171. exaltés, et les républicains dirigés par MM. Brissot, Condorcet et autres, qui avaient quelque réputation et la connaissance des ressorts révolutionnaires qu'on fesait jouer à Paris, se réunirent aux Jacobins. Quelques constitutionnels vinrent aux Feuillans; mais le reste, effrayé de notre petit nombre, résolut de former une autre association, uniquement composée de députés, et s'assembla dans l'hôtel du feu maréchal de Richelieu. Cette association fut bientôt rompue, parce qu'elle n'avait rien qui pût balancer l'influence toujours croissante des Jacobins, et que d'ailleurs les sociétaires, divisés de principes et d'intérêts, ne pouvaient parvenir à s'entendre. Les membres de la société de l'hôtel de Richelieu se divisèrent en trois partis; l'un passa aux Jacobins; un autre voulut rester indépendant dans le sein de l'assemblée, et n'appartenir à aucun club. Ce parti paraissait le plus sage, et l'eût été effectivement, s'il eût eu le pouvoir et le courage de dominer les deux autres; mais l'expérience a prouvé que malheureusement il n'avait ni l'un ni l'autre. Sa prétendue indépendance lui mérita l'animadversion des deux autres partis, et ne lui obtint la considération de personne. Le troisième parti, qui était nombreux, formé de gens à talens, passa dans notre société, et donna à ce club une grande importance. Plusieurs constituans, qui se trouvaient encore à Paris, tels que MM. Barnave, Thouret, Dandré, le Chapelier, Talleyrand de Périgord, de Beaumetz, y reparurent; on y vit arriver les membres du département et de plusieurs tribunaux; les gens lettrés les plus distingués, des chefs de la garde nationale, beaucoup d'hommes qui, jusqu'alors, avaient paru attachés à l'ancien régime, une infinité de personnes enfin qui, par les places qu'elles occupaient, leur fortune et leurs connaissances, devaient avoir un grand ascendant sur l'opinion publique; malheureusement cette opinion était encore loin de l'époque où de tels moyens pourraient la diriger. La fameuse société qui, à en juger le dénombrement rigoureusement exact que je viens d'en faire, devait être une des plus brillantes du monde civilisé, ne put résister à l'attaque que lui porta un jeune homme à peine sorti des années de l'enfance. Ce jeune homme, nommé Girey - Dupré, était collaborateur de M. Brissot, pour la rédaction de son journal, et travaillait d'ailleurs à la fortune politique de son patron, dans les par 1791. 1791. cafés, dans les salons, dans les (1) M. de Lacretelle aîné, membre distingué de faire usage de semblables moyens, et l'on 1791. resta paisible au milieu des huées et des sifflets qui fesaient un charivari effroyable. Les plus ardens d'entre nous se mordaient les poings de fureur, et les sages criaient silence, en invoquant gravement la constitution. Cette scène, qui commençait à devenir comique, le fut bien davantage, lorsqu'un cri imitant le chant du coq, parti de l'une des tribunes, fut répété de toutes parts par la foule qui nous assiégeait. Ce fut un très-jeune chirurgien, nommé Boi, fort éloigné de penser à l'importance de ce cri, qui le fit entendre le premier; il voulait faire allusion à l'affiche intitulée le Chant du Coq, que la cour fesait publier, comme je l'ai dit plus haut, et que M. Dandré, alors notre président, avait imaginée. Ceux qui avaient bravé les huées et les injures, ne purent tenir contre cette malice, qui peut être considérée comme une des causes les plus réelles de la dissolution des l'assemblée législative, avait imaginé et nous avions 1791. Feuillans. Chacun prit son parti, et se retira P'un après l'autre. Il pleuvait alors, et plusieurs Jacobins ayant leur parapluie sous le bras, s'étaient glissés dans la foule pour l'exciter à bien faire; cela fit dire qu'on nous avait chassés à coups de parapluie. On continua néanmoins de s'assembler les jours suivans; et le même tapage ayant recommencé, on résolut de députer au maire Pétion, pour le requérir de faire respecter les droits constitutionnels de la société. Je fus l'un des députés; nous savions très-bien que c'était fort mal nous adresser, et que M. Pétion étant un de ceux qui excitaient ce désordre, il s'arrangerait de façon que les mesures qu'il paraîtrait prendre pour le faire cesser, seraient plutôt une véritable autorisation de le continuer. En effet, n'ayant pu nous éviter, il se contenta de nous donner un ordre pour l'officier de police de l'arrondissement, de se rendre au lieu du trouble, et de prendre tous les moyens de conciliation pour rétablir la paix entre les personnes réunies aux Feuillans, et les personnes qui s'étaient introduites dans leur salle. Nous lui fîmes en vain observer qu'il ne devait pas être question de conciliation dans cette affaire, mais de chasser simplement de chez nous des insolens qui |