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M. Gensonné, l'un des membres les plus distingués du parti de la Gironde, voulait que tous les citoyens qui auraient intention de se réunir pour l'exercice d'un culte religieux, dans un édifice particulier, n'en eussent la faculté qu'après l'avoir obtenue du directoire de leur département, sur une attestation fournie par la municipalité, de leur prestation de serment civique; il vouloit encore que si, par suite des prédications ou discours prononcés dans ces assemblées, il survenait quelque désordre, les auteurs de ces prédications en fussent responsables.

M. Ramond était d'avis que, pour rétablir la paix, on donnât aux prêtres de tous les cultes, un traitement proportionnel au nombre des personnes qui en suivraient l'exercice. Ces projets et plusieurs autres furent écartés. L'assemblée adopta celui proposé par M. François (de Neufchâteau), au nom du comité de législation. Il consistait à obliger tous les ecclésiastiques non-sermentés à prêter le serment civique, c'est-à-dire celui imposé par la constitution à tous les fonctionnaires civils, sous peine d'être privés de leurs traitemens ou pensions; il portait, en outre, que les prêtres qui auraient refusé de prêter ce serment, seraient mis sous la surveillance

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particulière des directoires de département qui, en cas de trouble, auraient la faculté de les expulser de leur territoire, sur la simple dénonciation de quelques citoyens.

Ce décret, odieux aux amis de l'ancien régime, fut généralement improuvé par les constitutionnels: les Jacobins seuls l'applaudirent avec leur véhémence accoutumée ; mais cette violence, que devançait encore la violence du petit peuple, était une puissance terrible qui devait briser tous les obstacles. MM. Taleyrand de Périgord, quoique prêtre sermenté, Brousse-Défaucherets, la Rochefoucault (le duc de), Germain - Garnier, Thion-de-la-Chaume, Anson, Desmeuniers, Beaumetz, tous membres du directoire du département, et, pour la plupart, de l'assemblée constituante, ne craignirent pas de supplier le roi, par une pétition qu'ils rendirent publique, d'opposer son veto au décret de l'assemblée. Indignée d'une telle hardiesse, la société des Jacobins fit venir des anathêmes de toutes les parties de la France contre la redoutable pétition; elle la dénonça elle – même, la fit attaquer par sa succursale, la société Fraternelle, et forma, dans toutes les divisions de Paris, des rassemblemens auxquels elle donna des chefs pris dans son sein,

pour la poursuivre à outrance. Ces rassemblemens, se qualifiant sections de Paris, venaient tous les jours à la barre de l'assemblée demander, à grands cris, que les membres du directoire fussent mis en état d'accusation, comme coupables de forfaiture. Il est peu de circonstances où ces révolutionnaires aient développé tous leurs moyens avec plus d'ensemble et d'activité; cependant toutes les mesures qu'ils prenaient ne pouvaient être que préparatoires. La naissante constitution n'était pas encore assez décriée, assez avilie, pour qu'ils pussent l'attaquer ouvertement sans courir de grands dangers pour eux-mêmes: tout ce qu'ils entreprirent contre le département n'occasionna que du bruit; mais ils savaient que ce bruit, ce verbiage, en apparence inutiles, produisaient cependant, dans les têtes brûlantes et crédules, des effets terribles, dont un jour ils sauraient bien tirer parti.

Par la raison opposée, la fameuse pétition fut regardée par tous les constitutionnels, comme l'expression et le vœu de chacun d'eux; tous leurs journaux, qui étaient encore les plus nombreux, prirent sa défense; tous leurs orateurs parlèrent en sa faveur. Cette pièce est un monument historique pour les événe

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mens et les principes qu'elle rappelle, et ces mesures qu'elle voulait empêcher. Après avoir invité le roi à ne plus garder de ménagement avec les émigrés, et adroitement déploré la nécessité où se trouvait sa majesté de faire usage d'une prérogative dont il eût été si desirable qu'elle eût pu suspendre l'action, les pétitionnaires s'exprimèrent ainsi :

Sire, l'assemblée nationale a certaine<< ment voulu le bien, et ne cesse de le vouloir, nous aimons à lui rendre cet hommage, « et la venger ainsi de ses coupables détrac<< teurs! Elle a voulu extirper les maux in<< nombrables dont, en ce moment sur-tout, «<les querelles religieuses sont la cause ou le prétexte mais nous croyons qu'un aussi louable dessein l'a poussée vers des mesures « que la constitution, ; que la justice, que la prudence ne sauraient admettre.

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«Elle fait dépendre, pour tous les ecclé

siastiques non-fonctionnaires, le payement << de leurs pensions de la prestation du ser« ment civique; tandis que la constitution a « mis expressément et littéralement ces pen«<sions au rang des dettes nationales; or le << refus de prêter un serment quelconque, de << prêter le serment, même le plus légitime, << peut-il détruire le titre d'une créance qu'on

<< a reconnue? peut-il suffire, dans aucun sens, « à un débiteur d'imposer une condition pour «< se soustraire à l'obligation de payer une « dette antérieure ?

« L'assemblée nationale constituante a fait, << au sujet des prêtres non-assermentés,ce qu'elle pouvait faire; ils ont refusé le serment pres« crit, elle les a privés de leurs fonctions, et, << en les dépossédant, elle les a réduits à une

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pension; voilà la peine, voilà le jugement: « or peut-on prononcer une nouvelle peine « sur un point déja jugé, toutes les fois qu'au« cun délit individuel ne change pas l'état de la question? L'assemblée nationale, après que « les prêtres non-assermentés auront été dépouillés, veut encore qu'on les déclare sus<< pects de révolte contre la loi, s'ils ne prê<< tent pas un serment qu'on n'exige d'aucun citoyen non-fonctionnaire; or, comment, peut-elle déclarer des hommes suspects de « révolte contre la loi? a-t-on le droit de << présumer ainsi le crime?

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« Le décret de l'assemblée nationale veut << que les ecclésiastiques qui n'ont pas prêté ce, <«< serment, ou qui l'ont rétracté, puissent, << dans tous les troubles religieux, être éloignés provisoirement et emprisonnés, s'ils << n'obéissent à l'ordre qui leur sera intimé,

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