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1672

procureur-général, se présenta devant ce souverain tribunal, et ayant fait faire lecture de la procuration que S. A. S. Madame de Longueville, comme tutrice et curatrice de M. l'abbé d'Orléans, son fils, lui avait donnée, exposa que lorsque le dit son fils, comme aîné, Son exposition. avait succédé à son père, Henri II, au comté de Neuchâtel et Valangin et à tous les biens qui en dépendent, en vertu de la coutume immémoriale observée dans la succession au dit comté, par laquelle les mâles ont été perpétuellement préférés aux filles et les aînés à leurs cadets, sans qu'ils y aient jamais eu aucune part pendant les trois dernières familles qui ont régné sur Neuchâtel, et ce prince en ayant fait don, le 11 mars 1668, à M. le comte de StPol, son frère, sous cette condition que la mort du dit seigneur donataire arrivant sans enfants, les dites choses données lui retourneraient de plein droit, tellement que par la mort du dit seigneur donataire arrivée le 2/12 juin dernier, les dits biens lui devaient retourner entièrement, tant en vertu de la dite réserve que de la coutume qui doit servir de loi inviolable pour les successions de l'Etat, il demandait, au nom du dit seigneur abbé d'Orléans, d'être П demande la mis en possession du comté de Neuchâtel et seigneurie de Valangin et de toutes leurs appartenances et dépendances.

Sur quoi M. de la Martinière, écuyer, assisté de MM. de Mollondin et Greder, son beau-frère, ayant paru au nom de S. A. S. Madame la duchesse de Nemours, fit faire lecture du testament qu'avait fait M. le comte de St-Pol, duc de Longueville, en date du 11 avril 1672, aussi rapporté ci-devant, et enfin il requit que lecture fut faite d'un écrit qu'il présenta et qui contenait ce qui suit:

mise en possession du comté.

Comparution du
Mad. de Ne-
Lecture de sa
restraint du

procureur de

du

mours.

comte de St

Pol.

Se présente le sieur Jean de la Martinière qui, en qualité de procureur établi de Mad. la duchesse de Nemours, propose: Que Dieu ayant retiré à soi M. Charles-Paris d'Orléans, due de Longueville, souverain des comtés de Neufchâtel et Valangin, son frère, la dite duchesse lui a donné charge avec regret de représenter que M. l'abbé d'Orléans ne pouvant avoir l'administration des Etats souverains de Neufchâtel et Valangin, pour être aliéné d'esprit, interdit et par conséquent incapable de posséder une souveraineté, comme l'a reconnu M. le duc de Longueville, son frère, par son testament du 11 avril dernier, dans lequel il déclare Mad. de Nemours, sa sœur, son héritière, sans faire aucune mention du dit seigneur abbé, le réputant par cette aliénation d'esprit comme II soutient que n'étant plus au monde, les dits Etats souverains sont dévolus à Mad. de Ne- la souveraineté mours, sa sœur, son héritière par le droit du sang qui l'y appelle, restant seule est dévolue à issue de la sérénissime maison de Longueville et par conséquent la plus habile à succéder à cette principauté; et a ordre de Ma dite Dame d'en venir prendre la possession et ensuite l'investiture, dans le désir qu'elle a de continuer à ces états, sous sa domination, les douceurs dont ils ont joui pendant les heureux règnes de ses glorieux prédécesseurs, sans qu'il y ait lieu d'hésiter au sujet de la renonciation que la dite dame duchesse de Nemours peut avoir faite, laquelle n'étant qu'en faveur de MM. ses frères, ne lui préjudicie en façon que ce soit à présent, ni des actes que mon dit seigneur abbé peut avoir passés, qui sont nuls et de nul effet par l'état d'interdiction auquel il se rencontre, ni même des ANNALES DE BOYVE. TOME IV. 12

Mad. de Nemours.

Mad. de Lon

son frère, si la

1672 curatelles décernées à Mad. la duchesse de Longueville, parce que la première Il prétend que est entièrement éteinte par la majorité de MMgrs. ses enfants, et la seconde ne gueville n'est peut concerner que l'administration des biens que le dit seigneur abbé avait au curatrice que d'une partie des temps qu'elle lui fut déférée et même causée par son infirmité si connue, qu'elle biens du défunt. le rend tout-à-fait hors d'état de posséder cette souveraineté; de sorte qu'il n'y Mad. de Ne- a personne qui en ait droit que Mad. de Nemours, laquelle, pour faire conmours promet de rendre la naître qu'elle ne le prétend pas au préjudice du dit seigneur abbé, son frère, souveraineté à déclare que s'il plaisait à Dieu qu'il se trouvât dans la suite en état de gouverner cette souveraineté, elle la lui résignerait avec joie. Et afin qu'il apparaisse que le dit sieur de la Martinière s'est acquitté de sa commission dans le Le procureur temps porté par la coutume, il prie Messieurs les Trois-Etats de lui donner un mours demande extrait de ce qui se fait et se fera sur ce sujet par devant eux. Enfin le dit acte par écrit de ce qui s'est sieur de la Martinière a fait dire par le sieur Durand de Genève, son avocat, passé et se pas- que sa procuration dont on vient de faire la lecture est en bonne forme et Il objecte que duement légalisée, mais que celle du sieur de Fontenay n'étant pas légalisée, la procure de M. de Fontenay n'est pas valide, et que foi n'y peut être ajoutée. n'est pas validé.

démence le quitte.

de Mad. de Ne

sera.

M. de Fontenay

Le dit sieur de Fontenay soutint, au contraire, que sa procuration, soutient le con- étant signée de la propre main de Madame la duchesse de Longueration de Mad. ville, elle n'avait pas besoin d'être signée par des notaires, ni par

traire, la procu

de Longueville

étant signée de

sa propre main. conséquent légalisée, puisque son seing est reconnu dans cet état, mise en posses- et il requit au nom de qui il agissait, qu'on le mit en possession.

Il insiste sur la

sion.

Sentence des Sur quoi le gouverneur d'Affry qui présidait demanda le jugeTrois-Etats. ment à Messieurs des Trois-Etats, lesquels, au retour de la chambre de consultation, rapportèrent:

La procuration Qu'ayant vu la dite procuration et reconnu qu'elle est signée de Mad. de de M. de Fon- Longueville, et considéré qu'elle est conforme aux lettres qu'elle a écrites au tenay est recon- conseil d'Etat et à celui de la ville, ils jugent qu'elle est valide. Cependant,

nue valide.

puisqu'il est suffisamment vérifié que M. le duc de Longueville est mort le 2 juin dernier passé, et que c'est aujourd'hui le jour préfix, sur lequel on doit demander la mise en possession et investiture ensuite de la coutume, laquelle Les Etats ad- veut que lorsque le jour des six semaines se rencontre sur un dimanche, qu'on la jugent la pos- demande le jour précédent, ils jugent aussi que le dit sieur de Fontenay, au nom session à Mad. qu'il agit, doit être mis en possession du comté de Neufchâtel et seigneurie de Valengin et de ses autres appartenances et dépendances et annexes de cette souveraineté, sauf les droits d'autrui; et d'autant qu'on n'a pas accoutumé de refuser la mise en possession aux prétendants, et que c'est seulement lorsqu'ils demandent l'investiture qu'on examine leurs raisons, ils renvoient les dites parties à les alléguer lorsqu'il s'agira de l'investiture.

de Longueville.

Le procureur de Madame de Nemours dé

reconnaît pas

continue de lui

M. de la Martinière qui ne s'attendait pas à cela, et qui prévoyait bien que Madame de Nemours allait être condamnée, jugea, par clare qu'il ne l'avis de M. de Mollondin, qu'il fallait s'y prendre par une autre les Etats juges Voie; c'est pourquoi il déclara là-dessus qu'il n'entendait pas se compétents; et soumettre au jugement de Messieurs des Trois-Etats qui, étant les même à prendre sujets de Madame de Nemours, n'étaient pas juges compétents pour la possession connaître et décider du droit de souveraineté, et qu'au nom de Sa dite A. Madame de Nemours il prenait la possession et investiture M. de Fontenay des dits états souverains. Mais M. de Fontenay ayant soutenu le contraire et demandé l'investiture et le jugement à Messieurs des

et même l'investiture.

soutient le

contraire.

Trois-Etats, ils dirent que le temps de l'audience étant écoulé, ils renvoyaient les parties à trois heures après midi.

1672 Renvoi de la sentence.

Les Trois-Etats s'étant rassemblés à trois heures du soir le même M. de la Marti

nière au lieu de

croire tenu de

jugement des

jour, M. de Mollondin y fit paraître M. de la Martinière; et pour prendre la posréparer le faux pas qu'il lui avait fait faire le matin en lui faisant session la deprendre la mise en possession et l'investiture, au lieu de la demande, sans se mander, comme la coutume y cst expresse, il lui fit dire, qu'en tant se soumettre au que la coutume l'y obligeait, il leur demandait la mise en posses- Etats. sion, qu'il avait pourtant déjà prise, sans entendre préjudicier à son droit, ni se soumettre à leur disposition concernant l'investiture, parce qu'étant sujets, ils étaient juges incompétents d'une souveraineté.

soutient la compétence des Etats et démontre qu'ils

tents.

Au contraire, les dits sieurs de Fontenay et le procureur-général M. de Fontenay Brun ayant soutenu que Messieurs des Trois-Etats avaient jugé que les Etats du comté de Neuchâtel jugeant souverainement et en dernier ressort toutes les causes qui se suscitaient dans cet état, lequel sont compéne dépend d'aucun autre, le dit sieur de la Martinière ne les pouvait pas récuser comme juges incompétents, surtout puisque les princes, lorsqu'il y avait eu des contestations pour la succession de cette souveraineté, s'étaient présentés par devant eux pour en demander la mise en possession et l'investiture et les avaient reconnus pour juges de leurs controverses, ainsi qu'il paraissait par les procédures tenues en 1552, 1601 et 1602; de sorte que si le dit II invoque à ce sieur de la Martinière avait quelques raisons à alléguer contre l'in- sujet d'ancienvestiture que le dit sieur de Fontenay demandait, il les devait dire sur ce jour préfixe pour demander la mise en possession et l'investiture des successions et vider toutes les difficultés qui s'étaient suscitées pour ce sujet, à défaut de quoi ils passeraient outre au jugement qu'on leur demande.

nes procédures.

en Le sieur de la la mande la mise

Ensuite de quoi le dit sieur de la Martinière ayant demandé, tant que la coutume le requérait, d'être mis en possession de souveraineté de Neuchâtel et Valangin, et en ayant demandé jugement à Messieurs des Trois-Etats, ils la lui adjugèrent, sauf le droit d'autrui.

le

Martinière de

en possession. Elle lui est ad

jugée, sauf le droit d'autrui.

demande l'in

Les sieurs de Fontenay et le procureur-général ayant continué M. de Fontenay d'insister à ce qu'on leur donnât l'investiture qu'ils avaient deman- vestiture. dée, le dit sieur de la Martinière s'y opposa, soutenant toujours qu'il La Martinière n'était pas au pouvoir de Messieurs des Trois-Etats de donner cette s'y oppose, souinvestiture, et faisant proteste contre tout ce qui se ferait au préjudice des droits de Mad. de Nemours.

Sur quoi M. le procureur-général ayant contreprotesté pour la nullité de cette proteste, puisqu'on ne faisait que de suivre ce qui s'était pratiqué au temps passé, Messieurs des Trois-Etats déclarè rent qu'avant que de juger sur l'investiture demandée, ils voulaient

tenant que les

Etats ne peu

vent l'accorder.

Proteste et Les Etats orture des actes

contreproteste.

donnent la lec

avant que de

juger sur l'in

vestiture.

1672

Conclusion de
M. de Fon-

tenay.

Le sieur de la
Martinière con-

qu'on fit lecture des actes dont on avait fait la production, savoir : 1. De la curatelle de Madame la duchesse de Longueville. 2. Du traité de mariage de Madame la duchesse de Nemours. 3. De la donation du comté de Neuchâtel par Jean-Louis-Charles d'Orléans à feu M. son frère; afin que si M. de la Martinière avait quelque chose à dire, tant sur les dits actes que sur la coutume et l'ordre des successions, il le pût faire.

Après la lecture des susdits trois actes, M. de Fontenay insta de nouveau qu'on lui accordât l'investiture, soutenant que M. l'abbé d'Orléans devait succéder à M. son frère dans cette souveraineté, en vertu de la coutume immémoriale et de la réserve de retour faite dans la donation, comme aussi de la renonciation que Madame de Nemours avait faite à la succession future de MMgrs ses frères, au profit du survivant d'eux et de leurs descendants mâles; à quoi il ajouta qu'elle n'avait pas été formellement instituée héritière par le testament qu'elle avait produit, et que si même il s'y trouvait une institution, elle ne pouvait valoir pour la succession de cet état, dont feu Mgr le duc de Longueville n'aurait pas pu disposer au préjudice de la coutume et de la réserve portée dans la donation de l'an 1668, qu'une faiblesse d'esprit pouvait bien rendre une personne incapable de gouverner, mais qu'elle ne le rendait pas inhabile à succéder; que cette faiblesse ne serait peut-être pas de durée, et qu'en attendant Madame de Longueville, sa mère, devait avoir la curatelle de sa personne et de ses biens, puisqu'elle avait été établie sa tutrice par le testament de feu Mgr de Longueville, son époux, et que le roi qui était juge de la personne de son fils la lui avait décernée, par l'avis des parents paternels et maternels, dans la forme ordinaire et selon que cela s'était pratiqué dans les minorités des princes de la sérénissime maison d'Orléans; et qu'au reste elle devait avoir l'administration de tous les biens de mon dit seigneur son fils, sans distinguer ceux qui lui étaient parvenus depuis la curatelle, surtout puisqu'elle regardait la personne que les biens doivent suivre.

M. de la Martinière fit réitérer par son avocat qu'il ne prétendait tinue à soutenir pas de se soumettre au jugement de Messieurs des Trois-Etats, et l'incompétence que ce qu'il dirait était par forme d'éclaircissement. Il répéta ensuite les choses qui étaient contenues dans le premier mémoire qu'il avait présenté.

des Trois-Etats.

Renvoi jus

M. le gouverneur ayant sur cela demandé le jugement à Messieurs des Trois-Etats, ils rapportèrent:

Que l'affaire dont il s'agit étant de grande importance et n'ayant pas assez qu'au mercredi de temps pour l'examiner avec toute l'exactitude qu'elle requiert, ils ont pris 27 juillet. jour d'avis jusqu'à Mercredi prochain pour rendre leur jugement, qui est le 17/27 Juillet.

demande com

Ensuite de cette sentence, les Trois-Etats se rassemblèrent sur 1672 le dit jour 17/27 juillet. Le sieur de la Martinière demanda qu'on La Martinière lui donnât communication et copie des actes et titres que le sieur munication des de Fontenay avait produits le samedi précédent par devant Messieurs actes lus, ainsi des Trois-Etats, instant au surplus que l'écrit qu'il avait produit fût lu.

que la lecture

d'un nouvel

écrit.

s'y oppose.

Le sieur de Fontenay s'y opposa, soutenant que puisque la cou- M. de Fontenay tume voulait qu'on alléguât toutes les raisons qu'on avait à dire sur le jour des six semaines, et que d'autre part Messieurs des Trois- Il requiert qu'on Etats avaient pris jour pour rendre leur sentence, on ne pouvait rende sentence. rien alléguer ni demander, requérant que Messieurs des Trois-Etats

rendissent jugement suivant l'avis qu'ils avaient pris.

Sur quoi le droit en ayant été demandé par le gouverneur d'Affry

à Messieurs des Trois-Etats, ils rapportèrent au retour de la chambre

de consultation:

Que puisque M. de la Martinière ne reconnaît pas les Trois-Etats pour juges Les Etats refuet ne veut pas contester par devant eux, ils ne peuvent pas lui accorder la sent la commucommunication des actes produits par sa partie.

Le sieur de Fontenay ayant continué à prier Messieurs des TroisEtats qu'ensuite de l'avis pris samedi, le jugement fût rendu, Messieurs des Trois-Etats rapportèrent :

nication des

actes.

trois mois de

sur le fond.

Que cette affaire étant de la dernière importance, ils prient M. le gouverneur Les Trois-Etats de ne pas prendre de mauvaise part s'ils prennent trois mois de délai pour renvoient à rendre jugement, lesquels écherront le 17 d'Octobre prochain, style ancien, pen- rendre sentence dant lesquels toutes les choses que Mad. de Longueville fera et ordonnera comme curatrice, seront valides et subsisteront de même que tout ce qu'elle a fait et ordonné comme tutrice pendant la minorité de Messeigneurs nos princes, ses enfants, sans néanmoins préjudicier aux prétentions de Madame la duchesse de Nemours.

nière demande

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produire un écrit qui n'est

qu'une proteste, au nom de Mad.

M. de la Martinière ayant voulu produire un écrit sur l'opposition M. de la Martique MM. de Fontenay et le procureur-général avaient faite pour empêcher qu'il ne fût lu, parce qu'il n'avait pas été produit sur le jour des six semaines, suivant la coutume, M. de la Martinière déclara par son avocat, sur l'opposition qu'on y apporta, que ce de Nemours, pour laquelle il n'était qu'une proteste de sa part contre tout ce qui s'était fait au prend l'investipréjudice des droits de Madame de Nemours, au nom de laquelle ture lui-même. il prenait l'investiture de cette souveraineté.

Sur quoi le procureur-général contre-protesta et demanda que sa contre-proteste fût rédigée par écrit. Messieurs des Trois-Etats prononcèrent :

Que la proteste du sieur de la Martinière et contre-proteste du sieur procu- Sentence sur la reur-général seront rédigées par écrit, sans néanmoins préjudicier aux sen- proteste et contreproteste. tences qu'ils ont rendues et qu'ils rendront encore sur ce sujet. Et sur ce que le dit sieur de la Martinière a dit qu'il prenait, au nom de S. A. Madame de Nemours, l'investiture de cet état, Messieurs des Trois-Etats ont déclaré et jugé qu'il ne le peut, étant une chose contraire aux franchises et coutumes du pays.

Sentence contre
Mad. de Ne-

l'investiture de

mours.

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