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Prostitution et maladies vénériennes en Algérie

ENQUÊTE DE MM. LES DOCTEURS A. REY ET L. JULIEN D'ALGER (I).

6,000 hommes environ.

Garnison:

Université:

1. École de plein exercice de médecine et de pharmacie. 2. École de droit délivrant le diplôme de licencié en droit. 3. École supérieure des sciences.

4. École supérieure des lettres.

Industrie:

Industries diverses.

Le port d'Alger occupe le 2e rang des ports de France.

Nombre d'habitants:

128,957 habitants y compris les deux faubourgs de Mustapha et de Saint-Eugène qui forment momentanément deux communes distinctes.

1.

I.

QUESTIONS RELATIVES A LA PROSTITUTION.

La prostitution est-elle libre ou les prostituées sont-elles surveillées? R. La prostitution est surveillée en principe.

Combien existe-t-il de prostituées inscrites?

R. 337 (8 juillet 1899).

207 Européennes.

130 Mauresques.

(1) Note communiquée par M. le Docteur BARTHÉLEMY, médecin de Saint-Lazare.

Combien existe-t-il de maisons de tolérance et combien comptent-elles de pensionnaires?

R. 13 maisons de tolérance comptant :

94 pensionnaires européennes.

5 pensionnaires Mauresques.

Il existe, en outre, 16 maisons de femmes indigènes comptant 60 pensionnaires qui se livrent à la prostitution. Ces maisons ne peuvent être comparées à des maisons de tolérance. On peut considérer ces prostituées comme des femmes cartées vivant par groupes.

2.

Quels sont les règlements actuels sur la prostitution?

R. Règlements similaires à ceux des villes de France.

Ces règlements sont-ils observés et comment?

R. La police des mœurs fait son possible, mais, depuis deux ans surtout, elle est la plupart du temps distraite pour d'autres services; elle n'a, du reste, pas le droit d'intervenir dans les 2 faubourgs d'Alger, qui forment des communes indépendantes- sans service des mœurs où les prostituées malades ou non se réfugient.

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Ces deux faubourgs, Mustapha et Saint-Eugène comptent environ 45,000 habitants, dont 38,000 pour Mustapha; il n'y existe pas de maisons publiques.

Les matrones sont très habiles à élucider les règlements sanitaires elles oublient de faire inscrire un certain nombre de leurs pensionnaires, ce qui leur permet de présenter toujours un même nombre de femmes saines à la visite sanitaire.

Les prostituées isolées négligent aussi très souvent de se rendre à la visite sanitaire, dans ce cas elles sont passibles d'une légère amende qui remplace la visite.

Ces règlements sont-ils efficaces et dans quelle mesure?

R. Seraient efficaces s'ils étaient strictement appliqués.

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3. A-t-il existé auparavant d'autres règlements que ceux actuellement en vigueur?

Si oui, pourquoi ont-ils été modifiés?

R. Pas de modifications, du moins pendant ces dernières années.

Pour éviter les substitutions, un ordre du commissaire central exigeait que le photographie de la femme inscrite fut collée sur sa carte d'identité. Cet ordre est resté à l'état de lettre-morte.

4. De quelle façon, où et par qui se fait l'examen des prostituées?

R. Visite hebdomadaire par trois médecins municipaux, élus par la voie du concours, dans un local appelé Dispensaire appartenant à la Municipalité.

L'examen des gonocoques est-il pratiqué et combien de fois?

R. Tous les écoulements uréthraux de femmes arrêtées sont au moins examinés une fois.

Quelles sont les conditions exigées pour qu'un médecin soit chargé de ce service?

R. Les trois médecins visiteurs ont été choisis par la voie du concours. Actuellement le médecin traitant du Dispensaire a été nommé directement par la Municipalité après avoir rempli pendant cinq ans les fonctions d'interne et de médecin suppléant du dit établissement.

5.

De quelle façon se pratique l'hospitalisation des prostituées?

R. Les femmes reconnues malades à la visite sanitaire sont internées et soignées dans les locaux du Dispensaire.

Existe-t-il un traitement ambulatoire?

R. Les prostituées syphilitiques

non atteintes d'accidents contagieux sont autorisées à venir librement se faire soigner au Dispensaire par les injections mercurielles. Beaucoup d'Européennes et certaines Mauresques usent de cette faveur.

6. Sous quelle forme existe la prostitution clandestine (prostituées errantes, serveuses, prostituées intermittentes)?

Depuis une dizaine d'années les femmes ne sont plus autorisées à servir dans les cafés. Quelques femmes, appartenant à la haute galanterie et auxquelles la police des mœurs n'ose toucher, vien

nent le soir raccrocher sur la terrasse des grands cafés et dans les salles du Casino.

7.- Dans quels milieux se recrutent les prostituées?

R. Les trois quarts des pensionnaires des maisons de toléranc sont des filles de la campagne amenées d'Espagne et ne sachant ni lire ni écrire.

Les prostituées isolées se recrutent surtout dans les milieux pauvres. Comprennent aussi les filles trompées venues de la Métropole.

Quelles sont les influences générales ou locales qui les poussent à la proslilution?

R. Les filles qui se livrent à la prostitution surveillée y sont poussées par la misère et surtout par le manque d'éducation.

Les femmes qui se livrent à la prostitution clandestine et qui appartiennent à un milieu plus élevé que les femmes du groupe précédent, y sont surtout poussées par l'amour du luxe et par la paresse.

Signalons aussi l'insuffisance de salaire du travail des femmes. Les demoiselles de magasin touchant un traitement variant de 30 à 60 francs par mois sans nourriture ni logement pour fournir de douze à quinze heures de travail par jour.

8. Quel est l'âge moyen des prostituées inscrites et surveillées; depuis combien de temps se livrent-elles à leur métier ?

9.

10.

R. Commencent leur métier vers l'âge de 16 ans.

La majorité de ces femmes a un âge compris entre 20 et 30 ans.

· Existe-t-il des institutions ayant pour but d'empêcher la prostitution des jeunes filles mineures ou d'aider les prostituées qui désirent quitter leur profession (établissements de filles repenties, etc.)?

R. Non.

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R. La prostitution des mineures est fréquente chez les mauresques. Des filles indigènes ont été soignées au Dispensaire avant leurs premières règles. Cette prostitution est très difficile à contrôler.

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II.

QUESTIONS RELATIVES AUX MALADIES VÉNÉRIENNES :

Existe-t-il des statistiques sur la fréquence des maladies vénériennes

a) Dans la population totale;

R. Non.

b) Dans la garnison;

R. Oui. Statistiques de l'hôpital du Dey.

c) Chez les prostituées;

R. Oui. Statistiques du Dispensaire.

d) Dans les différentes classes de la société (étudiants, matelots, ouvriers, marchands, prostituées clandestines);

R. Non.

e) Dans les campagnes et les centres industriels? R. Non.

A défaut de statistiques précises, quelle est votre impression sur l'augmentation ou la diminution des maladies vénériennes?

Quels sont les modes de dissémination de ces maladies?

R. Les maladies vénériennes, malgré l'absence de statistiques, sont très fréquentes à Alger. Sur les statistiques des corps de France, la division d'Alger arrive bonne première avec 84 p. m. de maladies vénériennes sur la masse du contingent.

Les maladies vénériennes sont surtout importées, à Alger, parmi les femmes publiques, par les nombreux matelots de passage.

2. al Quelle part, dans la propagation des maladies vénériennes,

revient :

1o A la prostitution réglementée;

R. Notre pratique personnelle nous permet d'affirmer que le tiers des maladies vénériennes contractées, à Alger, sont des affections prises avec les femmes inscrites.

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