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Parmi les prostituées insoumises, les mineures forment un contingent important. Leur nombre est fort considérable et il est impossible de l'évaluer d'une façon approximative. Depuis les petites bouquetières de douze à quinze ans qui sollicitent sur les boulevards et dans les quartiers du Centre la lubricité des passants, jusqu'aux jeunes raccrocheuses qui pullulent sur les boulevards extérieurs, aux abords des halles et des gares de chemin de fer et même dans les rues les plus fréquentées, toujours suivies de l'inévitable souteneur, elles forment un contingent considérable parmi la légion des prostituées d'habitude et rien ne saurait être plus urgent que de mettre un terme à leur inquiétant accroissement (1). "

Un grand nombre de ces filles exercent leur métier sans contrôle d'aucune sorte; aussi sont-elles des syphilifères très actives, ce qui se conçoit bien, la prostituée étant, à ce point de vue, d'autant plus dangereuse qu'elle est plus rapprochée de son début dans la prostitution. D'ailleurs, quelle que soit la maladie vénérienne, les mineures comptent, pour une très large part, dans la propagation de ces maladies. C'est ainsi que sur 7,944 insoumises malades, nombre relevé en dix ans (1878-1887), on en trouve 4,712, les quatre-cinquièmes originaires du département de la Seine. Chez ces mineures la proportion des syphilitiques est de 56.26 p. c. environ, tandis qu'elle n'est que de 54,98 p. c. chez les insoumises majeures. Au point de vue des accidents vénériens, la proportion est la suivante; 46.03 p. c. chez les mineures; 42.45 p. c. chez les majeures. La grande majorité des mineures (4,513 sur 5,136) habite dans des hôtels garnis sous la dépendance d'un marchand de vins.

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Après leur sortie de Saint-Lazare, un certain nombre de prostituées reviennent au domicile paternel (347 en dix ans). D'autres

(1) E. RICHARD, Rapport au Conseil municipal, 1890, p. 97.

sont admises dans différents refuges. Pendant la même période décennale (1878-1887), on en a inscrit :

26 dans des asiles protestants.

Euvre des Diaconesses.

Euvre protestante des prisons des femmes de Paris;

10 à l'asile d'Auteuil (Hospitalité du Travail);

142 dans des refuges dirigés par les religieuses de l'ordre MarieJoseph (Ouvroir de la Miséricorde);

196 à l'Euvre du Bon-Pasteur.

A côté de ces établissements, signalons encore l'admissibilité de ces femmes dans les asiles municipaux Georges-Sand, PaulineRoland, Michelet, Ledru-Rollin, les trois dernières étant destinés aux femmes enceintes, et l'institution dite l'Euvre des libérées de Saint-Lazare ".

STATISTIQUES SUR LA FRÉQUENCE DES MALADIES VÉNÉRIENNES.

La fréquence des maladies vénériennes dans la population totale de Paris ne peut être rigoureusement évaluée, car il n'existe aucune statistique exacte des malades en dehors de celles des hôpitaux. Ces maladies y ont été et y sont toujours très répandues, puisque, pour certains médecins, 70 p. c. des habitants auraient eu ou ont actuellement des manifestations de la syphilis. La Blennorrhagie y serait encore plus florissante.

Une statistique dans l'armée est plus facile à établir. Je ne m'en occuperai pas, l'un de nos confrères étant chargé d'un rapport à ce sujet.

Chez les prostituées, voici les chiffres que rapporte M. le Dr Commenge:

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Cette statistique porte sur une période décennale prenant fin en 1887 (1). Or, depuis cette époque, la fréquence des maladies vénériennes n'a pas subi de diminution, comme le prouve le relevé suivant fait par M. le Dr Le Pileur (2) pour l'année 1897 :

Prostituées insoumises: 873 malades sur 2,968 visites.

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Soumises :

7

proportion (par rapport au nombre des visites) supérieure à celles des années précédentes.

INFLUENCE CONSIDÉRABLE DE LA PROSTITUTION CLANDESTINE SUR LA PROPAGATION DES MALADIES VÉNÉRIENNES.

Il résulte nettement de ces diverses statistiques qu'à Paris ce sont les insoumises (en particulier les mineures) qui constituent un des éléments les plus importants de la prostitution clandestine et qui contribuent, pour une part considérable, à la propagation des maladies vénériennes. C'est l'opinion soutenue, avec preuves à l'appui, par la grande majorité des auteurs qui se sont occupés de cette question de la prostitution. (Fournier, Le Fort, Th. Roussel,

(1) Il ne nous a pas été possible d'obtenir une statistique générale détaillée, comprenant les dix dernières années.

(2) Le Pileur: « Discussion sur la réglementation de la prostitution ». (Soc. méd. de l'Élysée, avril, juin, juillet 1898.)

Trélat, Mauriac, Martineau, Brouardel, Jullien, Barthélemy, Verchère, Guiard, etc.).

La prostitution clandestine est un danger, quoiqu'on en puisse dire. C'est principalement à elle qu'est due l'extension de la syphilis et du péril social qu'elle engendre... Qu'on la laisse libre de toute surveillance, et en quelques années on en verra les tristes résultats : un accroissement considérable des maladies vénériennes et, par suite, l'extension de la dégénérescence de la race, l'augmentation de la mortalité infantile et la plus grande fréquence de la stérilité.

HOSPITALISATION DES VÉNÉRIENNES LIBRES ET DES VÉNÉRIENS.
HÔPITAUX SPÉCIAUX : LOURCINE, RICORD, SAINT-LOUIS.

L'hospitalisation des vénériennes libres a lieu principalement dans les hôpitaux de Lourcine et de Saint-Louis et, accessoirement, dans tous les hôpitaux généraux. Comme, dans ces derniers, il n'existe pas de services speciaux pour les maladies vénériennes, cette hospitalisation est tout à fait insuffisante, l'hôpital de Lourcine ne possédant que 200 lits et les autres hôpitaux étant de préféfence remplis par des maladies de tout autre ordre. D'ailleurs, les malades étant libres de sortir de ces hôpitaux à leur gré, leur guérison n'est souvent qu'incomplète.

Les vénériens sont reçus et traités à l'hôpital Ricord et dans les hôpitaux généraux; mais dans ceux-ci ils n'occupent qu'un nombre de lits très restreint.

CLINIQUES PRIVÉES POUR LE TRAITEMENT DES MALADIES VÉNÉRIENNES.

Outre les services hospitaliers consacrés au traitement des maladies vénériennes, il existe, dans différents quartiers de Paris, des cliniques privées où l'on donne plusieurs fois par semaine des consultations les unes gratuitement, les autres avec rémunération légère. Ces cliniques sont sous la direction de médecins qui se sont spécialisés dans la pratique de ces maladies.

ENSEIGNEMENT DE LA VÉNÉRÉOLOGIE.

A la Faculté de médecine, il n'y a pas de chaire affectée à cette

branche de la médecine. Les professeurs et les agrégés, dans leurs cours annuels, ne s'occupent qu'incidemment de l'étude des affections vénérieunes. Tous les ans quelques professeurs libres sont autorisés à faire un cours sur ces matières.

Dans les hôpitaux généraux, certaines leçons des chefs de service sont consacrées à ces mêmes études de vénéréologie et de syphiligraphie, mais l'enseignement le plus régulier en est donné chaque semaine par les médecins et chirurgiens de l'hôpital Ricord, de Lourcine, de Saint-Lazare et de Saint-Louis.

Cet enseignement, qui mériterait de recevoir une extension mieux comprise, est cependant organisé, tel qu'il a lieu actuellement, de façon à fournir aux étudiants et aux praticiens des notions assez étendues sur les différentes maladies vénériennes.

Remarques :

Du court exposé que nous venons de donner de l'état actuel de la prostitution à Paris, il ressort que jamais la question de l'étude de la prophylaxie des maladies vénériennes ne s'est présentée avec plus d'actualité.

Le mal vénérien a subi une marche toujours croissante depuis quelques années: aussi est-il devenu un véritable danger social. Inutile, en effet, d'insister sur les multiples conséquences de la syphilis et de la blennorrhagie. Personne n'en conteste les déplorables résultats.

Si nous ne craignions de trop allonger ces remarques, il nous serait bien facile de montrer que, pour la syphilis, malgré l'atténuation, depuis une vingtaine d'années, des accidents spécifiques chez celui qui en est atteint par suite d'un traitement mieux appliqué, l'infection n'en imprime pas moins, dans la majorité des cas, une tare organique à laquelle revient une grande part dans l'extension de la dégénérescence générale.

Pour la blennorrhagie, qui n'est pas moins dangereuse que la syphilis, n'a-t-on pas appris de jour en jour à reconnaître que la maladie donnait naissance à de nombreuses manifestations géné rales relevant de l'infection locale et qu'elle était l'origine première de diverses lésions intéressant les organes génitaux internes. de la femme?

Par la mortalité infantile que la syphilis détermine, par la stérilité que la blennorrhagie engendre, les deux affections contribuent

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