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1791.

« trône dont elle est l'appui, qu'à la persécu
<«<tion qu'elle éprouve, sacrifie tout pour ma-
« nifester par un zèle éclatant, qu'aucun ob-
«stacle ne peut empêcher un chevalier fran-
<<< çais de demeurer fidèle à son roi, à sa pa-
« trie, à son honneur; les droits de la magis.
« trature qui regrette, beaucoup plus que la
<< privation de son état, de se voir réduite à
« gémir en silence de l'abandon de la justice,
<< de l'impunité des crimes, et de la violation
« des lois dont elle est essentiellement dépo
<< sitaire; enfin, des droits des possesseurs que▶
«< conques, puisqu'il n'est point en France de
propriété qui ait été respectée, point de
<< citoyens honnêtes qui n'aient souffert.

« Comment pourriez vous, Sire, donner une
<< approbation sincère et valide à la prétendue
«< constitution qui a produit tant de maux.

« Dépositaire usufruitier du trône que vous « avez hérité de vos aïeux, vous ne pouvezni « en aliéner ·les droits patrimoniaux, ni dé, a truire la base constitutive sur laquelle il est

<< assis."

« Défenseur né de la religion de vos états, << Vous ne pouvez pas consentir à ce qui tend «‹ à sa ruiné, et abandonner ses ministres à « l'opprobre.

« Débiteur de la justice à vos sujets, vous

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« ne pouvez pas renoncer à la fonction essen« tiellement royale de la leur faire rendre par « les tribunaux légalement constitués, et d'en « surveiller vous-même l'administration.

« Protecteur des droits de tous les ordres, <«< et des possessions de tous les particuliers, << vous ne pouvez pas les laisser violer et « anéantir par la plus arbitraire des oppres

<<< sions.

« Enfin, père de vos peuples, vous De « pouvez pas les livrer au désordre de Parar« chie..

« Si le crime qui vous obsède, et la vio«lence qui vous lie les mains, ne vous per « mettent pas de remplir ces devoirs sacrés, «ils n'en sont pas moins gravés dans votre « cœur en traits ineffaçables, et nous accom « plirons votre volonté réelle, en suppléant, « autant qu'il est en nous, à l'impuissance « où vous êtes de l'exercer. Dussiez-vous même « nous le défendre, et fussiez-vous forcé de <«< vous dire libre en nous le défendant; ces « défenses évidemment contraires à vos sen« timens, puisqu'elles le seraient au premier « de vos devoirs; ces défenses, sorties du sein « de votre captivité, qui ne cessera réelle«ment que quand vos peuples seront rentrés << dans le devoir, et vos troupes sous votre

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«< obéissance; ces défenses qui ne pourraient

«

«

<< avoir plus de valeur que tout ce que vous << avez fait avant votre sortie, et que vous « avez désavoué ensuite; ces défenses enfin, << qui seraient imprégnées de la même nullité << que l'acte approbatif contre lequel nous se<< rions obligés de protester, ne pourraient «< certainement pas nous faire trahìr notre « devoir, sacrifier vos intérêts, et manquer å «< ce que la France aurait droit d'exiger de << nous, en pareille circonstance, nous obéi<< rons, Sire, à vos véritables commandemens, « en résistant à des défenses extorquées, et « nous serions sûrs de votre approbation, en << suivant les lois de l'honneur. Notre parfaite « soumission vous est trop connue pour que jamais elle vous paraisse douteuse. Puissions« nous être bientôt au moment heureux où, « rétabli en pleine liberté, vous nous verrez << voler dans vos bras, y renouveler l'hommage << de notre obéissance, et en donner l'exemple « à tous vos sujets.

« Nous sommes, Sire, notre frère et sei<< gneur de votre majesté

Les très-humbles et très-obéissans Frères;
Serviteurs et Sujets,

LOUIS-STANISLAS-XAVIER. CHARLES-PHILIppe.

Au château de Schonburnstust, près Coblentz, le 10 sept. 1791

Les

Les événemens qui ont suivi la publicité de cette lettre en sont des commentaires suffisans; ils prouvent assez bien, je pense, que les hommes dans lesquels on reconnaît le plus de talens, ne sont cependant pas toujours ceux qui calculent le plus juste. M. de Calonne, auteur de l'écrit qu'on vient de lire, ne présumait pas, sans doute, que le langage qu'il fesait tenir aux frères du roi servirait bientôt de prétexte à tous les soupçons auxquels S. M. fut en butte, et qui, grossissant avec l'orage, accumulèrent sur sa tête un débordement d'infortunes. L'ex-ministre avait déja assez mal servi la cause royale pendant son élévation, il la servit encore plus mal, dans les circonstances qu'on rappelle ici. Apparemment le plus zélé serviteur des rois était destiné à leur porter, sans le savoir, les coups les plus funestes; mais ce n'est pas à M. de Calonne seul qu'il faut appliquer cette réflexion.

Tandis que les princes, convaincus de la sincérité des promesses de l'empereur et du roi de Prusse, comme de l'indispensable célérité qu'ils alloient sans doute mettre à l'exécution de l'engagement qu'ils venaient de prendre, M. de Bouillé courait solliciter l'appui des puissances du Nord. Il avait observé

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ce qui se passait en Allemagne, où les émigrés seuls formaient d'inutiles rassemblemens; et pressenti que l'ambition de l'Autriche serait un grand obstacle au développement de la générosité de l'empereur ; il avait calculé enfin, que l'intérêt momentané que pouvaient avoir Léopold et Frédéric à réunir leurs armes, ne combattrait que faiblement la nécessité continuelle où ils étaient de les tenir séparées.

L'impératrice, qui régnait encore à Pétersbourg, accueillit avec empressement les sollicitations du général français, et lui promit tout ce qu'il demanda; mais il ne fut pas long-temps à s'apercevoir qu'il y aurait beaucoup moins de réalité dans l'exécution, qu'il n'y avait de magnificence dans les promesses. En Suède, M. de Bouillé trouva un monarque plein d'honneur et de loyauté, qu'un héroïsme brûlant semblait avoir destiné pour les plus audacieuses entreprises; la situation dans laquelle on lui avait dépeint le roi de France, avait enflammé son courage, voulait courir sur-le-champ aux armes pour aller le délivrer; mais il n'avait ni assez de soldats, ni assez d'argent pour exécuter un projet aussi difficile; il fallut donc avoir recours aux négociations; elles eurent pour ré

il

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