Page images
PDF
EPUB

1792.

« nous laisse en repos. Les nations qui vou« dront rester soumises au despotisme et à « l'aristocratie, n'ont rien à craindre d'une << nation qui a solemnellement renoncé aux « conquêtes. » L'orateur concluait en demandant qu'on déclarât sur-le-champ la guerre à l'empereur, au roi d'Espagne, à l'évêque de Spire, aux électeurs de Trèves et de Mayence, pour avoir souffert des rassemblemens d'émigrés sur leur territoire.

M. Becquet, l'un des plus zèles partisans de la paix, s'opposa à toutes les propositions qui appelaient immédiatement la guerre, et fut d'avis que la question fût renvoyée au comité, et soumise à un examen plus approfondi.

Dans cette circonstance le roi crut qu'il pouvait encore s'opposer à la démarche vio-, lente à laquelle l'assemblée paraissait déterterminée: il lui représenta dans une lettre datée du 28 janvier, que, conformément à la constitution, à lui seul appartenait le droit de diriger les opérations diplomatiques, et que la guerre ne pouvait être entreprise avant qu'il en eût fait la proposition formelle et nécessaire; il ajouta que depuis quinze jours il avait demandé àl'empereur des explications sur les divers points qui fesaient l'objet des débats de l'assemblée, et avait conservé avec

lui les égards que se doivent les puissances; 1792. enfin, que, si malheureusement il fallait avoir la guerre, on devait sur-tout éviter le tort de l'avoir provoquée. La lettre du roi produisit peu d'effet, l'on continua de tourmenter ses ministres de toutes les manières, ceux surtout qu'on croyait les plus dévoués à l'autorité royale tous les hommes opposés aux mesures révolutionnaires, ou seulement qui demandaient qu'on mît plus de sagesse et de maturité dans les délibérations, étaient ap pelés ministériels, et le peuple entendait parlà qu'ils étaient vendus aux ministres et à la cour; c'était effectivement ce qu'on voulait lui faire entendre.

A l'époque que je rappelle ici, on reprit les attaques contre la fameuse pétition des administrateurs du département de Paris, que j'ai fait connaître plus haut. Heureusement, le député chargé du rapport qu'on avait demandé sur cette affaire leur fut favorable; M. Gorguerau, au lieu d'attaquer les pétitionnaires, fit la censure la plus amère, et en même temps la plus vigoureuse, de la conduite de leurs dénonciateurs. La séance dans laquelle ce rapport fut fait, présenta le tableau d'un scandale continu; les membres jacobins de l'assemblée et ceux répandus dans les tri

1792.

bunes, couvrirent M. Gorguerau de huées et d'invectives: il ne se déconcerta pas un instant, et continua de leur débiter les vérités les plus dures. Ses antagonistes parvinrent toutefois à faire annuller le rapport, et charger une autre section du comité d'en faire un nouveau.

Ce fut dans ce temps qu'on décréta le séquestre de tous les biens des émigrés, mesure préalable aux opérations qui devaient bientôt suivre. Déja une autre loi, dont celle-ci était la conséquence, avait assujéti les pensionnaires et les rentiers de l'état à prouver, par un certificat de résidence, qu'ils n'étaient point sortis du territoire français depuis le commencement de la révolution, ou qu'ils avaient obéi aux réquisitions qui leur avaient été faites d'y rentrer; faute de ce certificat, ils ne pouvaient toucher leurs revenus. Pendant ces mouvemens et toutes ces mesures sévères, on organisait la garde contitutionnelle du roi; elle n'existait pas encore, qu'elle était dénoncée. On répandait dans tous les clubs, on disait même dans l'assemblée, que M. de Brissac chargé de la formation de ce corps, éloignait impitoyablement tous les militaires patriotes, pour n'admettre que des aristocrates; ainsi, l'on dut prévoir que si la garde du roi ne se maintenait elle-même par quelqu'acte de

vigueur, elle n'existerait pas long-temps par le seul secours de son organisation légale. En attendant son sort, elle prêta serment entre les mains de la municipalité, suivant le desir du roi. Il fallut un décret pour régler la formule de ce serment, tant on avait peur qu'elle ne défendît sa majesté autrement qu'on ne voulait qu'elle fût défendue.

La crise que toutes ces tracasseries annonçaient et provoquaient, fut déterminée par une note communiquée au gouvernement français, par le prince de Kaunitz, principal ministre de l'empereur. On m'a assuré qu'elle fut rédigée par l'empereur lui-même.

M. Delessart, en rendant compte de cette dépêche à l'assemblée et au public, exposa quelle avait été la conduite antérieure de l'empereur, relativement à la situation du roi de France avant l'acceptation de l'acte constitutionnel: tout est important dans cette affaire, tant pour les® personnages qui figurent, que pour les événemens qui en furent la suite.

« A cette époque, dit le ministre impérial, << la France offrait à l'Europe le spectacle d'un roi légitime, forcé, par des violences atroces, « à s'enfuir, protestant solemnellement contre <«<les asquiescemens qu'on lui avait extorqués,

«

1792.

1792.

« et, peu après, arrêté et détenu prisonnier « avec sa famille par son propre peuple.

« Oui, c'était alors au beau-frère et à l'allié « du roi à inviter les autres puissances de « l'Europe de se concerter pour déclarer à la « France:

« Qu'ils regardent tous la cause du roi très<«< chrétien comme la leur propre; qu'ils de<< mandent que ce prince et sa famille soient << mis sur-le-champ en liberté, en leur accor<< dant le pouvoir de se porter où ils le juge<< ront convenable, et réclament, pour toutes « ces personnes royales, l'inviolabilité et le «< respect auxquels le droit de nature et des << gens obligent les sujets envers leurs princes; Qu'ils se réuniront pour venger, avec le « plus grand éclat, tous les attentats ultérieurs « quelconques que l'on commettrait, ou per<< mettrait de commettre contre la sûreté, la << personne et l'honneur du roi, de la reine et « de la famille royale;

[ocr errors]
[ocr errors]

Qu'enfin ils ne reconnaîtraient comme « lois et constitution légitimement établies en « France, que celles qui se trouveraient mu<< nies du consentement volontaire du roi, jouissant d'une liberté parfaite; mais qu'au « contraire, ils emploieraient, de concert, << tous les moyens placés en leur puissance,

[ocr errors]
« PreviousContinue »