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cesser, même par des mesures violentes, une nuée de clubs réunis entr'eux par une sorte de communication électrique, et ayant å leur disposition tout ce que la France renfermait de populace immonde, d'énergumènes et de furieux; les projets d'une révolution nouvelle, hautement avoués par des hommes à qui la renommée donnait de grands talens, et le public une certaine estime (1); l'incertitude du

(1) MM. Condorcet, Brissot, l'Anglais Thomas Payne et six ou sept membres de l'assemblée constituante, parmi lesquels on doit distinguer le fameux Pétion, avec quelques-uns de leurs dévoués dans les départemens. Il ne faut pas ranger dans cette classe Roberspierre, Danton, Camille-des-Moulins, le boucher Legendre, Marat et autres formant l'agrégation connue sous le nom de Cordeliers. MM. Condorcet et Brissot avaient dans la tête un projet de gouvernement, impraticable sans doute; mais au moins ils en avaient un: les autres n'avaient pour guide qu'une stupide fureur, le desir du pillage, ou le retour à la monarchie dans la personne du duc d'Orléans, mais par une voie de sang et la destruction de tous ceux qui auraient pu y former obstacle. Il serait difficile peut-être de condamner judiciairement les factieux qui professaient un pareil système; mais il est démontré pour toutes les personnés qui ont observé la marche de la révolution, pour celles sur-tout qui ont suivi, avec quelque curiosité et dans leur détail, toutes les machinations,

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roi au milieu d'une cour divisée elle-même en presqu'autant de partis que la révolution comptait de classes de sectaires; tant d'élémens d'anarchie opposés dans leur but, mais se prêtant un mutuel appui pour arriver à la destruction commune, avaient enfin frappé l'assemblée; elle s'était convaincue que sa frêle constitution ne pouvait tenir contre les rudes attaques qu'on allait lui porter de toutes parts; et, comme je l'ai déja dit, elle. avait résolu de la reviser; mais l'opinion po

qui en étaient le moyen et le développement. Sans doute les divers agens, stupides ou enthousiastes, ignoraient quel était le but ultérieur de leur mission: ils frappaient, parce qu'on leur disait de frapper; et l'effet que cette violence pouvait produire, était celui auquel ils pensaient le moins. Brissot rêvait les constitutions américaines; Condorcet, des pouvoirs publics alignés avec une précision géométrique; Danton voulait faire sa fortune, et Robespierre et Marat, animés, l'un, par l'âcreté de sa bile, l'autre, par sa perpétuelle rage, déchiraient les passans pour le profit de qui il appartiendrait. La faction orléaniste profitait des opérations des républicains philosophes et des républicains bourreaux, souvent même elle les fit agir tous à la fois; jusqu'au moment où, reconnaissant qu'ils étaient sa dupe, ils en exterminèrent le chef, pour être bientôt à leur tour victimes de leurs erreurs et de leurs crimes personnels.

pulaire, qui avait fait sa toute - puissance, s'y opposa. Les mêmes hommes qui lui avaient, peu de temps auparavant, prodigué les lauriers et les couronnes civiques, l'abreuvèrent d'outrages et de dégoûts; des crieurs de journaux et de pamphlets s'introduisaient avec audace jusques dans le lieu de ses séances, et vendaient aux députés les injures, les grossièretés dont leurs feuilles étaient remplies contr'eux. Ceux qui avaient souffert de la révolution, l'attaquaient aussi à leur manière, ne prévoyant pas que la cause de leurs désastres pouvait seule empêcher les effroyables calamités dont ils devaient être accablés. L'assemblée qui avait triomphe de tant d'obstacles, n'osa combattre celui-ci : accoutumée aux adorations du peuple, ses outrages lui devinrent insupportables, tout son courage l'abandonna; elle ne revisa rien, ou presque rien dans sa constitution, et convoqua les élections qui devaient former la législature destinée à la remplacer. Les hommes éclairés qui étaient sans passion, et le roi lui-même, auraient desiré qu'elle eût continué sa session

, pour mettre sa constitution à l'épreuve, et être à même de corriger les défectuosités qu'elle avait aperçues d'avance, comme celles que l'expérience devait faire reconnaître en

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core. Deux partis opposés empêchèrent l'exécution de cette mesure, les Jacobins de tous les clubs et de toutes les sectes qui attendaient avec une impatiente fureur, le moment où ils devaient paraître, à leur tour, au premier rang dans les combats politiques; l'autre parti fut celui de la reine: fatiguée d'un joug sous lequel l'habitude d'une si haute indépendance et sa fierté sur-tout, ne pouvaient s'abaisser, il ne fut pas difficile de faire entendre à cette princesse, qu'il fallait tout mettre en œuvre pour la débarrasser de cette éternelle assemblée qui l'ennuyait au moins autant qu'elle la gênait; il ne fut pas moins facile ensuite de lui persuader qu'avec quelqu'argent et un peu d'adresse, on saurait bien maîtriser les futurs législateurs, hommes vraisemblablement sans expérience et faits pour donner dans tous les piéges qu'on leur tendrait,

D'après ce raisonnement, dont la suite a démontré l'irréflexion, toutes les batteries furent dressées pour engager ou forcer l'assemblée à se dissoudre. Ce fut le député Dandré, connu par son influence parmi ses collègues depuis la mort de Mirabeau, qu'on détermina à demander sans cesse à l'assemblée qu'elle terminât sa session; tandis que les

Jacobins, avec lesquels il était cependant fort loin de s'entendre, poussaient, d'un autre côté, à cette séparation, par leurs vociférations et leurs injures. Le même M. Dandré eut aussi la mission de faire en sorte que les élections ne portassent pas sur quelques républicains dont on craignait cependant les projets, et entr'autres, le journaliste Brissot qui se montrait le plus audacieux de ce parti. De-là la publication du journal-affiche, appelé le Chant du Coq, dont j'ai déja parlé, et de quelques autres écrits rédigés avec esprit et méchanceté, mais sûrement avec maladresse; car il est vraisemblable qu'ils produisirent l'effet qu'ils voulaient empêcher: ce fut une fatalité de cette famille infortunée de voir tourner contr'elle toutes les mesures qu'elle croyait pouvoir empêcher sa chute.

Mais si la cour manoeuvrait pour empêcher l'élection de certains individus, ceux-ci n'intriguaient pas avec moins d'activité pour s'attirer les suffrages: écrits de toute espèce, attroupemens, émeutes, combats à coups de poing, à coups de bâton, tout était en mouvement, tout était employé; menaces et violences, solliciteurs et solliciteuses de tous les partis de la révolution. Parmi ces dernières, la malignité publique remarqua madame de

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