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Ce dernier point sera quelquefois difficile à établir, mais, en général, on pourra obtenir des notions assez exactes. Il sera aussi possible d'établir une certaine statistique du mouvement morbide des prostituées clandestines, chose qui fait aujourd'hui complètement défaut.

Que sont, chez nous, les prostituées clandestines?

Nous avons dejà indiqué plus haut une classe de filles qui sont des prostituées clandestines : des filles ayant leur mère qui, par pauvreté, par paresse et par le mauvais exemple, s'adonnent à la prostitution.

Puis les choristes de théâtres, les chanteuses de cafés-concerts, quelques jeunes ouvrières de différents ateliers, des demoiselles de magasins, des bonnes, des gouvernantes et surtout beaucoup de femmes qui se disent entretenues et issues de la classe moyenne de la société.

Celles-là propagent les maladies vénériennes aux gens de la bonne société, à la société d'élite et à la classe faisant partie de notre high-life.

Tandis que les servantes infectent à leur tour la basse classe de la société et quelquefois des jeunes gens de bonne famille.

Comme on le sait, la prostitution clandestine est un fléau pour la sociéte et est assez répandue dans tous les pays.

A Paris, d'après certains auteurs, le nombre des prostituées clandestines serait de 160,000; à Berlin, de 30,000; à Vienne, de 25,000.

Chez nous, le nombre de cette catégorie de prostituées est officiellement inconnu, faute, comme nous venons de le dire, de données précises; mais ce nombre doit être, proportionnellement à notre population, plus grand que dans les villes ci-dessus mentionnées.

Ponrquoi cela? Parce que, chez nous, pauvres et riches aiment le luxe et on fait des dépenses incompatibles avec les moyens ordinaires d'existence.

La femme du petit bourgeois veut avoir le luxe du grand bourgeois, la femme du petit ouvrier veut imiter celle du patron; le petit fonctionnaire marche souvent sur les traces des grands; pour cela, il faut de l'argent et on s'en procure par la prostitution clandestine.

Aussi la syphilis et la blennhorragie sont-elles très répandues chez nous, et cela dans toutes les classes de la société.

Les chiffres indiqués plus haut ont montré le grand nombre de personnes atteintes de maladies vénériennes et traitées dans les hôpitaux; on a vu aussi le grand nombre de consultations gratuites données toujours pour ces mêmes maladies.

En dehors des hôpitaux qui donnent un grand nombre de consultations gratuites, il existe, à Bucharest, une polyclinique où l'on donne aussi de telles ordonnances.

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Mais l'institution de la polyclinique chez nous ne possède pas un personnel compétent; chacun s'est intitulé spécialiste " pour telle ou telle branche de la médecine, quoique certains parmi ceux-là n'aient pas été assistants d'une clinique spéciale, ainsi que la chose se pratique à Vienne, Berlin, etc.

Comme on vient d'ailleurs de le voir, nos administrations hospitalières ont suffisamment de services pour donner des consultations gratuites.

Notre règlement (voir ci-joint ce règlement) prévoit les formalités à remplir pour l'inscription des filles ou femmes parmi les prostituées réglementées, mais le plus souvent ces dispositions ne sont pas respectées et les filles mineures, si elles veulent, sont comme les autres, inscrites assez facilement,

Il nous manque absolument une institution qui aurait pour but de détourner les filles mineures de la prostitution; aussi avons nous vu à Bucharest inscrites en 1896, sur 467 prostituées, 158 mi

neures.

De même, le Dr Butaresco (1), dit avoir eu dans son service à l'hôpital de Braïla 157 filles mineures, en 1895, atteintes de maladies vénériennes.

Le même règlement, basé sur l'article 160 de notre loi sanitaire, prévoit, comme nous l'avons dit déjà, le mode d'hospitalisation des femmes prostituées, trouvées malades, mais on ne fait presque rien pour les autres malades qu'on traite aux consultations gratuites et qui, offrant des syphilides buccales, deviennent dangereux pour la société.

Car, bien que l'article 161 de cette loi dise que « les préfets et les maires de chefs-lieu de départements ont le droit d'interner dans un hôpital tout individu atteint d'une maladie syphilitique dange

(1) Deplorabila organisatie sanilora Térei, de 1897, p. 45.

reuse pour la société, cet article, comme nous l'avons déjà dit, vise surtout les paysans malades.

Cela veut dire qu'on n'ose pas prendre une mesure semblable pour les villes où pourtant ces malades sont bien pius nombreux et, par conséquent, plus dangereux.

Il faudra donc élargir les bienfaits de cet article de loi et l'appliquer aussi aux villes. Puisqu'aujourd'hui il y a beaucoup de ces malades qui courent les rues et qui, lorsqu'ils entrent à l'hôpital, exigent d'être congédiés avant leur guérison ou, pour mieux dire, avant la cicatrisation complète des lésions pour les quelles ils avaient demandé un lit à l'hôpital.

Mais, pour qu'on puisse faire une telle loi, il est absolument nécessaire de déclarer les maladies syphilitiques, maladies infectiocontagieuses, et de les mettre sur la même ligne que les autres maladies pour lesquelles la déclaration est obligatoire.

Certes, il n'est point besoin d'afficher le nom des malades atteints de maladies syphilitiques ou vénériennes. On doit toujours s'en tenir là-dessus au secret professionnel.

Mais la prostitution, dans laquelle on doit s'efforcer de faire entrer les clandestines, qui sont la source des maladies vénériennes, doit être avant tout juridiquement réglementée.

Cela est possible, si l'on considère la prostitution comme une industrie et cominerce insalubre, au sujet desquels la société est en droit de prendre des garanties sérieuses de défense.

Disons maintenant quelques mots sur les six questions du programme de la Conférence de Bruxelles.

PREMIÈRE QUESTION. Malgré les défauts et les lacunes que nous avons signalés concernant les visites médicales des femmes prostituées, il est certain que ces visites on contribué, bien que faiblement, à diminuer le nombre des maladies vénériennes.

En effet, aux visites en question, on a trouvé malades (voir plus haut), pour les six années indiquées, 7,029 femmes, qui ont été internées à l'hôpital.

Eh bien, si on avait laissé ces femmes chez elles, n'auraientelles pas infecté un nombre au moins double d'hommes ?

Ceux-ci, à leur tour, n'auraient-ils pas donné la maladie à d'autres femmes?

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venons de dire, bien que les dispositions de notre règlement sur la surveillance de la prostitution soient excellentes, l'application en laisse beaucoup à désirer.

11 faudra surtout pour nos grandes villes, réorganiser complètement le service sanitaire de la prostitution il faudra créer une direction spéciale du service sanitaire de la mairie.

Ce service, dirigé par un médecin ad hoc, devra avoir sous ses ordres une police des mœurs bien organisée aussi, et qui ne soit pas gênée dans ses attributions par les organes de la police administrative.

Au contraire, sous peine d'amende, les commissaires et autres agents inférieurs de la police administrative doivent être tenus de donner leur concours au chef du service sanitaire de la prostitution. Le médecin en chef de la prostitution devra également être investi de pouvoirs administratifs et judiciaires.

Il aura sous ses ordres: un inspecteur sanitaire, docteur en médecine, et au moins, ceci pour la ville de Bucharest surtout, deux médecins possédant des connaissances spéciales.

Tous ces postes seront donnés au concours et les médecins qui aspireront à les obtenir devront jouir d'une bonne réputation privée.

Les visites médicales de toutes les prostituées inscrites devront avoir lieu au dispensaire, deux fois par semaine et les femmes inscrites devront y venir régulièrement. Dans le cas contraire, on leur appliquera une amende et la prison d'un jour en cas de récidive.

TROISIÈME QUESTION.

Cette question est d'une très grande importance et on a écrit beaucoup là-dessus.

Il n'est pas, par conséquent, nécessaire de se livrer sur elle à une longue critique et nous dirons que, sur ce point, tout dépend du pays et des hommes tenus d'appliquer strictement les règle

ments.

Car, si les patronnes des maisons de tolérance exécutaient avec exactitude toutes les prescriptions des règlements, la prostitution, dans ces établissements, serait, au point de vue médical, bien mieux contrôlée que lorsque les femmes ont un domicile particulier. Chez nous, il y a des tenancières de maisons qui, comme nous venons de le dire, cachent quelquefois aux médecins les filles malades et les obligent ensuite à avoir des rapports avec les

hommes. Il serait très intéressant d'avoir une statistique sur ce poiut, mais, jusqu'à présent, elle fait défaut chez nous.

Le Dr Butaresco (1) a, pendant six mois, en 1889 et 1890, recueilli les déclarations de femmes atteintes de maladies vénériennes qu'il a eu à traiter à l'hôpital communal de Braïla et il est arrivé au résultat sui vaut sur un nombre de 198 hommes, 127 ont déclaré avoir contracté leur mal dans les maisons de tolérance; 20 de prostituées clandestines et 51 sans déclaration bien connue.

Ceci prouve que les mesures pour la surveillance de la prostitution sont très mal appliquées et souvent complètement négligées en province; mais des cas semblables s'observent aujourd'hui aussi à Bucharest.

Il paraît qu'à Berlin les filles publiques demeurent seules et sont obligées par le règlement, sous peine de punitions sévères, de se présenter régulièrement chaque semaine à la visite du médecin. Ce système a donné jusqu'à présent les meilleurs résultats.

Par conséquent, à Berlin, il n'y a pas de maisons de tolérance et les souteneurs ont complètement disparu depuis quelque temps. Mais à Berlin on est habitué à respecter les règlements et les fonctionnaires font leur devoir consciencieusement.

Aussi dirai-je, sans entrer dans les détails là-dessus, que le meilleur système serait celui de Berlin, qui, d'ailleurs, doit exister aussi dans d'autres pays; mais pour cela il faudra des hommes et des caractères qu'on n'a pas dans tous les pays.

Chez nous, comme nous l'avons montré, la plupart des femmes prostituées habitent dans les maisons de tolérance, un quart de celles inscrites demeurent seules.

Mais, comme le règlement sur la surveillance de la prostitution, malgré ses bonnes dispositions, n'a pas été sévèrement appliqué, beaucoup de gens ont contracté des maladies vénériennes dans les maisons de tolérance, d'où la conséquence qu'il serait préférable de supprimer ces maisons.

Tout de même, je pense que, chez nous, on ne doit pas prendre une décision définitive sur ce dernier point avant d'appliquer strictement, sévèrement le règlement. On notera le nombre de maladies contractées dans ces établissements ainsi que celles fournies par le contingent des prostituées à domicile privé; et ainsi, au bout de deux à trois

(1) Prostitutium nea si Extensiunea sifilisutui in orasul Braila, 1890, page 78.

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