Page images
PDF
EPUB

usances écrites et non écrites, dont les sujets ont accoutumé de 1672 jouir, etc.

de Mad. de Nemours vont se

Berne, et prient
LL. EE. d'être

Après que ces sentences eurent été rendues, les sieurs de Mol- Les procureurs londin et de la Martinière allèrent à Berne pour se plaindre à LL. EE., au nom de Madame de Nemours, du jugement que les Trois- plaindre à Etats de Neuchâtel avaient rendu contre elle. Ils prièrent LL. EE. de vouloir être juges de ce différend et de décider de la compé- juges de la comtence des Trois-Etats de Neuchâtel, puisque les difficultés qui surviennent entre le prince et les sujets leur appartiennent en vertu des alliances.

pétence des

Trois-Etats.

LL. EE.

LL. EE. répondirent qu'ils ne pouvaient juger que des différends Réponse de qui se suscitaient entre le prince et la bourgeoisie de Neuchâtel; qu'ils en écriraient au conseil de ville pour savoir quelle part ils avaient dans cette affaire, et que si la ville prenait le prince à partie dans cette occasion, ce serait à voir, etc.

cette

vent au conseil d'Etat et à la

LL. EE. écrivirent en conséquence pour ce sujet deux lettres, LL. EE. écril'une au conseil d'Etat datée du 29 novembre, qui renvoya affaire à Madame de Longueville comme très importante. Cette prin- ville pour une cesse fit une réponse à LL. EE. datée du 20 janvier 1673, et LL. EE. écrivirent une autre lettre, datée du 29 novembre, au conseil de ville, qui leur fit une réponse datée du 14 décembre 1672, qui contient :

Magnifiques et puissants seigneurs,

conférence.

châtel à LL.

Ayant considéré la lettre que VV. EE. nous ont écrite le 29 novembre passé, Teneur de la nous avons jugé à propos de les remercier très humblement de la part qu'il réponse que fit leur a plu nous donner de la proposition que le sieur de Mollondin leur a faite. la ville de NeuNous nous contenterons d'assurer VV. EE. que les Trois-Etats, depuis la Ré- EE. de Berne. formation de la religion, ont toujours exercé la justice souverainement et en dernier ressort dans cette souveraineté; qu'ils y font même les loix, les éclaircissent et les changent; que jamais il n'est arrivé aucune conteste pour la succession de ce comté qu'on ne se soit adressé à eux, comme aux juges compétents, pour en obtenir la possession et l'investiture, et que leur compétence s'étend à toutes controverses, à la réserve de celles qui surviennent entre le prince et la ville de Neufchâtel, lesquelles doivent se porter par devant VV. EE., suivant qu'ils en sont convenus expressément par la combourgeoise qu'ils ont prise avec nous. Et puisque VV. EE., suivant l'intention favorable qu'elles ont toujours fait paraître pour ce qui nous touche, ont bien voulu nous demander quel intérêt nous y pouvons avoir en ce rencontre, nous leur dirons franchement que c'est le bonheur de la tranquillité de cet état et la conservation de nos franchises. Nous sommes persuadés que la bonté de VV. EE. ne nous fera nullement douter qu'elles ne contribuent à affermir notre félicité en éloignant par leur sagesse ordinaire toutes choses qui la pourraient ébranler; c'est la faveur que nous vous supplions de nous faire en ce rencontre, dans l'assurance que vous êtes nos meilleurs voisins et perpétuels bourgeois, auxquels réciproquement nous ne manquerons jamais de témoigner en toutes les rencontres qui se présenteront, que nous sommes et serons à jamais en toute sincérité, etc., etc.

Madame de Nemours écrivit aussi, de son côté, une lettre à LL. EE. de Berne, en date du 12 décembre, qui contenait ce qui suit:

1672

Berne.

Magnifiques et puissants seigneurs,

Lettre de Mad. Quoique vous ayez appris par le sieur de Mollondin que j'ai envoyé à VV. de Nemours à EE. l'action qui s'est passée le 17/27 octobre dernier dans l'assemblée des préLL. EE. de tendus Etats de Neufchâtel, j'ai cru néanmoins être obligée d'en informer moimême VV. EE. Je ne doute pas qu'elles n'ayent été fort surprises d'apprendre que des sujets ayent osé prétendre juger des droits de la souveraineté qui est contestée entre Madame ma belle-mère et moi. Mais l'étonnement doit avoir été bien plus grand quand VV. EE. auront su que dans cette occasion on a violé en ma personne le droit des gens et toutes sortes de loix. Les envoyés de ma belle-mère qui n'y devaient assister qu'en qualité de parties ont eu la témérité d'en être les juges, et se sont rendus les maîtres de ces Etats avec une autorité si absolue qu'ils les ont contraints de rendre un jugement qu'on peut appeler l'ouvrage de l'iniquité; puisqu'après avoir voulu inciter le peuple d'attenter à la personne du dit sieur de Mollondin, porteur de ma procuration, et des officiers que j'y ai envoyés, outragé des personnes de cette qualité des injures les plus atroces et les avoir détenus prisonniers pendant un long temps, leur prononcèrent enfin ce jugement le plus informe qui fût jamais, par lequel nonseulement ils ont décidé une si importante question nonobstant l'incompétence proposée, mais pour consommer l'injustice, ils ont condamné le dit sieur de Mollondin à un bannissement et déclaré ses biens confisqués à la seigneurie. C'est une injure qui blesse les intérêts de tous les souverains, et qui regarde VV. EE. dont on a violé la combourgeoisie. Je ne doute pas que VV. EE. ne rendent la justice d'un tort si considérable qui est fait.

Mad. de Ne

le même ton aux trois autres cantons.

Magnifiques et puissants seigneurs, Votre très humble et affectionnée servante
MARIE D'ORLEANS.

A Paris, ce 12 décembre 1672.

Le même jour Madame de Nemours écrivit à peu près les mêmes mours écrit sur choses aux autres cantons alliés, et comme ces lettres devaient être indubitablement vues, il est inconcevable qu'un homme qui n'a pas perdu le sens commun puisse avoir persuadé à Madame de Nemours d'écrire des choses si contraires à la vérité, à la raison et aux maximes les plus certaines.

Réflexion sur ces lettres de Mad. de Nemours.

1673

En effet, y eût-il jamais de suppositions plus hardies et moins vraisemblables que d'écrire, comme on a fait, que les sieurs de Fontenay et David, procureurs de Madame de Longueville, aient été juges du différend qu'elle avait avec Madame de Nemours; qu'au milieu d'une ville deux hommes aient forcé les Etats de rendre un jugement que ces lettres appellent la consommation de l'injustice, et que ces deux personnes qui venaient d'obtenir par ce jugement tout ce qu'ils pouvaient prétendre, aient eu la pensée de faire assassiner ceux que Madame de Nemours y avait envoyés? Est-ce les détenir prisonniers que d'arrêter l'un d'eux une heure dans sa maison pour lui prononcer son arrêt ?

M. de Mollondin ayant sollicité LL. EE. de Berne à demander une conférence à la ville de Neuchâtel pour faire quelque essai d'accommodement et pour tâcher de terminer le différend que les deux princesses avaient, LL. EE. instèrent par deux fois pour ce sujet,

témoignant qu'ils souhaitaient que cela se fit à Berne, et au milieu -1673 du mois d'avril. Mais le conseil de ville ne voulut pas accepter Le conseil de ville rejette la cette proposition pour bien des raisons, et surtout parce qu'un tel conférence proaccommodement aurait fait une brêche à l'autorité souveraine et à posée par LL, la sentence des Trois-Etats.

Voici la copie de la lettre que Madame de Longueville écrivit à LL. EE. de Berne le 20 janvier 1673, servant de réponse à la leur du 20 novembre précédent dont on a fait mention ci-dessus :

Magnifiques et puissants seigneurs,

EE. de Berne.

à LL. EE. de

Berne, en ré

ponse à la leur.

Etats.

Le gouverneur et les gens de mon conseil d'Etat établi à Neufchâtel, m'ayant Lettre de Mad. envoyé la lettre que VV. EE. leur ont écrite le 20 novembre dernier, et m'en de Longueville ayant déféré la réponse, j'ai trouvé qu'ils ont agi prudemment de ne s'être pas engagés de la donner eux-mêmes, sur une affaire de si grand poids, qui ne les concerne pas et qui regarde directement Mr. le duc de Longueville, leur prince souverain, mon fils. Son contenu m'a paru d'abord à moi-même de si haute importance, que j'étais sur le point de ne faire aucune réponse à VV. EE. sans en prendre auparavant l'avis des parents de mon fils; mais ayant depuis considéré de plus près votre lettre, j'ai cru qu'il leur serait difficile de me le donner solidement, avant que de savoir plus particulièrement vos sentiments; j'ai même cru que je n'aurais pas besoin de le leur demander si VV. EE. étaient une fois mieux informées, et s'il leur plaisait de considérer que de tous les différends qui surviennent dans les terres de la souveraineté de Neufchâtel, encore que le prince et le souverain soient parties, la connaissance et le jugement La princesse en dernier ressort appartient aux Trois-Etats qui sont composés de personnes soutient la comdu pays auxquelles les princes ont déposé l'exercice de la justice souveraine. pétence des Que si l'on ne porte pas devant eux les controverses qui naissent entre le prince et la ville de Neufchâtel, et si en ce cas on s'en rapporte au jugement de VV. EE., ce n'est qu'en conséquence d'une disposition portée dans le traité d'alliance et de combourgeoisie fait avec vous, laquelle disposition ne doit être entendue au delà de ce qu'elle contient ni à l'égard d'autres personnes ou parties que ce qu'elle mentionne, que toutes les fois qu'il a été question de l'investiture et possession de la principauté de Neufchâtel, les prétendants se sont toujours adressés aux Trois-Etats du pays, comme aux juges compétents; et que VV. EE. veuillent davantage prêter l'oreille aux propositions qui leur sont faites par des personnes qui abusent du nom de Madame la duchesse de Nemours. Les termes dans lesquels votre lettre est conçue marquent assez que si la civilité ne vous a pas permis de refuser de l'écouter, le désir que vous avez de ne rien entreprendre au delà du contenu de nos alliances et traités de combourgeoisie vous a engagés de souhaiter quelque information de ce dont il s'agissait, pour connaître si la matière était de celles qu'on a consenti par les traités être remises au jugement et à l'arbitrage de VV. EE. J'espère que VV. EE. ayant cette information par ce que je viens de leur représenter, qu'elles ne penseront autre chose, sinon de témoigner en ce rencontre, à l'exemple de leurs louables prédécesseurs, qu'elles n'ont pas moins d'affection pour la conservation des droits de mon fils que leurs ancêtres en ont autrefois fait paraître en faveur de ceux qui avaient été comme lui admis en la possession et investiture de la Principauté, par la suprême juridiction du pays. La créance que j'ai que VV. EE. sont dans cette bonne et équitable disposition m'obligeait (quoique mon fils ait plusieurs autres alliés en qui il a une entière confiance) de m'adresser premièrement et principalement à VV. EE. (comme à des confédérés avec qui il y a une alliance plus étroite), si j'avais besoin d'assistance contre

1673

Comment la

appartient au

ville.

ceux qui cherchent à le troubler dans la possession d'un bien qui lui a été légitimement adjugé et qui lui appartient incontestablement par la coutume observée aux successions de l'Etat, par son affectation aux mâles à l'exclusion des souveraineté filles leurs sœurs, par la renonciation faite par Madame la duchesse de Nemours duc de Longue- aux successions de ses père et frères, moyennant la somme de 500,000 livres tournoises qu'elle a touchées, et surtout par la stipulation expresse de reversion de cette principauté à mon fils, lorsqu'en l'année 1668 il la donna volontairement à feu le duc de Longueville, son frère, à condition de retour à lui en cas que le donataire décédât sans enfants nés en légitime mariage; ce qui fut aussi accepté par le donataire et agréé par les Trois-Etats du pays, et l'installation en possession et investiture accordée à cette condition par des actes signés même de la main du sieur Mollondin, qui maintenant sollicite VV. EE. contre son propre fait en faveur de Madame la duchesse de Nemours, sous le vain prétexte d'une prétendue institution d'héritier, laquelle, quand elle serait autant authentique qu'elle est informe et irrégulière, ne pourrait s'étendre à la succession de Neufchâtel, dont la reversion stipulée et acceptée ôtait à Mr. de Longueville toute liberté et faculté d'en disposer au préjudice de son frère et donateur qui, par le moyen de cette reversion, demeure successeur de feu son frère à la Principauté de Neufchâtel, encore même qu'il n'en fût pas l'héritier et que Madame de Nemours eût été instituée héritière comme elle le prétend, toutefois avec si peu de fondement que nonobstant tout ce que ses agents ont mis en avani pour appuyer sa mauvaise cause, son frère demeure en possession des biens de la succession assis en France, à l'égard desquels il n'avait pas l'avantage de la stipulation d'une reversion.

Conseil de M. de Mollondin à Mad. de Ne

mours.

Au reste, si contre ce que je me promets et que je dois attendre de la sagesse de VV. EE., elles pouvaient être artificieusement surprises jusques à ce point que d'être portées à des engagements contraires aux droits manifestes de mon fils, par la sollicitation et menées de ceux qui, ayant en vain et à leur confusion tâcher de troubler ses Etats, seraient ravis de les brouiller avec leurs plus intimes amis et alliés, je ne pourrais moins faire dans une telle occasion et pour ne manquer aux soins que je dois aux choses de cette importance, que de recourir aux avis de Messieurs les parents de mon fils, après que j'aurais été plus positivement informée de vos intentions, afin qu'après les avoir connues, eux et moi soyons mieux en état de prendre des résolutions conformes à la justice et au mérite de l'affaire.

En attendant votre réponse là-dessus, je prie VV. EE. d'être assurées que de mon côté je satisferai ponctuellement et inviolablement à toutes les choses auxquelles notre commune alliance m'oblige, ne doutant point que VV. EE., de leur côté, ne correspondent avec la même affection qu'elles ont témoignée jusques à présent, afin de perpétuer, par ces mutuels devoirs, un bon voisinage et une parfaite intelligence, laquelle je cultiverai avec tous les soins possibles, pour faire paraître avec combien de sincérité je suis, magnifiques et puissants seigneurs, votre bonne voisine, alliée et confédérée, à vous faire service.

A Paris, le 20 janvier 1673.

(Signé) ANNE-Geneviève de Bourbon.

M. de Mollondin ayant persuadé à Madame la duchesse de Nemours qu'il avait préparé les esprits en sa faveur, et qu'elle n'avait qu'à se rendre en Suisse, pour prendre la possession des comtés, cette princesse alla demander congé au roi pour faire ce voyage, afin, lui dit-elle, d'y faire valoir ses droits par les voies de la justice. S. M. lui ayant accordé ce congé avec un passeport qui la recom

mandait en tous lieux avec ordre de la favoriser et de la laisser passer paisiblement, elle partit de Paris au commencement du mois d'avril et prit le chemin de Lyon.

1673 Mad. de Ne

mours vient en Suisse.

Madame de Longueville ayant eu avis des cabales et des distributions d'argent que M. de Mollondin faisait répandre par ses émissaires, pour porter les peuples à la révolte et rendre Madame de Nemours maîtresse de l'Etat, consulta M. le prince de Condé, son frère, sur ce qu'il y avait à faire dans ces circonstances. Il lui conseilla d'envoyer à Neuchâtel M. le marquis de St-Micault, gouver- MM. de St-Mineur du château de Dijon, gentilhomme fort sage et de grande cault, David et expérience, et avec lui le sieur Henri David, secrétaire de ses voyés à Neucommandements, qui n'était de retour que depuis un mois, accom- de Longueville. pagnés en outre de M. Akakia, maître des requêtes. Leur ordre portait de se tenir sur la défensive et d'empêcher seulement que Madame de Nemours n'entrât dans les Etats, et d'y maintenir tout le monde dans le devoir.

Akakia, en

châtel par Mad.

sont reçus.

lls arrivèrent à Neuchâtel le 29 avril. On leur alla au devant Comment ils avec les armes; quelques compagnies allèrent jusqu'à Couldré et d'autres jusqu'à Peseux, au nombre d'environ mille hommes, qui leur firent la salve. Dès que le marquis de St-Micault fut arrivé, il représenta aux peuples que S. A. Monseigneur se portait bien, qu'on le verrait bientôt en ce pays, qu'on devait s'assurer de sa bienveillance et de celle de Madame sa mère; que bien loin de nous molester, on voulait au contraire nous faire du bien. Il ajouta même : Monsieur le prince de Condé vous salue," ce qui faisait voir qu'il venait à Neuchâtel par ses ordres. Outre cette douceur dont il usait pour attirer les peuples, il était aussi fort sévère à l'égard de ceux qui refusaient de se soumettre.

Madame de Nemours étant en chemin, envoya une lettre au con- Lettre de Mad. seil de ville par un sien gentilhomme; elle contenait ce qui suit :

Chers et amés,

J'ai bien voulu vous apprendre ma venue en Suisse au sujet de mes prétentions, lesquelles, quoique très justes, sont néanmoins extrêmement traversées par quelques malintentionnés. Votre attachement inviolable pour moi et ma maison m'est connu, et il ne vous a sans doute pas permis d'approuver de si étranges entreprises. Je suis persuadée que vous n'avez pas oublié les bienfaits de mes ancêtres. Aussi veux-je vous assurer de mes dispositions au bien et avantage de votre bourgeoisie et de tout le pays en général, dont je vous donnerai des preuves dans la suite des fidèles services que vous me rendrez. Quant aux intérêts de Monsieur mon frère, ne doutez pas qu'ils ne me soyent chers, et plût à Dieu qu'il fût en état de profiter de la tendresse de mes sentiments. Mais ce qui vous est connu du passé et que vous apprendrez ci-après, vous fera connaître que ceux qui s'opposent à mes intentions cherchent leur bien et non pas le sien, et couvrent de son nom la poursuite de leurs propres intérêts. Vous saurez le reste lorsque je serai plus près de vous. Cependant soyez assurés de

de Nemours au conseil de ville de Neuchâtel.

« PreviousContinue »