneur notre souverain prince, et que l'on en publie d'autres à l'avantage de Madame de Nemours, pour tâcher de troubler le repos de cet Etat et le jeter dans des confusions qui pourraient altérer son bonheur; ayant d'ailleurs appris que quelques personnes entretiennent des correspondances avec ceux qui sont dans les intérêts de Madame de Nemours, et qui s'efforcent de faire des cabales pour brouiller l'Etat, nous avons jugé à propos pour prévenir les funestes suites que cette licence pourrait avoir, d'y apporter les remèdes convenables. C'est pourquoi, par l'avis des gens du conseil d'Etat, nous faisons défenses très expresses à toutes personnes, de quelle qualité qu'elles soyent, de tenir aucuns discours qui puissent étre contraires aux droits de S. A. S. Madame ni à ceux de Monseigneur notre souverain prince, et de ne souffrir pas qu'on en tienne en leur présence qui puissent leur être préjudiciables, ni à la sentence que Messieurs des Trois-Etats ont rendue en leur faveur contre Madame de Nemours et son procureur, à peine d'être punis comme perturbateurs du repos public et criminels de lèze-majesté. Semblablement nous défendons à toutes sortes de personnes d'entretenir aucune correspondence ni commerce avec Madame de Nemours, ses agents et adhérents, soit directement ou indirectement, par lettres ou autrement, à peine d'être punis semblablement comme perturbateurs du repos public et criminels de lèze-majesté. Noas enjoignons, au reste, à tous les sujets de S. A. S. et habitants de cette Souveraineté de tâcher de découvrir ceux qui sément ces bruits, qui tiennent ces discours, qui entretiennent ces correspondances et qui font ces cabales, leur ordonnant de nous en avertir promptement, à peine d'être punis eux-mêmes comme complices et adhérents de ces séditieux, etc. Donné le 25 avril 1673. Ce mandement élait particulièrement donné à l'occasion de ce Raisons pour qu'après l'arrivée de Madame de Nemours à Morat un grand nom- lesquelles on fit ce mandement. bre de personnes allant voir cette princesse, en étaient reçues avec tout l'accueil possible (**); la princesse s'entretenait familièrement Accueil que la duchesse de Neavec elles, et même avec les plus petits, tellement qu'en revenant mours faisait à ceux qui allaient la voir. (*) Cette lettre est signée ,votre très affectionnées sans y ajouter servante, comme dans la précédente page 188. (**) C'était le capitaine Tribolet, déposé d'une mairie pour s'être déclaré hautement pour elle, qui était l'introducteur et qui faisait les honneurs de la maison. ANNALES DE BOYVE. TOME IV, 13 . Mad. de Nemours se rend à la Neuveville 1673 dans le comté, elles racontaient la manière avec laquelle la princesse les avait accueillies et leur avait parlé de ses droits et de ses bonnes intentions pour le pays; ce qui lui attirait les cæurs de tous ceux qui l'entendaient, du moins de ceux qui ne connaissaient pas l'intérêt de l'Etat et de la souveraineté, et qui prenaient parti sui vant leur penchant. Précautions du Le gouverneur appréhendant que Madame de Nemours ne vînt à gouverneur. Neuchâtel et qu'elle n'y fût reçue des peuples, donna les ordres nécessaires pour que la milice du pays fùt prête à marcher au cas qu'on entreprît quelque chose par la force. Il fit aussi tenir des bateaux prêts, dont les rives du lac furert bordées. On défendit même à tous les bateliers, sous peine d'être punis, de distraire leurs bateaux, afin que les amis de Madame de Nemours ne pussent pas s'en servir pour aller auprès d'elle à Morat, et qu'au contraire le magistrat pût s'en rendre maître dans le besoin; on envoya même toutes les nuits des bateaux pour croiser et reconnaître si la princesse ne venait point. Cette princesse voyant par ces arrangements pris qu'il ne lui était pas possible d'entrer à Neuchâtel par le lac, comme elle en accompagnée avait le dessein, cela l'obligea à prendre une autre route, et croyant d'une suite nombreuse. que le Landeron était plus propre pour y passer sûrement, parce que M. de Mollondin y avait beaucoup d'amis, elle partit de Morat le dimanche 27 avril style ancien, et elle alla coucher à Arberg (*), et dès là, le lendemain 28, elle arriva à la Neuveville. Elle avait environ huitante personnes à sa suite, savoir, six gentilshommes, dont les plus considérables étaient MM. de la Martinière, de St-Cyr et Baron, son maître d'hôtel; elle avait environ douze dames; les autres étaient des officiers, des domestiques et des valets. Elle logea à la Neuveville dans la maison de M. de Gleresse, châtelain du lieu, et sa suite qui ne put y loger remplit les cabarels et quelques mai sons des particuliers. M. Micault fait Le gouverneur d'Affry envoya M. de St-Micault au Landeron pour deron par des se saisir des passages, afin d'empêcher la princesse d'entrer dans le troupes. comté. On mit environ douze-cents hommes sous les armes, dont la plupart furent placés au Landeron; on en mit aussi quelques-uns à Lignières et d'autres à Chusfort, afin de tenir tous les passages par lesquels Madame de Nemours pouvait pénétrer dans l'Etat. Rigueurs de M. Le 29 avril, M. le marquis de St-Micault étant au Landeron, se St-Micault. saisit du sieur Pierre Lahire, lieutenant de St-Blaise, qui y commandait une compagnie de cent hommes, et auquel il ne se confiait point, parce qu'il était bon ami de M. de Mollondin. Il avait dessein de lui faire son procès; mais les soldats de M. de Lahire s'étant saisis d'un jeune gentilhomme qui était à la suite du dit marquis, (*) On croit que c'était pour cacher son dessein. se rend au Lan deron. mours gagne les cours. il fallut, pour le retirer d'entre leurs mains, leur rendre leur capi- 1673 taine. M. le marquis voulant user de rigueur, menaçait de mettre tout en feu au cas qu'on ne se déportât de Madame de Nemours, et s'étant même saisi des clefs du four du Landeron, où les femmes avaient leurs pains, cela les mit de telle mauvaise humeur contre lui qu'il fut assassiné au milieu du bourg du Landeron par les amis nl est tué par de la duchesse, ayant reçu deux coups de pistolet sans qu'on pût de la duchesse. découvrir pour lors l'auteur de cet assassinat, quelque inquisition qu'on fit pour cela. Cette mort affligea extrêmement les affidés de Madame de Longueville qui craignaient qu'elle n'eût des suites très fâcheuses; mais ceux de Madame de Nemours, au contraire, en témoignèrent de la joie. Le lendemain, M. le gouverneur d'Affry et le conseil d'Etat se Le gouverneur rendirent au Landeron et firent ensevelir honorablement M. de StMicault dans la chapelle de Cressier. Son cæur fut envoyé à Dijon, où il fut inhumé dans le grand temple de cette ville. Pendant le séjour, de Madame de Nemours à la Neuveville, elle Mad. de Ney gagnait les cæurs de tous ceux qui l'abordaient, comme elle avait fait à Morat. Elle avait si peu douté du succès de l'entreprise sur le Landeron, suivant les espérances que lui avaient données M. de Mollondin, qu'elle ne doutait pas qu'en cas de besoin les communautés du Val-de-Ruz ne lui fournissent des troupes pour forcer celles qui pourraient s'opposer à son passage. Ce fut dans cette espérance qu'elle leur fit écrire en souveraine le 10 mai, deux jours après l'assassinat. Voici ce que portait celte lettre : Son Altesse sérénissime Madame la duchesse de Nemours, fille de votre sou- Lettre de Mad. verain prince, aux Communautés du Val-de-Ruz, salut. Savoir faisons qu'ayant appris que vous devez vous assembler demain onzième du Val-de-Ruz. du présent (style nouveau), j'ai voulu vous donner avis du dessein que j'ai d'aller à Neufchâtel, et comme on m'a avertie que les chemins sont occupés par des troupes qu’on dit vouloir s'opposer à mon passage, je vous ai fait la présente pour vous dire que vous ayez à m'envoyer en ce lieu de la Neuveville des députés auxquels je donnerai les ordres nécessaires pour la conduite de ma personne, espérant que vous ne manquerez point à me rendre vos devoirs et les honneurs que j'ai reçus des communautés même étrangères où j'ai passé. Fait ce 10 mai 1673. (Signé) MARIE D'ORLÉANS. M. de Mollondin entretenait de nombreuses correspondances, entre Lettre d'une autres pour gagner les officiers. Il paraît que pour ceux du comté châtel que M. de Valangin il se servait d'une dame de Neuchâtel, qui, incontinent de Mollondin après l'assassinat de M. de St-Micault, lui rendait compte de sa né- employe pour Madde gociation, par une lettre où elle appelle M. de Mollondin Monseigneur le gouverneur. Voici cette lettre : Monseigneur. Je demande pardon à Votre Grandeur si je prends la liberté de tracer ces mots par lesquels vous saurez que j'ai parlé à tous les principaux de la comté de Valangin, auxquels j'ai dit s'ils ne voulaient pas maintenir leur parole, touchant la promesse qu'ils m'avaient faite, et en même temps les ai de Nemours aux communautés dame de Neu mours, 1673 informés de la bonté et générosité que cette illustre princesse avait pour eux. Ils m'ont juré qu'ils ne manqueraient jamais d'être fidèles et qu'ils ne reconnaîtraient jamais d'autre personne que ceux de l'illustre maison d'Orléans. Monseigneur, je n'oublierai pas de vous dire que j'ai écrit au maire Robert de la belle manière, ne sachant pas l'effet que ma lettre produira. La mort de St-Micault a bien affligé ceux du château, particulièrement David qui est inconsolable et qui se fond en larmes. Le maire dit qu'il voudrait être mort six fois pour lui. Pour moi je n'en ai fait que rire, car en toutes choses il faut un commencement, et je souhaite qu'il eût encore ce que je dirais avec. J'attends réponse des lettres et je me donnerai l'honneur de vous aller voir. Je demeure avec respect, Monseigneur, votre très humble et très obéissante ser vante vant. Estiennette Guainié (*). Députation à Le gouverneur et le conseil d'Etat voulant prendre des précauDijon pour voir tions sur les bruits que Madame de Nemours et ses adhérents pusi l'abbé d'OrVéans était vi bliaient que M. l'abbé d'Orléans était mort dans un couvent, et qu'on cachait cette mort, députèrent plusieurs personnes pour aller jusqu'à Dijon, où il était pour lors. La seigneurie en envoya deux; la compagnie des pasteurs nomma M. Girard, pasteur de Neuchâtel ; le conseil de ville en députa quatre, et la bourgeoisie de Valangin deux, qui partirent le 1er mai, et qui, étant de retour le 11 du dit Déclaration de mois, déclarèrent par serment d'avoir vu le dit seigneur abbé qui, la députation. à la vérité, était dans la démence, mais qu'il se portait bien à l'égard du corps. On aurait souhaité de l'amener à Neuchâtel, ce qui aurait calmé les esprits, mais cela fut impossible à cause de l'état fâcheux où il se trouvait par rapport à sa démence. Ces députés assurèrent qu'ils avaient fait tous leurs efforts pour parler à ce prince, mais qu'ils n'avaient pas pu s'en approcher plus près que de quinze à vingt pas, qu'ils l'avaient vu se promener dans un jardin; que M. de Fontenay, qui l'avait en sa garde, ne leur avait pas voulu permettre de l'aborder, mais qu'ils l'avaient bien reconnu et que c'était lui véritablement; qu'on ne leur avait même permis de le voir à table qu'à travers un trou qu'il y avait à la porte de la chambre où il était, etc. Doutes de la Les affidés de Madame de Nemours ne furent pas contents de ce part des affidés témoignage, disant qu'on ne pouvait pas bien reconnaître un homme de Mad. de Nemours sur la de si loin, et surtout qu'il y avait cinq ans qu'il avait été à Neudemence de châtel où les députés l'avaient vu, et qu'il avait bien pu changer dès l'abbé d'Orléans. lors; qu'on pouvait se méprendre et que si c'était véritablement l'abbé d'Orléans, on n'aurait pas fait de difficulté de permettre qu'on l'abordât, et qu’ainsi cela était fort suspect et qu'on avait dessein de les tromper; que c'était un homme supposé, et autres choses semblables. Plusieurs croyant que ce prince était mort, puisqu'on n'avait aucune nouvelle de sa personne ni du lieu de sa demeure, et que (*) Ce nom doit sans doute être celui de GUYENET. |