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d'avance le bien qui pouvait en résulter, 1791. << par des motions inopportunes, par des déli<< bérations peu convenantes, dont vous n'a«vez pas prévu les dangers. Le fanatisme de << la liberté devient une dégradation du carac« tère des représentans de la nation. On s'est « trompé lorsqu'on a considéré le décret rendu << hier comme un décret de police. La police « de l'assemblée ne se rapporte qu'au service « mécanique qui doit faciliter ses délibéra<«<tions; mais les rapports entre le corps lé« gislatif et le roi, tiennent au fond de la légis«lation: ainsi, lorsqu'ils sont déterminés par << des actes, ils doivent être soumis à la sanc<< tion royale, et cela est si vrai, que la cons<< titution a fait de cet article un chapitre << particulier.

«

Qu'est-il résulté du décret rendu hier? << une perte considérable dans les actions, une << nouvelle espérance des ennemis du bien «< public. Qui doute que l'adhésion du roi ne << soit un des plus fermes appuis de la consti<< tution, ou du moins qu'elle n'épargne de grands maux; et croyez-vous que les malveil<< lans ne lui représenteront pas avec adresse « qu'il se verra sans cesse ballotté par les opinions divergentes de chaque législature, « et que cela ne relâche les liens qui attachent

«

« le roià la constitution. Je demande que vous 1791. << rapportiez ce décret funeste, pour vous en « tenir à ce qui a été réglé par vos prédéces

«seurs. >>

La motion de M. Vosghien fit impression sur les députés qui, n'ayant formé aucun plan, ne tenaient point aux résolutions que leur avait dictées l'enthousiasme, lorsque la réflexion leur fesait apercevoir le danger. MM. Ducastel (1), Hérault-de-Séchelles luimême, appuyés par beaucoup d'autres, se joignirent à M. Vosghien, et le décret fut abrogé, après les plus violens débats, malgré les efforts de MM. Chabot, Basire, Vergniaud, Girardin, Merlin et autres, et les improbations des tribunes, qui firent voir dèslors l'ascendant qu'elles se proposaient de prendre, ou plutôt qu'on se proposait de leur donner sur les délibérations de l'assemblée.

L'homme qui, le premier, avait élevé la

(1) Député de Ronen, avocat très-distingué en cette ville.

(2) M. Girardin ne suivit pas long-temps le système jacobin; on le vit, bientôt après, adopter celui des Feuillans, et y persister jusqu'à la journée du 10 août, dont il faillit être une des victimes. M. Girardin avait été en partie élevé parJ.-J. Rousseau.

voix pour l'autorité royale, garda ensuite le silence le plus absolu. Il s'isola dans un coin de la salle, pour faire sa cour à une jolie personne qui tous les jours assistait aux séances, avec sa mère, dans une tribune de journaliste; il l'a épousée, et je n'ai pas entendu dire que depuis il se soit mêlé d'affaires publiques.

Quant à M. Couthôn, il ne perdit pas son temps; après avoir attaqué le roi, il déclara la guerre aux prêtres non-sermentés, qu'on appelait prêtres réfractaires, les dénonça comme les auteurs de toutes les résistances qu'éprouvaient les institutions nouvelles, et demanda qu'on prît des mesures sévères contr'eux; il fut appuyé par tous ceux qui l'avaient déja secondé dans sa précédente motion, et particulièrement par M. Lequinio, député du Morbihan, l'un des départemens substitués à la province de Bretagne (1). Cette première fois sa motion n'eut pas de suite, mais elle fut conservée comme mémoire.

Dans une adresse aux membres de la précédente assemblée, M. Cérutti, rédacteur

(1) Il était naturel que M. Lequinio fît la guerre aux prêtres. Celui qui déclara depuis, dans ses fonctions législatives, qu'il n'y avait même pas d'Être suprême, no devait pas se comporter différemment.

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1791.

de cette adresse, y avait inséré qu'ils seraient remerciés comme ayant rendu à la France le plus grand bienfait possible, celui d'une constitution libre, telle que l'acte qu'ils avaient rédigé. M. Chabot prétendit qu'il n'était pas vrai de dire que la constitution fût une chose si parfaite. Il fut d'abord repoussé par de violens murmures; mais le lendemain on eut égard à son observation, et l'adresse de remercîmens fut ainsi rédigée :

«L'assemblée nationale, considérant qu'une <<< constitution libre est le plus grand bienfait qu'une nation puisse recevoir de ses repré<< sentans, décrète qu'elle vote des remercî<< mens aux membres de l'assemblée nationale «< constituante qui ont si bien usé des pou<< voirs qui leur ont été conférés. »

Tel fut le prélude des délibérations de l'assemblée nationale législative. J'ai cru qu'il était nécessaire d'entrer dans tous ces détails, pour en faire connaître le caractère, et mettre le lecteur à même de les suivre dans le développement de ses opérations ultérieures. Voyons maintenant la conduite tenue par le roi, dans ses rapports avec elle.

Une députation d'une douzaine de membres s'était rendue auprès de S. M. pour savoir d'elle à quelle heure elle pourrait se

rendre dans le sein de l'assemblée. Le roi 1791. avait répondu que ce serait le lendemain; mais le président Ducastel déclara que l'intérêt de la chose publique ne pouvait souffrir ce délai : le monarque céda, et vint le jour même. Voici le discours qu'il prononça.

«MESSIEURS,

« Réunis en vertu de la constitution, pour << exercer les pouvoirs qu'elle vous délégue, « vous mettrez sans doute au rang de vos pre« miers devoirs de faciliter la marche du gou« vernement, d'affermir le crédit public, d'a« jouter, s'il est possible, à la sûreté des engagemens de la nation, d'assurer à la fois la « liberté et la paix; enfin d'attacher le peuple « aux nouvelles lois, par le sentiment de son << bonheur. Témoins, dans vos départemens, « des premiers effets du nouvel ordre qui vient « de s'établir, vous avez été à portée de juger «< ce qui peut être nécessaire pour le perfectionner, et il vous sera facile de reconnaître << les moyens les plus propres à donner à l'ad«ministration la force et l'activité dont elle a << besoin. >>

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« Pour moi, appelé par la constitution à

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