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1791.

temps avant le 10 août. Alors ceux qu'on
appelait Brissotins ou Girondins (1), domi-
naient encore le club des Jacobins: leur es-
prit se développe dans une adresse qu'ils
firent aux nouveaux législateurs, et dont
l'abbé Grégoire fut le rédacteur. En voici
un fragment qui lui sert de péroraison...........
« Cent mille esclaves doivent, dit-on, des-
<< cendre du Nord, pour sonner le tocsin de
<< la mort et du pillage; ils imprimeraient à
«< la machine politique un mouvement irré-
« gulier ou rétrograde, si le courage natio-
«nal ne veillait à sa stabilité.

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C'est ici la guerre des rois contre les na<< tions, des oppresseurs contre les opprimés. Les despotes savent qu'un peuple occupé « au-dehors, ne peut faire de révolution au« dedans, et que si la nôtre n'est pas étouffée, << elle va rapidement parcourir la terre. Sans << doute ils dirigeront contre nous tous leurs << efforts; mais les tyrans ont plus à craindre « de la Déclaration des Droits, que nous de <«<leurs boulets. Dites à l'univers, qu'ayant << renoncé au brigandage des conquêtes, vous

(1) On entendait par Girondins, les députés do Bordeaux, ou du département de la Gironde, et ceux qui avaient adopté leurs principes.

<«< ferez cause commune avec tous les peuples 1791. << résolus à secouer le joug, pour ne dépendre

<< que d'eux-mêmes.

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Puisque la justice est pour nous, sans << doute il nous secondera, celui qui balance «<les destins, et qui tient en ses mains le sa«<lut des nations. L'impulsion est donnée à « l'Europe attentive; son horoscope annonce qu'elle s'ébranle pour nous suivre; il semble << que les temps sont accomplis, que le vol« can de la liberté va faire explosion, réveiller «<les peuples, et opérer la résurrection poli«tique du globe.

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« Vous travaillez donc pour la famille du << genre humain, à mesure que vous déblaye<< rez ce fatras de lois antiques, dont la bar<< barie est inaliénable avec nos mœurs à « mesure que l'art social perfectionnera nos «< institutions politiques, elles deviendront << les propriétés du monde entier. Puisse le génie de la liberté embrasser bientôt l'uni« versalité des régions, y faire asseoir la paix « à côté des vertus, y fixer le règne du bon«< heur, et, par les liens d'une sainte frater«nité, unissant tous les hommes, hâter le « moment où il n'y aura plus de peuples étran<< gers! >>

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Les membres jacobins de l'assemblée légis

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lative ne manquèrent pas de suivre la direction tracée dans le discours de l'abbé Grégoire. Le premier mot remarquable, prononcé dans cette assemblée, fut une attaque dirigée contre l'autorité royale, qu'il était impossible de ne pas respecter sans la détruire.

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Le roi devant se présenter à l'assemblée, on avait disposé pour lui un fauteuil décoré assez modestement, mais cependant un peu plus remarquable que celui du président, à côté duquel le monarque devait s'asseoir. L'un des membres de l'assemblée, M. Couthon, trouva cette distinction inconvenante, et représenta avec enthousiasme, que les deux pouvoirs étant égaux, le fauteuil du roi ne devait pas être distingué de celui du président, et qu'en adressant la parole au prince, il ne devait plus être question de ces mots, sire et majesté, expressions viles, imaginées par l'esclavage et la barbarie féodale. Tous les députés républicains appuyèrent cette, motion avec véhémence, les tribunes continuant le rôle qu'elles avaient joué dans la précédente assemblée, retentirent d'applaudissemens; et après quelques réclamations, faiblement prononcées, l'assemblée prit la délibération suivante, que l'histoire doit conserver:

« ART. Ier. Au moment où le roi entrera « dans l'assemblée, tous les membres se tiendront debout et découverts.

« II. Le roi arrivé au bureau, chacun des « membres pourra s'asseoir et se couvrir.

<< III. Il y aura au bureau, et sur la même <«< ligne, deux fauteuils semblables; celui à <«< gauche du président sera destiné pour le « roi.

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<< IV. Dans le cas où le président, ou tout « autre membre de l'assemblée, aurait été préalablement chargé par l'assemblée d'a« dresser la parole au roi, il ne lui donnera, « conformément à la constitution, d'autre « titre que celui de Roi des Français, et il << en sera de même dans les députations qui « pourront être envoyées au roi.

« V. Lorsque le roi se retirera de l'assem« blée, les membres seront, comme à son << arrivée, debout et découverts.

« VI. Enfin la députation qui recevra et qui reconduira le roi, sera de douze mem<< bres. >> (1)

(1) On demandera peut-être quel était ce M. Couthon qui devait avoir tant d'influence sur les destinées de l'empire? Je l'ai connu personnellement dans sa jeunesse; il était aimable alors, et ne manquait pas d'esprit.

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Le décret sur le cérémonial produisit les effets les plus fâcheux. Tous ceux qui craignaient une nouvelle révolution, en virent l'annonce certaine dans la conduite de l'assemblée. La valeur des effets publics baissa sur-le-champ avec rapidité, et le nombre des émigrans qui, depuis long-temps, excitait les plaintes et les réclamations du peuple, devint encore plus considérable; cependant, le lendemain, un autre membre de l'assemblée, appelé M. Vosghien, moins enthousiaste que M. Couthon, représenta à ses collègues l'inconséquence de leur décret.

« Le roi des Français, dit-il, devait venir « demain à l'assemblée pour y proposer des ob« jets d'utilité générale; c'était en même temps « un acte de zèle et un nouvel acquiescement << à la constitution, et par conséquent cela « était utile à recueillir; et vous détruisez

Après avoir été assez long-temps clerc de procureur à Riom en Auvergne, fut avocat au petit baillage de Clermont, dans la même province où il était né. Je doute qu'il eût puisé dans cette profession aucune des connaissances politiques qu'il affectait, j'imagine, au contraire, qu'il ne montrait tant d'assurance que parce qu'il parlait de ce qu'il n'enten

dait pas.

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