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châtel le dimanche matin 8/18 mars, à une heure après minuit; il 1668 avait été envoyé depuis Salins.

de Lully fait

conseil d'Etat.

Le gouverneur de Lully ayant appris cette nouvelle, assembla Le gouverneur promptement et avant le jour le conseil d'Etat pour aviser ce qu'il y assembler le avait à faire. Le conseil de ville fut de même assemblé. La seigneurie ordonna alors à tous les officiers de milice de se trouver avec leurs troupes à trois heures du soir à la petite plaine de Peseux, et ils firent tant de diligence qu'il s'y rencontra environ 4000 hommes de Valangin, de la Côte, de Boudry et Colombier, commandés par les capitaines Sigismond Tribolet et Jean-Jacques Tribolet, procureur de Valangin.

Quatre mille lice se trouvent Peseux pour re

hommes de mi

à la plaine de

cevoir les princes.

Quelques moments après l'arrivée de ces troupes dans ce lieu-là, les princes y passèrent. Le sieur d'Hervoil, leur résident dans le comté, leur était allé au devant avec deux ou trois de Neuchâtel. M. de Lully, gouverneur, les avait suivis de près avec quelques Le gouverneur officiers et autres de Neuchâtel, au nombre de vingt-quatre chevaux, rencontre les entre lesquels il y avait six députés du conseil de ville, qui rencontrèrent les princes à la Clusette. Les milices des Verrières leur avaient déjà fait la salve en passant, aussi bien que celles du Valde-Travers; et c'est ce que firent aussi celles qui étaient en la plaine de Peseux.

princes à la Clusette.

Neuchâtel.

Les princes et leur cortège étant passés plus outre, rencontrèrent Arrivée des les troupes de la ville, au nombre de 500 hommes, commandés par princes près de le capitaine Frédéric Rollin, qui leur firent de même la salve par plusieurs décharges de mousqueterie. Ensuite le banneret Jean-Jacques Merveilleux, couvert d'une cuirasse, présenta le drapeau au Compliment du duc de Longueville et lui adressa ces paroles:

Monseigneur, voici le drapeau de votre ville de Neuchâtel que je vous présente en signe d'hommage, vous suppliant de nous conserver dans nos franchises et libertés, comme ont fait vos très illustres prédécesseurs, et de notre côté nous ne manquerons pas de rendre à V. A. tous les devoirs de bons, fidèles et obéissants bourgeois et sujets.

Le prince répondit :

Il est en bonnes mains, je vous le confie.

banneret J.-J. Merveilleux.

Réponse du prince.

séparent au

Les troupes ayant encore fait quelques décharges, les princes continuant à marcher du côté de la ville, ils se séparèrent auprès Les princes se du Pont du Vaux-Seyon; et comme environ trente cavaliers des principaux de l'Etat étaient allés au devant des princes jusqu'à la Clusette, ils furent aussi obligés de se séparer.

Pont du Vaux
Seyon.

la Porte du château et

Le gouverneur de Lully accompagna le duc de Longueville par L'un entre par le chemin qui conduit à la Porte du château, ce prince voulant par là éviter le bruit du grand monde; les autres suivirent le comte de l'autre par celle St-Pol, qui prit le chemin du Parc, avec deux gentilshommes, MM. de l'hôpital. de Fontenay, qui était le gouverneur du comte, et Henri-David, qui

1668

Le maîtrebourgeois Per

était le contrôleur des princes, et qui leur servait de maître d'hôtel, et que les princes avaient amenés avec eux, n'ayant en tout qu'une suite de huit personnes.

Le comte de St-Pol entra dans la ville par la Porte de l'hôpirot présente les tal, où le maître-bourgeois Antoine Perrot lui présenta les clefs et clefs de la ville le complimenta de la part de la ville. Le comte monta ensuite au château, où son frère était déjà arrivé, et où le conseil de ville en corps et les pasteurs de la ville les allèrent complimenter.

au comte de

St-Pol.

Équipage différent des deux

princes.

Locle et de la

Ces deux princes arrivèrent à Neuchâtel dans un équipage fort différent. Le duc de Longueville, qui était l'aîné, mais qui se vouait à l'église, arriva en litière, n'ayant qu'un habit de droguet couleur de musc. Mais le comte de St-Pol entra monté sur un superbe cheval blanc, et habillé en velours bleu brodé d'or.

Les milices du Le lundi 9/19 mars, les milices du Locle et de la Chaux-de-fonds, Chaux-de-fonds qui n'avaient pas pu se rencontrer à Peseux le jour précédent, descendent à descendirent à Neuchâtel et firent quelques décharges sur la terNeuchâtel. rasse à côté du château, d'où elles s'en retournèrent. Il y eut aussi Compagnie de une compagnie de jeunes garçons de la ville, commandée par Jean jeunes garçons Martinet, qui, quoiqu'ils fussent tous au dessous de l'âge de quinze admirée par le ans, ne laissaient pas que de manier les armes aussi bien que des hommes faits. C'est ce que le comte admira, et plus qu'il n'avait fait pour les autres troupes qu'il avait vues.

de la ville très

comte.

Remise du comté par le duc de Longue

Le duc de Longueville, qui s'était rendu à Neuchâtel principalement pour remettre à son frère la souveraineté de Neuchâtel et ville au comte Valangin, lui en passa un acte authentique le mercredi 11/21 mars entre les mains des notaires Jonas Martinet et Nicolas Huguenaud, tous deux bourgeois de Neuchâtel. Il est dit dans cet acte:

de St-Pol.

Acte de remise.

Pour ces causes et autres considérations à ce mouvant, de sa libre et franche volonté, a fait et fait don, par ces présentes, par donation entre vifs, pure, simple et irrévocable, en la meilleure forme que donation de cette qualité se puisse faire et être faite, à mon dit seigneur le comte de St-Pol son frère à ce présent et acceptant pour lui, ses hoirs, successeurs et ayants cause, étant aussi présent au château de Neufchâtel, de tous et tels droits de souveraineté, de propriété et autres qui appartiennent et qui sont acquis à mon dit seigneur, donateur en la susdite qualité de principal héritier aux dites souverainetés de Neufchâtel et Valangin, leurs appartenances, dépendances et annexes, sans aucune chose en excepter, retenir ni réserver en quelque sorte et manière que ce soit; au moyen de quoi les dites souverainetés et principautés de Neufchâtel et Valangin appartiendront pour le tout à mon dit seigneur le comte de StPol, qui entrera dès à présent en possession et jouissance actuelle des choses à eux appartenantes en pleine propriété, sous cette condition toutefois acceptée par Monseigneur le comte de St-Pol, qu'arrivant son décès sans enfants ou celui de ses enfants sans enfants, mon dit seigneur donateur étant encore vivant, en ce cas et non autrement les dites choses retourneront de plein droit à mon dit seigneur donateur.

A ces fins mon dit seigneur le duc de Longueville s'est dévêtu et se devêt

des susdites choses données à mon dit seigneur le comte de St-Pol pour lui, 1668 ses hoirs, successeurs et ayants cause.

Les témoins nommés dans l'acte sont Urs de Stavay, seigneur Témoins nomde Lully, gouverneur; François-Louis-Blaise de Stavay, seigneur de més dans l'acte. Mollondin, lieutenant de gouverneur; François-Louis d'Affry, capitaine au régiment des Gardes-Suisses de S. M. T. C.; Guillaume Tribolet, châtelain de Thielle; Pierre Chambrier, maire de Neuchâtel; Simon Merveilleux, seigneur de Bellevaux, maire de Rochefort; George de Montmollin, chancelier; Jean-Frédéric Brun, seigneur d'Oleyres, procureur-général, et David Merveilleux, châtelain de Boudry, tous conseillers d'Etat, qui signèrent l'acte tous en qualité de témoins. Il fut aussi signé par les deux seigneurs donateur et donataire et par les deux notaires susnommés.

duc avait exercé quelques droits de souveraineté.

Avant que de passer cet acte, le duc de Longueville exerça seul Avant l'acte le plusieurs droits de souverain (il avait déjà donné audience à M' l'évêque de Lausanne), il donna des dispenses de mariage en présence du comte de St-Pol, son frère, il accorda des lettres de légitimation et rappel de ban, et il fit assembler son conseil pour le faire entériner ce qui avait eu lieu avant-midi. Après-midi il passa à son frère l'acte ci-dessus.

Le jeudi 12 mars, la Compagnie des pasteurs, au nombre de vingt- La compagnie huit, vint complimenter LL. AA.

Le même jour le comte de St-Pol alla à Colombier pour voir le château et les allées. A son retour, ceux d'Auvernier et de Colombier le suivirent sur des bateaux, avec leurs armes, faisant des décharges continuelles. Il y avait encore trois bateaux, sur lesquels étaient les nobles de Neuchâtel et plusieurs de Soleure et d'Estavayer.

des pasteurs complimente les princes. Le comte de

St-Pol à Colom

bier.

solennité du transport de la

comte de

St-Pol.

Le vendredi 13/23 mars, le prince fit assembler les Trois-Etats Cérémonie et dans le grand Poile du château, où assistèrent la Compagnie des pasteurs, tous les nobles du pays, vassaux et autres, tous les con- souveraineté au seillers d'Etat, châtelains, maires, receveurs, les Quatre-Ministraux et le conseil de ville, les députés de toutes les justices et communautés, et en un mot, toutes les personnes de qualité. Les deux princes étaient assis au haut du Poile ayant une table devant eux, le duc de Longueville à la droite, tenant le sceptre devant lui. Il commença la cérémonie du transport de la souveraineté, en s'exprimant ainsi :

Messieurs, j'ai eu depuis longtemps le dessein de donner ces souverainetés à M. mon frère; mais l'occasion ne s'étant pas rencontrée propre pour nous trouver ici jusques à maintenant, aussi je me déclare en votre présence que je lui en ai fait une remise absolue, et les lui donne par marque d'amitié, m'en dévêtissant pour moi et les miens à perpétuité. Mais mon chancelier vous le déclarera encore plus au long par le discours qu'il va faire.

Discours du

duc.

1668

Discours du chancelier de

Le chancelier de Montmollin fit alors un ample discours, où il ne manqua pas de dire tout ce que le prince lui avait ordonné de maniMontmollin. fester à l'assemblée. Après quoi le précis de son discours roula sur le bonheur qui aurait résulté pour les habitants de la souveraineté de vivre sous la domination de Monseigneur le duc de Longueville, qui possédait cet état par un droit de naissance et puisque c'était un prince qui était doué de vertus et de qualités les plus propres à régner.

La donation

les Trois-Etats.

Nous serions, ajouta-t-il, inconsolables de l'abdication que S. A. S. fait présentement de sa couronne, s'il ne nous laissait pas pour son successeur Monseigneur le comte de St-Pol, son frère, qui, étant du même sang illustre, a montré dès sa jeunesse que la vertu est héréditaire dans cette auguste maison. La campagne passée a vu ses glorieux exploits à la vue du roi.

Le chancelier exhorta ensuite chacun à lui rendre l'obéissance qui lui était dorénavant due.

Après le discours du chancelier, le secrétaire du conseil d'Etat, approuvée par Jean-Jacques Fleury, fit la lecture de l'acte de donation dont on a rapporté le précis; cet acte ayant été approuvé par le souverain tribunal, Monseigneur le duc de Longueville se leva de son siège et remit le sceptre qu'il tenait entre ses mains à Monseigneur le comte de St-Pol, son frère. Il dit à toute l'assemblée qu'il ne réCe que le prince servait aucune autorité sur eux que de leur commander d'obéir à recommande à son frère et de lui être fidèles, et que c'était la dernière marque d'obéissance qu'il désirait de ses sujets.

l'assemblée.

Assurances

lieutenant de

M. de Mollondin, lieutenant de gouverneur, au nom de Messieurs données par le des Trois-Etats, lui dit là dessus qu'ils exécuteraient ses volontés gouverneur au avec respect et soumission, et protesta à M. le comte de St-Pol qu'ils auraient pour lui l'obéissance, la soumission et la fidélité qu'ils devaient à leur souverain.

comte de

St-Pol.

Adieux du

Dès que le duc de Longueville eut remis à son frère le sceptre judicial, il lui dit: Adieu mon frère, l'embrassa et le baisa, et après prince à son s'être retiré de l'assemblée sans lui dire autre chose, il descendit Le prince quitte au bas de la ville et se mit dans un bateau qui l'attendait.

frère.

Neuchâtel.

Il se rend chez les pères de l'Oratoire à Lyon.

Le duc alla encore ce même jour jusqu'à Grandson, où il coucha. Il n'avait pris avec lui que M. François-Antoine Rognon et l'intendant Jonas Gallandre, et ne désirant pas d'être connu, il les fit asseoir au haut de la table en soupant, et il leur avait défendu de tirer le chapeau en buvant à sa santé. Etant parti le lendemain 14 mars de Grandson, il s'en alla à Lyon, où il séjourna quelque temps.

Comme il avait toujours eu beaucoup de penchant à se faire ecclésiastique, il s'était, déja avant la mort de son père, retiré dans le noviciat des jésuites, où il avait pris l'habit, dans le dessein d'entrer dans leur compagnie; mais peu de temps après ayant changé

de volonté, il en sortit sans avoir fait profession. Cependant il n'avait point quitté le désir qu'il avait de se vouer à l'Eglise, et c'est ce qui l'avait porté à remettre les comtés à son frère.

Ce prince fit son testament à Lyon le 1er octobre 1668 dans la maison des pères de l'Oratoire. Comme ce testament a eu des suites très considérables par rapport aux comtés de Neuchâtel et Valangin, il est à propos d'en rapporter ici la clause par laquelle le prince de Conti forma ses prétentions sur le comté de Neuchâtel, de même que la clause codicillaire, en vertu de laquelle ce prince voulait faire valoir ce testament nonobstant le prédécès du comte de St-Pol, son héritier, et celui de Madame de Longueville, sa mère, et nonobstant une donation entre vifs, du 23 février 1671, dans laquelle Madame de Nemours, sa sœur, fut substituée aux choses données, ou à ce qui resterait, au cas que le donataire vînt à mourir sans enfants, et nonobstant encore un testament fait le 26 février, trois jours après la donation. Voici les dispositions du dit testament dont il s'agit:

Etant l'institution d'héritier le chef et le fondement de tout testament et ordonnance de dernière volonté, à cette cause le dit Jean-Louis-Charles d'Orléans, duc de Longueville, testateur, en tous et chacun ses autres biens meubles et immeubles, droits, noms, raisons et actions présentes et à venir quelconques, a fait et institué et de sa propre bouche a nommé et nomme son héritier universel très illustre, très haut et très puissant prince Charles-Paris d'Orléans, prince souverain de Neufchâtel et Valangin en Suisse, comte de St-Pol, son frère puîné, et après lui à ses enfants naturels et légitimes de vrai et légitime mariage procréés, préférant les mâles aux femelles; et venant le dit seigneur Charles-Paris d'Orléans à mourir avant ou après le testateur sans enfants naturels et légitimes, de vrai et légitime mariage procréés, au dit cas et chacun d'eux le dit seigneur testateur en tous ses biens libres, substitue vulgairement par fideicommis la dite dame Anne-Geneviève de Bourbon, sa très honorée mère, la suppliant très humblement de disposer des dits biens, elle venant à mourir, en faveur de Messieurs les princes de Conti, ses cousins germains.

La clause codicillaire est conçue en ces termes :

1668

Il fait son

testament.

Teneur du testament.

laire.

A dit et déclare le présent testament être son dernier et valable testament, Clause codicillequel il veut valoir par droit de testament noncupatif, et s'il ne vaut ou peut valoir par droit de testament a voulu valoir par droit de codicile, donation à cause de mort et toute autre disposition de dernière volonté qui de droit pourra être valable et mieux subsister.

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