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mies familiales, qui sont très fréquentes ici, nous réussissons à trouver le foyer, parce que au fond le peuple est naïf et parle plus ou moins sans gêne des rapports sexuels avec le médecin des maladies vénériennes.

Une autre source de la syphilis sont les bains turcs et les cafés. Dans les bains, ce sont surtout les rapports sexuels contre nature qui donnent lieu à la propagation de la maladie. La pédérastie est très répandue en Orient. Sans exagération, on pourrait dire que la plupart des . hammams ", bains turcs, sont des bordels de garçons. Ce sont des enfants de 10 à 15 ans, ceux surtout dont l'extérieur est un peu féminin, qui sont engagés comme garçons de bains, comme domestiques, et qui se prêtent à la pédérastie. En conséquence, les affections primaires à l'anus sont bien fréquentes et un garçon contaminé a tout le temps de propager sa maladie pendant quelques semaines; insuffisament guéri, il reprend bientôt son métier funeste.

Les cafés favorisent beaucoup l'infection, moins par les tasses et les verres insuffisamment lavés, que par les nargiléh ", les pipes à l'eau ; les bouts de ces pipes passent de bouche à bouche. Une autre habitude fatale est la suivante: beaucoup d'Orientaux, les femmes surtout, font allumer leurs cigarettes par d'autres personnes; ils prennent la cigarette allumée et continuent à la fumer, souvent sans se servir de porte-cigarette.

Les différents modes de la propagation de la syphilis que nous venons d'indiquer impliquent la fréquence de la contagion extragénitale. La syphilis vénérienne extra-génitale est très frẻquente, mais la syphilis accidentelle extra génitale et surtout la syphilis insontium est encore plus fréquente.

Une localisation très fréquente de l'affection primaire est encore donnée par les hammams. Les musulmans, hommes et femmes, ont l'habitude très hygiénique de se raser les poils aux parties génitales, aux aisselles, etc. Cette dépilation est faite aux bains avec une pâte ou avec le rasoir. Les rasoirs malpropres sont la cause de chancres sus-pubiens; la fréquence de la localisation de l'affection primaire sur la région comprise entre l'ombilic et le dos de la verge est étonnante.

Mais enfin, nous avons eu l'occasion d'observer presque toutes les variétés de chancre extra-génital: paupières, joues, lèvres, langue, gencives, amygdales, thorax, ventre, doigts, les régions

'génitale, périnéale, pubienne, sur toutes ces régions, il nous est arrivé d'observer des manifestations primaires d'une syphilis dans la plupart des cas accidentelle, non vénérienne.

3° L'hospitalisation des vénériennes libres et des vénériens ne se fait pas du tout ou d'une manière tout à fait insuffisante. Dans la capitale, il y a un hôpital pour les filles des maisons tolérées. Mais la surveillance des filles est faite par des médecins qui n'ont pas de connaissances spéciales; quelques-uns sont tout à fait ignorants; tous sont très peu et irrégulièrement payės. L'hôpital n'est pas suffisant, ni quant au nombre des lits ni quant à l'installation. Ainsi les quelques médecins instruits et consciencieux ne sont point en état de faire le nécessaire.

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Quant aux provinces, nous connaissons de visu la situation du vilajet de Castamouni. Un vali énergique c'est le ministre de la Justice actuel, Abdurrhaman Pacha a fait construire il y a une douzaine d'années quelques hôpitaux tout à fait satisfaisants quant à la grandeur, à la situation, à la disposition. Mais après son départ, ses successeurs n'ont pas continué l'œuvre commencée ou, plutôt, l'ont tout à fait abandonnée. Les hôpitaux végètent, n'ont pas le nombre de lits prévus, n'ont pas de ressources suffisantes. Depuis quelques années nous faisons notre possible pour que la tâche d'Abdurrhaman Pacha soit reprise et que partout où la nécessité s'en impose, des hôpitaux soient construits, et les budgets nécessaires accordés. Sa Majesté Impériale le Sultan s'intéresse beaucoup à cette œuvre et il faut espérer que les mesures les plus nécessaires seront prises contre cette maladie qui influence déjà l'augmentation de la population. Ce qui rend le mal encore plus fatal pour le pays, c'est que non seulement les hôpitaux, mais plus encore les médecins manquent. A plusieurs journées de voyage on trouve un seul médecin, insuffisament payé et cumulant en même temps toutes les fonctions de praticien, médecin du Gouvernement, médecins des municipalités, médecin légiste, etc. Ainsi ces médecins, même lorsqu'ils ont les connaissances nécessaires, ne sont pas en état de faire quelque chose pour enrayer le mal.

4. Dans les hôpitaux militaires de la capitale, il y a des services spéciaux pour les maladies vénériennes; à la polyclinique de l'Ecole Impériale de médecine, il y a quatre fois par semaine une consultation pour les maladies cutanées et vénériennes. Mais

dans les autres hôpitaux et en ville il n'existe pas d'autres établissements ou services s'occupant spécialement du traitement des maladies vénériennes.

Les hôpitaux des provinces n'ont pas de services spéciaux. Quelques-uns des hôpitaux susmentionnés du vilajet de Castamouni sont destinés exclusivement au service des maladies vénériennes.

5. Il n'existe aucune organisaton de secours mutuels dans ce rays.

6. Depuis quelques années, nous sommes chargés d'un service spécial pour l'enseignement de la vénéréologie. A l'hôpital de Haidar-Pacha, un service de 200 lits est à notre disposition; sur notre proposition, ou fera prochainement à l'hôpital de HaidarPacha un service central pour les soldats de la garnison de la capitale atteints de maladies vénériennes. Des médecins militaires qui ont suivi nos cours à l'École Impériale de médecine sont attachés à ce service pendant deux ans. Ces médecins sont destinés au serviee des hôpitaux dans les vilajets contaminés. Jusqu'à présent le nombre de ces médecins était de six par an; dorénavant, on devra augmenter ce chiffre.

DANEMARK.

Prostitution et maladies vénériennes en Danemark.

Enquête de M. LE DOCTEUR EHLERS.

Par

DÉFINITION.

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APERÇU HISTORIQUE.

Personne n'est exempt de dire des fadaises; le malheur est de les dire curieusement. Cela ne me touche pas: les miennes m'échappent aussi nonchalamment qu'elles le valent, d'où bien leur prend; je les quitterois soubdain, à peu de coust qu'il y eust; et ne les achette ny ne les vends que ce qu'elles poisent; je parle au papier, comme je parle au premier que je rencontre. Qu'il soyt vray, voicy de quoi.

Essais de MONTAIGNE, livre III, chap. I, édition Buchon, Paris 1837.

prostitution nous entendons, selon le droit romain, le trafic charnel qui s'accomplit publiquement sans choix et pour de l'argent :

Palam sine delectu pecunia accepta.

La prostitution considérée dans ce sens constitue une plaie sociale aussi enracinée que la pauvreté, probablement justement comparable avec celle-ci.

Les principales manifestations vitales des êtres vivants sont : la conservation de l'individu et la conservation de la race, qui sont représentées par les instincts, la faim et la sexualité.

L'entretien et la conservation de l'individu est le souci principal;

nous voyons que l'individu tàchera tout d'abord de satisfaire à sa faim.

Si l'individu garde de la conservation de soi-même un excédant, il devient capable de veiller aussi à la conservation de sa race.

Beaucoup de pauvres individus essayent cependant de remplir les deux fonctions, sans avoir pour cela un excédant suffisant de la conservation de soi-même; par un tel procédé, ils ne peuvent qu'augmenter leur pauvreté et descendront rapidement par l'échelle sociale.

D'un autre côté, il y a de nombreux individus gardant un excédant plus ou moins considérable de la conservation de soi-même mais préférant une conservation de soi-même en existence plus comfortable que celle strictement nécessaire. Ne pouvant pas se soustraire aux exigences de l'instinct sexuel qui veille sur la conservation de la race, tout comme la faim veille sur la conservation de l'individu, ils préfèrent s'adresser à des membres de l'autre sexe, qui sont disposées à leur accorder, sans exiger une liaison ferme et gênante, palam sine delectu pecunia accepta, la satisfaction de leur instinct sexuel.

Les motifs qui poussent les femmes à accepter cet ordre de choses sont de nature tout à fait différente, variant de la misère à l'envie du luxe, de l'augmentation de l'instinct sexuel au froid calcul de son propre avantage.

La prostitution est donc soutenue par l'instinct de la conservation de la race ou l'instinct sexuel et par les difficultés qu'éprouve l'individu qui en a d'autres à sa charge, à nourrir sa famille.

Ces difficultés ont été plutôt en augmentant-a-t-on dit pendant le XIXe siècle et ne s'amélioreront guère au xxe.

Nous ne savons rien de ce qu'étaient autrefois ces difficultés, car les historiens des siècles passés ont négligé de nous détailler la vie des classes laborieuses. Mais nous savons que les deux facteurs précités ont été collaborateurs depuis des temps immémoriaux, de sorte qu'il est à prévoir, qu'ils travailleront ensemble. dans l'avenir aussi.

Celui qui croit à la possibilité de l'éradication de la prostitution doit pouvoir croire également à la disparition de la pauvreté. Mais, hélas ! il n'y a pas de différence entre les plaintes que proférait le prophète Isaïe- il y a vingt siècles-contre les filles de Sion, et les plaintes soulevées de nos jours par des pères de familles indignés,

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