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◄ attend de vous. Nous vous supplions donc, 1791. «Sire, d'acquiescer à cette double demande, <<<et de ne pas les séparer l'une de l'autre. » (r)

Cette démarche produisit l'effet qu'en avaient attendu ses auteurs ; le veto royal fut apposé sur le décret. Sa majesté vint ensuite à l'assemblée, le 14 décembre, et y prononça ce discours remarquable.

«MESSIEURS,

« J'ai pris en grande considération votre «<message du 29 du mois dernier. Dans une «< circonstance où il s'agit de l'honneur du <<< peuple français et de la sûreté de l'em«pire, j'ai cru devoir vous porter moi-même <«<ma réponse: la nation ne peut qu'applau«<dir à ces communications entre ses repré<< sentans élus et son représentant héréditaire.

Sed

(1) Cette pétition est du 5 décembre 1791. Il est bon de comparer les mouvemens que produisirent le décret contre les émigrés, et celui contre lequel on réclame ici, avec la lettre de Louis xvi au roi de Prusse, qu'on trouvera ci-après. Au surplus, la détermination du roi, dans cette circonstance, fut prise d'après les conseils de MM. Barnave, de Lameth, Duport et autres revolutionnaires devenus constitutionnels.

1791.

<< Vous m'avez invité à prendre des mesures « décisives pour faire cesser enfin ces rassem- . «blemensextérieurs, qui entretiennent, au sein << de la France, une inquiétude, une fermenta«<tion funestes, nécessitent une augmentation « de dépenses qui nous épuisent et compro<< mettent plus dangereusement la liberté « qu'une guerre ouverte et déclarée. Vous de<< sirez que je fasse connaître aux princes voi« sins qui protègent ces rassemblemens con<< traires aux règles du bon voisinage et aux <<< principes du droit des gens, que la nation << française ne peut tolérer plus long-temps « ce manque d'égards et ces sourdes hostili« tés. Enfin, vous m'avez fait entendre qu'un « mouvement général entraînait la nation, et « que le cri de tous les Français était : Plutôt << la guerre qu'une patience ruineuse et avi<< lissante.

<< Messieurs, j'ai pensé long-temps que les <«< circonstances exigeaient une grande circons<«<pection dans les mesures; qu'à peine sortis << des agitations et des orages d'une révolu<< tion, et au milieu des premiers essais d'une <«< constitution naissante, il ne fallait négliger << aucuns des moyens qui pouvaient préserver «la France des maux incalculables de la « guerre; ces moyens, je les ai tous employés:

« d'un autre côté, j'ai tout fait pour rappe<«<ler les Français émigrans dans le sein de << leur patrie, et les porter à se soumettre aux <<< nouvelles lois que la grande majorité de la <<< nation avait adoptées; de l'autre, j'ai employé les insinuations amicales, j'ai fait << faire des réquisitions formelles et précises << pour détourner les princes voisins de leur << prêter un appui propre à flatter leurs es<< pérances, et à les enhardir dans leurs témé«raires projets.

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<< L'empereur a rempli ce qu'on devait at« tendre d'un allié fidèle, en défendant et en dispersant tout rassemblement dans ses états.

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<< Mes démarches n'ont pas eu le même succès << auprès de quelques autres princes; des ré«ponses peu mesurées ont été faites à mes réquisitions. Ces injustes refus provoquent << des déterminations d'un autre genre. La << nation a manifesté son vou, vous l'avez << recueilli, vous en avez pesé les conséquences, << vous me l'avez exprimé par votre message. « Messieurs, vous ne m'avez pas prévenu, « et je vais vous faire connaître la résolution << que j'ai prise pour en poursuivre la répa

<< ration.

« Je fais déclarer à l'électeur de Trèves, « que si, avant le 15 de janvier, il ne fait

1791.

<< pas cesser, dans ses états, tout attroupement 1791. << et toutes dispositions hostiles de la part des << Français qui y sont réfugiés, je ne verrai «< plus en lui qu'un ennemi de la France. Je « ferai faire une semblable déclaration à tous. <<< ceux qui favoriseraient de même des rassem«blemens contraires à la tranquillité du << royaume ; et en garantissant aux étrangers « toute la protection qu'ils doivent attendre « de nos lois, j'aurai bien le droit de deman<< der que les outrages que des Français peuvent « avoir reçus, soient promptement et com<< plètement réparés.

«

« J'écris à l'empereur, pour l'engager à « continuer ses bons offices, et, s'il le faut, « à déployer son autorité, comme chef de « l'Empire, pour éloigner les malheurs que « ne manquerait pas d'entraîner une plus << longue obstination de quelques membres du « corps germanique. Sans doute on peut beau<< coup attendre de son intervention, appuyée « du poids imposant de son exemple; mais je « prends en même temps, les mesures mili<< taires les plus propres à faire respecter ces << déclarations; et si elles ne sont point écou«tées, alors, messieurs, il ne me restera plus « qu'à proposer la guerre; la guerre, qu'un « peuple qui a solemnellement renoncé aux

« conquêtes ne fait jamais sans nécessité, mais << qu'une nation généreuse et libre sait entre<< prendre, lorsque sa propre sûreté, lorsque << l'honneur le commandent.

« Mais, en nous abandonnant courageuse<< ment à cette résolution, hâtons-nous d'em«ployer les moyens qui seuls peuvent en <«< assurer le succès. Portez votre attention, « messieurs, sur l'état des finances; affermi«sez le crédit national; veillez sur la fortune << publique; que vos délibérations, toujours sou<«< mises aux principes constitutionnels, pren<< nent une marche grave, fière, imposante, la « seule qui convient aux législateurs d'une « grand empire (1): que les pouvoirs consti« tués se respectent pour se rendre plus res<< pectables; qu'ils se prêtent un secours mu<< tuel, au lieu de se donner des entraves, et << qu'enfin on reconnaisse qu'ils sont distincts, << et non ennemis. Il est temps de montrer aux « nations étrangères, que le peuple français, << ses représentans et son roi ne font qu'un(2).

(1) Cette tirade ne fut applaudie que par une partie de l'assemblée, à laquelle cependant les tribunes se réu nirent; les Jacobins gardèrent le silence.

Cette phrase fut couverte par des applaudissemens unanimes.

1791.

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